Fidèle jusqu’à la mort

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(2e partie et fin)

En écoutant le récit, la perdrix est prise de compassion et se met à pleurer, se roule dans la poussière, jusqu’à être en sang et perdant son duvet et ses plumes jusqu’aux derniers. Ainsi dénudée, elle rencontre sur son chemin un chacal affamé qui veut la dévorer. Indignée, elle lui dit : -A ta place, j’aurais honte d’avoir une telle pensée, la puce a perdu son mari, moi je pleure et je compatis, alors que toi, tu ne cherches qu’à manger. Quelle drôle d’idée !Le chacal est interloqué, il se gratte la tête et lui dit : -Je ne sais quoi penser, j’ai faim et j’ai envie de te dévorer ; cependant, je vais t’accorder un sursis à la condition que tu viennes avec moi chez le lion, c’est lui qui va arbitrer le conflit qui vient de surgir entre nous, chère amie !Le chacal et la perdrix se rendent chez le roi des animaux et lui racontent, chacun, sa version des faits.La perdrix lui dit :-Je suis très sensible au malheur d’autrui, la mort du mari de la puce m’a affectée, à tel point que, par compassion, je me suis roulée dans la poussière jusqu’à me déplumer et ce chacal veut me dévorer, n’est-ce pas de l’injustice ceci, majesté !?A son tour, le chacal se justifie ainsi : -Cela fait des jours que je n’ai rien mangé; quand j’ai rencontré sur mon chemin cette perdrix déplumée, je me suis dit que c’est Dieu qui me l’a envoyée, car depuis que le gibier s’est raréfié, je me suis mis à prier, et mon vœu a été exaucé. Cette perdrix m’est destinée. De toute façon, ainsi accoutrée, ne pouvant voler, elle risque de chuter, de mourir et de pourrir sans que personne ne profite de sa chair.Après avoir écouté les récits de la perdrix et du chacal, le lion réfléchit un instant puis dit : -Les plumes de la perdrix ne tarderont pas à repousser, toi, tu as tort de vouloir la dévorer au moment où elle compatit sur la mort d’autrui. C’est une attitude inadmissible, que je me dois de sanctionner. Chacal, je te condamne à mort. La sentence va être exécutée sur le champ, passe devant moi !Le lion, le chacal et la perdrix se rendent au bord d’un précipice. Sur place, le lion ordonne au chacal de se jeter dans le vide. Le chacal s’avance, tremblant, mais dans un éclair de lucidité, il freine son allure et revient dire au lion : -Majesté, je ne sais pas sauter, je n’ai jamais appris, mais si tu me montres comment on fait, je n’hésiterai pas à me jeter.-Je ne savais pas que tu étais aussi ignare. Regarde-moi, je vais te montrer.Le lion prend son élan pour faire la démonstration. Manque de pot, il glisse et tombe dans la précipice.Heureux du tour qu’il vient de lui jouer, le chacal dédaigne la perdrix. Pour aujourd’hui, il a mieux à faire, un festin avec chair de lion l’attend en bas. Il appelle ses congénères à la rescousse. Il n’est pas ingrat, tout le monde va faire bombance, c’est lui qui régale, il va rendre heureux les chacals.Toujours chagrinée et malheureuse, la puce continue ses pérégrinations et arrive devant une rivière. Elle se met à pleurer en pensant à son défunt mari. Ne pouvant vivre ainsi le restant de sa vie, elle se jette à l’eau et meurt emportée par les flots.“Our kefount eth’houdjay i nou pour kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. » (Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).”

Lounès Benrejdal

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