Mme Assia Yacine est la présidente de l’association Un livre une vie basée à Dijon en France. Son objectif est de créer des bibliothèques en Algérie et d’aider à leur gestion. Créée en 1998, cette organisation qui milite pour la généralisation du savoir en algérie au moyen des livres, a acheminé près de 12 000 ouvrages à la bibliothèque communal de Tigzirt.Forte de cette expérience, l’association, envisage de créer d’autres bibliothèques à travers la région et le territoire national. Ainsi plus d’un millier de livres seront acheminés vers le centre culturel d’Iflissen. D’autres projets sont en attente pour aider à installer des bibliothèques à Mizrana, à Khenchela et à Oran.La Dépêche de Kabylie, a saisi l’occasion d’une visite éclair en Algérie pour l’interviewer, et ce pour mieux faire connaitre les objectifs, les activités, mais aussi les difficultés auxquelles cette associations est confrontée.
La Dépêche de Kabylie : Pouvez-vous nous présenter votre association ?Mme Assia Yacine : L’association Un livre une vie a été créée en 1998 à Dijon (France). Elle avait pour objectif d’aider au partage du savoir au moyen de bibliothèques en Algérie et d’aide à leur gestion. Nous avons été soutenus dès le départ par la municipalité de Chenove. Nous sommes hébergés dans un local mis gracieusement à notre disposition. Une vingtaine de bénévoles travaillent quarante heures par semaine à la préparation des livres avant leur expédition. Le conseil général du département nous a soutenus jusque là et nous soutient toujours. Nous avons envoyé depuis 1998, onze colis à destination du centre culturel de Tigzirt. Notre prochain colis sera destiné au centre culturel de la commune d’Iflissen, puisque nous avons désormais un nouveau partenariat dans la région, dont nous sommes très contents. Nous avons constaté qu’à Iflissen il existe une vraie dynamique. Je voudrai dire que le travail de mobilisation et de préparation des livres en France est énorme. Beaucoup d’argent est investi pour ces envois. Tout ce bénévolat et ses investissements, nous semblent importants pour concilier les Algériens avec le livre et le savoir. Nous pensons que c’est le plus grand trésor que puisse avoir un peuple pur se construire et construire un avenir pour ses enfants. Nous avons envie que les bibliothèques soient implantées un peu partout et qu’elles deviennent des lieux d’information et de formation et qui aident mieux à sortir de l’obscurantisme et de toutes ces années de terreur, etc. Nous sommes à Tigzirt aujourd’hui pour une réunion de travail. Nous avons constaté qu’il y avait une dégradation de la situation. Nous sommes très inquiets, car nous considérons que nous avons fait énormément de travail pour que ce centre existe. Beaucoup de gens en Algérie ont entendu parler de la bibliothèque de Tigzirt. Des universitaires viennent même de Tizi Ouzou. Cela signifie que des personnes savent qu’ils trouveront un certain nombre d’ouvrages qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs.Tigzirt est vraiment en possession d’un véritable petit trésor. Nous estimons que les responsables locaux ne mesurent pas suffisamment les situations. J’ai trouvé énormément de problèmes, je suis inquiète, d’où ma présence ici. MmeOuld Cadi, représentante de l’association est venue pour faire un état des lieux et pour aider à la gestion.Nous éspérons que cette présente va favoriser une prise de conscience et faire évoluer la situation. Nous souhaitons la rigueur dans la gestion quotidienne du lieu car nos jeunes ont besoin d’être guidés. La bibliothèque est un lieu, où on vient chercher des livres, travailler, échanger des connaissances. Une bibliothèque offre des possibilités d’ouverture sur le monde, c’est pourquoi beaucoup d’enseignants fréquentent ce lieu pour travailler et alimenter leur réflexion.Nous souhaitons vivement que les choses se remettent en place de façon sérieuse, et que les problèmes techniques de fonctionnement soient résolus rapidement. Que les personnes présentent pour animer les lieux fassent preuve de professionnalisme. Nous estimons qu’il est urgent que les responsables au niveau de la municipalité, de la culture et du pays, mesurent les manques de formation qui nous inquiètent.
Combien y-t-il de livres dans un colis ?Chaque envoi compte entre 1000 et 1200 ouvrages, cela représente six mois de préparation et 1500 euros de frais par colis. Ils sont préparés par nos militants : ils sont plastifiés, traités, inventoriés. A l’arrivée ceux-ci sont prêts à l’emploi. Nous facilitons au maximum la tâche des Algériens. Nous avons envie de donner à nos enfants l’envie de lire. Quant le livre arrive, il est en bon état, il donne envie de lire. Dans la ville de Chenove, un local a été mis à notre disposition par la municipalité, vous serez étonnez du nombre de personnes mobilisée tous les jours. Pour finaliser un colis, c’est six mois de travail bénévole, pour 40 heures de travail par semaine. Tous ces préparatifs qui demandent des compétences et du dévouement ne me paraît pas suffisamment pris en compte pour les responsables de Tigzirt. A Tigzirt de réelles insuffisances nous ont été signalées par la représentante de l’association qui se jouera ici pour un mois et demi.Elle nous a donné un diagnostic et en fera part au P/APC qui certainement alertera les responsables et leur fera prendre des mesures nécessaires pour améliorer la situation.
Quels sont les gens qui participent dans cette association ?Je suis la présidente de l’association. Je me rappelle au moment de mon départ de l’Algérie que je souffrais du manque de livres.Je savais que mon pays allait à la dérive, car le savoir n’avait plus sa place, parce que les livres étaient devenus rares. Pour moi, mon premier rêve été de voir s’ouvrir des bibliothèques en Algérie. Quand je suis arrivée en France, mes amis m’ont demandé ce qu’ils pourraient faire pour nous aider, je leur ai expliqué et tout le monde a adhéré à cet objectif. Pour commencer avec des amis, à Bourgogne, nous avons entamé des démarches pour créer cette association et mettre en place les moyens nécessaires. Nous avons été soutenus par de nombreuses structures : des écoles, des enseignants des associations, des mairies, particulièrement celle de Chenove et de sa bibliothèque municipale, qui nous a énormément soutenus. Cette municipalité était l’un de nos plus fidèles soutien et c’est l’une de leur tradition. Nous avons une grande maison à notre disposition ou des retraités viennent chaque jour pour gérer un gros stock de livres. Si nous arrivons pas en ce soutien, nous avions du mal à mettre en place ce projet.
Est-il vrai que la plus grande partie de vos militants sont des anciens instituteurs en retraite ?Pas nécessairement. Il est vrai que beaucoup d’enseignants participent, mais les bénévoles de notre association sont de toutes sortes d’origines sociales, leur motivation est d’aider les livres à circuler et à encourager la lecture en Algérie.
Comment procédez-vous pour collecter ces livres ?Lors des fêtes, des réunions festives, nous faisons des interventions sur les radios, dans les journaux. Nous organisons quatre à cinq manifestations par an où nous diffusons des informations sur nos activités, les gens savent que nous existons ainsi de Bourgogne à Paris. Au bout de sept ans d’activité efficaces nous commençons à être connus.
Votre action cible uniquement l’Algérie ou bien d’autres pays du Maghreb et du tiers monde ?Pour être vraiment efficace, il ne faut pas se dispenser. Le traitement des livres, leur sélection prend énormément de temps.L’objectif de notre action est de créer des bibliothèques et d’aider à leur gestion. Nous disposons de peu de ressources. Le nombre de personnes qui travaillent nous n’est pas extensibles. Nous nous attachons donc à mener des actions modestes, mais efficaces. Au bout de sept ans, nous avons créé et alimentés la bibliothèque de Tigzirt, nous démarrons une seconde à Iflissen et nous espérons en ouvrir une troisième à Mizrana. Nous avons été sollicité à Khenchela, a Oran et nous espérons travailler avec d’autres associations qui font la même expérience sur d’autres lieux. Nous tenons à entretenir une collaboration sur la manière de travailler et échanger des informations pour faire profiter d’autres municipalités de notre expérience.
Avez-vous un message à faire passer ?Je demande à tous les Algériens de se remettre à lire. Il est tellement important et précieux d’avoir le respect du livre et d’avoir le respect de ceux qui les écrivent, lire est un acte essentiel à la construction d’un pays, car cela signifie le partage des idées, des «expériences et l’ouverture à d’autres mondes.
Entretien réalisé par Mourad M.
