Le ronronnement des vieilles bobines défilant sur le matériel cinématographique, de même que le métier de projectionniste sont des concepts que les nouvelles générations ne connaissent pas, et ne risquent pas de connaitre dans l’état des choses actuelles. Même si l’envie de se faire une toile vient à l’esprit du bouiri, il est improbable que les dernières projections de la Croisette s’invitent dans une wilaya où le cinéma est littéralement banni. Le 7ème art, en l’occurrence, lui aussi est, par la force des choses, ‘’ boycotté ‘’ par les cinéphiles en l’absence de salles de projection. Des salles de projection qui existent dans différentes daïras de la wilaya mais qui sont inexploitées depuis la décennie noire où les cinémas avaient été décrétés la yadjouz. Depuis ce n’est plus silence, on tourne, mais silence on tue ! Aussi bien à Bouira, M’chedallah, Sour El Ghozlane, Lakhdaria toutes les salles de cinémas ont baissé rideau pour se ‘’reconvertir ‘’ dans des activités commerciales comme c’est le cas de la salle de cinéma d’Ain Bessem ‘’ Le Select ‘’. Une salle vendue et dans laquelle on retrouve actuellement des magasins et même un fast-food ! Drôle d’état des lieux mais c’est hélas la triste réalité. Pourtant, dans les années 90, ces salles avaient réussi, malgré la médiocrité des films projetés, la plupart des projections (films hindous) made in Bollywood, où d’autres œuvres savamment censurées, ne répondaient certes pas aux attentes du public. Toutefois, après la disparition des salles de cinéma, un nouveau créneau a fait son apparition dans de nombreuses villes et villages kabyle. C’était les vidéothèques. Des garages sommairement aménagés, dans lesquels trônaient un téléviseur et un magnétoscope. Des films souvent importés sous le manteau de l’Hexagone et qui n’étaient pas censurés y étaient diffusés. Ces vidéothèques ont longtemps été le seul loisir des jeunes, qui n’avaient pas fait connaissance avec les salles obscures de cinémas, ni des places orchestre ou balcon. Avec le temps, et l’avènement des nouvelles technologies, tel que le DVD et Internet, les cinéphiles ont pu redécouvrir le 7ème art dans toute sa splendeur, mais, chez eux, devant leur écran plat. Un bien piètre environnement comparé à une salle de cinéma digne de ce nom. Sans vouloir forcément se rabattre sur des salles de cinéma étrangères à l’image du Grand Rex, Pathé Gaumont, les cinéphiles aimeraient disposer de leurs propres salles de projection. Des salles dans lesquelles seraient invités nos grands réalisateurs comme Merzak Allouache, Rachid Bouchareb, Mohamed Sifaoui où encore Bachir Derrais. Justement, ce dernier lors d’une visite à Bouira, nous avait accordé un entretien dans lequel il déclarait que ‘’ l’artiste doit bousculer les mentalités.’’ Le producteur du film ‘’Morituri’’, de Yasmina Khadra et réalisateur de ‘’Gourbi palace’’ avait également évoqué le rôle de la culture ‘’ La culture c’est du militantisme. Surtout dans les pays comme le nôtre exposé à tous les dangers : islamisme, intégrisme, fanatisme, terrorisme. J’estime que faire de la culture est un acte de résistance. Les choses ne sont pas dans l’état où elles devraient être : le cinéma est dans un état déplorable, le théâtre pareils, les infrastructures sont fermées.’’ Pour Bachir Derrais ‘’ il n’y a plus d’excuse. Le pays est riche, on a plus soixante dix pour cent de jeunes, l’Algérie n’est plus un pays endetté. Il n’y a donc aucune excuse pour que la culture soit en retard. Il faut que l’Etat dégage de l‘argent. La culture est un art qui consomme de l‘argent. Aujourd’hui la jeunesse algérienne a besoin d’ouverture d’esprit… L’absence de culture ouvre les voies de l’islamisme. Le jeune ira se réfugier dans les mosquées et derrière ces charlatans responsables de la mort de près de deux cent mille algériens.’’
Hafidh.B