D’aucuns diront que le sport féminin a beaucoup apporté à l’Algérie en termes de résultats, de médailles et de notoriété et ce en dépit du manque de moyens et de considération qui, il faut le reconnaître, n’a jamais été égale à celle réservée au sport masculin.
Dans un passé récent, le seul nom qui émergeait quand le sport féminin était évoqué est, sans conteste, celui de la championne olympique 1992 à Barcelone (Espagne), Hassiba Boulmerka, qui avait marqué de son empreinte l’athlétisme algérien. Depuis l’année 2000, l’Algérie voit chaque saison, ou presque, l’émergence de nouvelles athlètes qui ont su et pu hisser haut l’étendard du sport algérien à l’étranger. De Nouria Bénida-Merrah (athlétisme) à Soraya Haddad (judo), en passant par Baya Rahouli (athlétisme), Salima Souakri (judo), Naïma Laouadi (football), la jeune Kamilia Hadj Said (karaté), la promesse Zehra Bouras (athlétisme), sans oublier les volleyeuses de la sélection algérienne. Toutes ont démontré que la pâte existait et qu’avec un peu plus de prise en charge, le sport féminin pouvait apporter encore plus à l’Algérie sur la scène internationale. Mais les anciennes et nouvelles générations ne veulent pas que ces noms soient l’arbre qui cache la forêt et demandent plus de considération à leur égard, se plaignant également du manque d’infrastructures qui les pénalise dans leur travail. Contactée par l’APS, Hassiba Boulmerka, la première à offrir une médaille d’or olympique au sport algérien, dresse un constat de la situation et propose de « donner plus de chances et d’avantage de moyens à la pratique féminine en Algérie ». « Nous sommes en train de nous bagarrer et de lutter pour la pratique en elle-même. Nous avons besoin d’une décision politique courageuse pour donner un plus grand élan à la pratique du sport féminin en Algérie », a ajouté Boulmerka, qui souligne aussi l’absence de femmes à la tête des structures sportives. »De nos jours, il est difficile de trouver une présidente de fédération ou de ligue. Des fois, on fait un pas en avant et dix en arrière », a-t-elle regretté. De son côté l’ancienne judokate, Salima Souakri, actuellement entraîneur de la section judo du GS Pétroliers (seniors dames), estime que si le sport féminin « n’arrive pas à émerger », c’est en premier lieu à cause du manque d’infrastructures et surtout à la prise en charge défaillante de la jeune athlète à ses débuts. L’ancienne internationale de football, Naima Laouadi, plus connue sous le sobriquet de « Maradona », partage cet avis et estime que « tous les sports féminins ne sont pas bien pris en charge », relevant le manque « colossal » d’infrastructures qui entrave leur travail, elle qui est actuellement à la tête de l’équipe du CLT Belouizdad, finaliste de la Coupe d’Algérie 2010-2011 et troisième du dernier championnat.
Djiar appelle à la promotion du sport féminin
Certaines athlètes refusent, par contre, de s’étaler sur la problématique du manque d’infrastructures et de la prise en charge, préférant se concentrer plus sur le travail, seul gage de réussite. »On voyait, par le passé que le sport était réservé aux hommes, notamment les arts martiaux, mais maintenant, tout le monde constate un développement du sport féminin en Algérie, et ce dans toutes les disciplines. On a laissé tomber les préjugés. Résultat : les femmes algériennes sont au rendez-vous dans chacune de leurs sorties et réalisent de bons résultats », se félicite Kamilia Hadj Said, karatéka du CRB Chéraga et championne d’Afrique en kata (juniors) en 2009. Le ministre de la Jeunesse et des Sports, M. Hachemi Djiar, ne cesse, à chacune de ses sorties, d’insister sur la détection et la formation des jeunes talents pour garantir un avenir prometteur au sport féminin qui n’est pas antinomique avec l’Islam. »Nous avons un potentiel très important, il faut seulement créer les conditions pour qu’il puisse s’exprimer. Il faut promouvoir le sport féminin à travers notamment la formation et le sport scolaire », avait déclaré M. Djiar à Alger, à l’occasion du premier Salon national du sport féminin, début juillet. En ce sens, le ministre invite les parents à encourager leurs filles à pratiquer une activité sportive et à mettre fin à la délivrance de certificats médicaux de complaisance, un fait très courant dans les écoles algériennes qu’il qualifie d’ »erreur monumentale ». Quant au grand problème des infrastructures sportives, M. Djiar affirme qu’ »il n’y a pas une wilaya qui ne possède pas d’infrastructures sportives », mais explique que « le rythme démographique est plus rapide que celui des réalisations ». « Les réalisations suivent et il y a eu des milliers d’infrastructures réalisées grâce aux plans quinquennaux 2000-2004, 2005-2009 et actuellement 2010-2014 », rassure encore M. Djiar.
Encore beaucoup de chemin à faire
Pour M. Djiar, le problème ne se situe pas dans les infrastructures mais dans le « travail, la gestion et la formation. Si nous arrivons à bien utiliser ce que nous avons, nous pourrons réaliser beaucoup de choses « , insiste-t-il. Les principales concernées, qu’elles soient retraitées, ou encore en activité assurent qu’avec un peu plus de considération et de prise en charge dans le milieu scolaire, et de sensibilisation des parents, l’athlète peut émerger et étaler toute sa classe. »Tout commence de la cellule familiale, puis on passe à l’école qui reste la base et le noyau de la pratique sportive, pas seulement en Algérie, mais dans le monde entier, parce que l’école est un cadre organisé qui peut orienter les jeunes à pratiquer une activité sportive qui va avec leur morphologie », explique Hassiba Boulmerka. Salima Souakri propose de prendre en charge les meilleurs jeunes athlètes des disciplines olympiques phares et porteuses, qui seront détectés dès les catégories minimes et cadettes à l’issue d’opérations de prospection de jeunes talents car, dit-elle, l’ »Algérien est né champion ». L’ancienne coach de la sélection nationale des seniors dames veut « copier » les systèmes américain, européen et asiatique, qui prennent en charge les athlètes à un âge précoce. « On construit des pôles de préparation de jeunes talents dans chaque région du pays. L’athlète franchit les paliers jusqu’à ce qu’il atteigne le centre national des seniors, c’est la seule solution », a-t-elle proposé. La dernière participation algérienne aux Championnats du monde d’athlétisme des cadets à Lille (France), où elle n’a placé qu’un seul athlète (un garçon) en finale, sur 16 participants dont trois filles, montre que le chemin à parcourir reste encore long.