"On saisira le Tribunal Pénal International !"

Partager

La famille Matoub Lounes déposera "incessamment" une plainte contre X dans le cadre de l’affaire de l’assassinat du rebelle, un certain 25 juin 1998 sur les hauteurs de Tala Bounene.

L’annonce a été faite hier au cours d’une conférence de presse animée, au niveau du bureau de la ligue algérienne des droits de l’homme, conjointement par Malika Matoub et ses deux avocats. En marge de sa rencontre avec les journalistes, la sœur du rebelle indiquera dans une déclaration faite à la Dépêche de Kabylie, pour expliciter sa volonté « d’internationaliser l’affaire Matoub », que sa famille est prête « si les blocages persistent » à « saisir le tribunal pénal international ».

« Beaucoup de nouveaux éléments troublants seront versés au dossier de la nouvelle plainte qui sera déposée contre X », a martelé maître Rahem Kaci devant un parterre de journalistes. En effet, lors de cette rencontre organisée au lendemain de la tenue du procès devant la cour de justice de la wilaya de Tizi Ouzou et qui a vu les deux principaux accusés, Madjnoune Malik et Abdelkrim Chenoui, en l’occurrence, écoper d’une peine de 12 ans de prison ferme, Malika Matoub qui s’est, pour rappel, retirée de l’audience et a refusé de se constituer partie civile, a déclaré que  » le procès de Medjoune et Chenoui a été une mascarade judiciaire  » dont l’issue a été selon elle, « prévisible depuis des années ». La sœur du rebelle dira qu’elle ne « participera jamais à la deuxième mise à mort de Lounes ». Elle fera savoir, à l’occasion, que le procès tenu avant-hier est une  » première dans les annales de la justice « , puisque, ajoutera t-elle, « le juge n’a pas cessé de supplier la famille Matoub pour laisser passer le procès ».

Reçue par le président du tribunal criminel, elle dira qu’elle a posé des conditions, « la non association du nom de mon frère dans le procès et le retrait de l’autre partie civile » car, estime t-elle, « la famille Matoub est une et indivisible ». Parlant de « montage » et de « dossier vide », Malika Matoub qualifiera le procès, qui a abouti à l’inculpation des deux mis en cause, comme  » la montagne qui a accouché d’une souris « . Au cours de la conférence de presse, la sœur du rebelle dira que « l’affaire Matoub vient de renaître des cendres de cette parodie de justice » informant de sa volonté de déposer plainte contre X, mais aussi du dépôt, auprès des juridictions compétentes, d’un « mémoire » qui inclura les « soupçons » de la partie civile, d’autant plus que des « zones d’ombre subsistes encore ». Pour la sœur du rebelle, le rejet de la plainte induirait « la saisine d’autres instances », car, précisera t-elle, « même si la famille Matoub croit en la justice » s’il y a des blocages « on ira loin ». Plus explicite, Malika Matoub indiquera que « cette procédure (le dépôt d’une autre plainte) n’est pas gagnée d’avance. Ils peuvent nous refuser ce droit et nous serons contraints de voir d’autre voies « , précisant que l’internationalisation de l’affaire en est une, « nous sommes prêt à saisir les instances internationales et d’autres organismes de défense des droits de l’homme ». Sollicitée par la Dépêche de Kabylie, pour plus d’explications à propos de cette démarche que la famille Matoub compte entamer, Malika Matoub ira plus loin dans ces propos en avançant que sa famille ira « jusqu’à saisir le tribunal pénal international (TPI) », dans le cas où il y a des « blocages ». De son coté maître Kaci Rahem, avocat de la famille Matoub, a relevé plusieurs « entorses » qui ont entaché le déroulement du procès, mais aussi la prononciation de la sentence à l’encontre de Madjnoune et Chenoui.

« Un procès entaché d’irrégularités », juge la partie civile.

Pour lui, la première « irrégularité », intolérable à ces yeux, de ce qu’il a qualifié de « parodie de justice », est « la non lecture de l’acte d’accusation ou de l’arrêt de renvoi de la chambre d’accusation ». Le tribunal a accepté de passer sous silence les faits contenus dans l’arrêt de renvoi « , un motif qui pourrait, selon maître Rahem, constituer une condition de nullité devant la cour suprême. Autre fait jugé de  » grave  » par l’avocat de la partie civile, le fait que le tribunal criminel n’a pas, selon Maitre Rahem, « lu l’acte d’accusation ou les questions posées aux deux accusés à partir de l’arrêt de renvoi ». Pour lui, « le tribunal criminel a prononcé une condamnation en vrac, à l’image de ce qui se passe au niveau du correctionnel ». Cependant, ce que l’avocat de la partie civile estime être une « entorse grave » et « impardonnable » est le non jugement des huit mis en cause dans l’affaire et qui devaient être condamnés par contumace,  » quel sera le sort des huit autres accusés qui n’ont pas été jugés, sachant que l’arrêt de renvoi a été vidé. Échapperont-ils à la justice ? » s’interrogera maître Rahem. Ce dernier a déclaré que le procès, qui s’est tenu avant-hier, était destiné à juger les deux accusés  » notamment le cas Madjnoune, devenu un cas embarrassant pour la justice, du fait de la pression exercée « . Il estimera, dans la foulée que  » le procès Matoub vient de commencer « , estimant, que la partie civile n’a jamais demandé la requalification du dossier. Interrogés sur les éléments nouveaux contenus dans le complément d’enquête, les avocats de Malika Matoub et de sa mère, Nna Aldjia, confirmeront les informations faisant état de déclarations faites par le veuve de Lounes Matoub lors de l’enquête,  » elle a confirmé le fait que les lettre trouvées dans la chambre conjugale de Lounes émanent d’elle. Interrogée par le juge d’instruction, Nadia dira qu’il s’agit d’un ‘jeux ‘ « , dira l’avocat de la partie civile. Malika indiquera à ce sujet que « ma belle sœur a déclarer qu’elle a subi des pressions. Les lettres que j’ai trouvé en mai 1998 dans la chambre de Lounes, c’est elle qu les a rédigé. Pourquoi et par qui les pres sont venues ? », s’interrogera t-elle, avant de souligner que ces éléments seront versés au dossier dans le cadre de la nouvelle plainte qui sera déposée contre X, « je défie quiconque de me dire comment a été assassiné mon frère ». De sa part, maître Rahmoune, interrogé en marge de la conférence de presse, indiquera que le déroulement du procès d’avant-hier a « démenti » les déclarations du ministre de la justice quant à l’ »indépendance de la justice algérienne », dénonçant le caractère « expéditif du procès ».

« Madjnoune et Chenoui seront libérés dans deux mois »

Le procès, très attendu par l’opinion, s’est déroulé dans une ambiance électrique marquée par les slogans scandés par une partie de l’assistance qui a exprimé sa solidarité avec la famille Matoub. Cette dernière avait refusé dés l’ouverture du procès, de se constituer partie civile En plus de la famille Matoub, à savoir sa mère Nna Aldjia, sa soeur Malika, sa veuve Nadia et ses deux sœurs Ouardia et Farida, on a noté la présence de militants politiques et associatifs et de nombreux citoyens.

Le président du tribunal a appelé en premier, à la barre les deux présumés accusés. Malik Madjnoune et Hakim Chenoui, en détention provisoire depuis plus de douze ans. Juste après, le collectif d’avocats de la famille Malika Matoub et sa mère Nna Aldjia exprime son opposition de se constituer partie civile. Maître Rahem indiquera dans ce sens que le « procès ne concerne pas l’assassinat de Matoub, mais bien les deux détenus », expliquant que la famille de Lounes ne se constituera partie civile contre les deux mis en cause « ce procès ne nous concerne pas ». Maitre Kaci Rahem ajoutera, dans le même sens « l’enquête demandée par la partie civile n’a pas été faite, ou du moins partiellement, car les 52 témoins demandés n’ont pas été auditionnés ». De son coté Maître Ait Habib, membre du collectif de défense de Malik Madjnoune déclarera que « le procès doit se tenir avec ou sans partie civile, le procès est celui de Madjnoune et Chenoui. Ils doivent être jugés, c’est leur droit ! ». On retiendra, de l’intervention du représentant du ministère publique, que le juge d’instruction a auditionné dans le cadre du complément d’enquête vingt personnes comme témoins dans cette affaire. L’audience sera suspendue en plus de trois reprises et Malika Matoub sera longuement reçue par le président du tribunal. À la reprise, le procès a pu se dérouler. Lors de leur audition par le juge, les deux mis en cause nieront en bloc l’accusation portée contre eux.

Chenoui Abdelkrim dira que ses déclarations faites lors de l’instruction sont la résultante des « pressions » qu’il aurait subi lors de l’enquête. Il soulignera qu’il ne « connaît, ni de près ni de loin » Malik Madjnoune. Ce dernier s’est interrogé au moment de son audition, « je ne sais pas encore pourquoi je suis là ? », rejetant du coup, toutes les accusation portées contre lui, conforté dans ses propos par le témoignage de cinq personnes travaillant dans un restaurant au niveau de la rue de la paix. Ce n’est que vers 19h que le verdict tombera.

Medjnoune et Chenoui ont été condamnés par le tribunal criminel de la cour de justice de Tizi Ouzou à 12 ans de réclusion. Ils pourront du coup retrouver leur liberté dans les deux prochains mois.

Omar Zeghni

Partager