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M’Chedallah ville morte

Démarche chancelante, pas traînant et incertain, mine défaite, nerfs à fleur de peau : telle est l’image que renvoient les jeûneurs durant cette première semaine du Ramadhan. Du moins ceux qui osent mettre le nez dehors pour vaquer à leurs occupations dans l’infernal climat où chaque geste ou conversation nécessite un considérable effort. Sur le boulevard principal du chef-lieu, les citoyens se déplacent en rasant les murs pour profiter de la moindre ombre pour se soustraire aux dards d’un soleil de plomb. Ils semblent puiser dans leurs dernières forces pour expédier rapidement leur tâche pour rentrer aussitôt se cloîtrer chez eux, jusqu’à l’heure de la rupture du jeûne. Jusqu’aux habituels bruits quotidiens propres aux gros centres urbains, qui ont sensiblement diminués. Les gens parlent peu, se contentant de prononcer les quelques mots indispensables, écourtant au maximum les phrases, d’une voie à peine audible. La plupart des personnes âgées s’accordent à qualifier le Ramadhan de cette année comme étant le plus dur depuis qu’ils ont commencé à jeûner. Les villes et villages ne commencent à se réveiller timidement qu’aux environs de 10h du matin pour replonger dans un silence sidéral, à partir de midi jusqu’à 18h, quand un semblant de fraîcheur commence à s’installer. Jusqu’aux administrations qui sont désertées, avec des bureaux qui ne sont occupés que par quelques employés assommés, silencieux qui ne font pas montre d’un meilleur visage avec un considérable manque de sommeil qui commence déjà à s’accumuler et afficher ses retombées sur nos fonctionnaires qui peinent à garder les yeux ouverts. A M’Chedallah, chef-lieu de daïra, les seuls services qui continuent à enregistrer une certaine animation sont la poste, et les services de la santé et à un moindre degré le service de l’état civil. Bien entendu, d’autres facteurs sont à l’origine de cette léthargie qui s’est emparée de l’ensemble des agglomérations. Il y a d’abord le fait que la circulation automobile ait chuté de moitié ensuite à la fermeture de tous les commerces qui attirent beaucoup de monde tel que les cafés, et enfin au fait que les citoyens préfèrent faire leurs emplettes après la rupture du jeune soit, jusqu’à une heure tardive de la nuit. Il s’est opéré un changement radical du comportement de la population qui se jette dehors pour prendre d’assaut les rues et les places publiques, juste après avoir avalé rapidement la traditionnelle chorba et des litres d’eau ou toute autre boisson fraîche. Ce n’est qu’a la tombée de la nuit que les humeurs changent comme par enchantement. La flemme et la nervosité tombent, une spectaculaire transformation qui ramène de nouveau le sourire sur les visages et l’on commence à regretter les emportements et autres fréquents gestes violents auxquels on a cédé durant la journée. Il est fréquent aussi de voir durant ces soirées de Ramadhan deux protagonistes d’une violente dispute durant la journée, rire de leur comportement autour d’un jus ou d’un thé à la terrasse d’un café. Le seul problème qui peut surgir durant ces moments de réconciliation, c’est lors de l’addition que chacun tient à régler pour se faire pardonner. Celles qui supportent cette dure épreuve du ramadhan sont sans conteste les femmes. Que ce soit au travail ou à la maison, malgré le fait que durant toute cette période du Ramadhan, ce sont elles qui affrontent les tâches les plus difficiles avec un programme surchargé et la durée du sommeil réparateur sensiblement écourtée. Ce sont des moments de la vie où nos douces moitiés nous donnent des leçons d’endurance et de patience, que la plupart des mâles feignent d’ignorer en usant d’ingratitude et d’hypocrisie.

O. S.

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