Accueil A la une Presse: Et si on se disait toutes les vérités ?

Halte ! : Presse: Et si on se disait toutes les vérités ?

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La célébration de la Journée internationale de la presse cette année, comme toutes les autres années précédentes, sera marquée par des discours qui vont ronronner autour des vertus de la liberté d’expression pour les uns, et les condamnations de la «répression aveugle» pour les autres.

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Par Idir Benyounes

Quid du débat de fond sur le rôle, l’éthique, la déontologie… Le débat est banni, parce qu’il induit des auteurs d’avancer à visages découverts, et des prises de positions tranchées et sans équivoques en termes politiques et / ou idéologiques des différents intervenants. Les généralités et autres formules pompeuses, les jeux de rôles de vierges effarouchées tant maitrisées, et «moi la vertu, et le vice c’est l’autre», aideront les débateurs à se donner bonne conscience et à tenir jusqu’à l’année prochaine.

Mis à part les titres génériques et généreux autour de l’exercice de la profession de journaliste, et du paysage médiatique, il est temps d’aborder des questions «pratiques» et de disséquer sans complaisance la situation. Nous ne pouvons avancer en essayant de faire l’économie d’un débat, de peur de choquer nos amis ou de titiller l’ordre établi. La fin de la loi du silence est une condition indispensable pour que la profession puisse se développer. Le corporatisme étroit et le copinage doivent faire place à un débat sans concession, et dans un respect mutuel. Éviter d’aller au fond des choses n’est jamais sain, voire suspect. De quoi est composé le paysage médiatique national ?

Qui est journaliste, et qui ne l’est pas ? Un média est-il seulement un moyen d’expression, ou également une entreprise économique ? Le slogan de «la liberté de la presse» ne sert-il pas à certains pour masquer leurs stratégies du gain et de la rente ? À toutes ces questions, et à bien d’autres, il faudra apporter des réponses tant attendues, pour lever le voile sur une profession noble, sur laquelle plane la suspicion. Ainsi, certains ont squatté le débat en imposant ses termes et la terminologie y afférant, embrigadant de fait le sujet dans un carcan qui sert leurs intérêts. Quiconque tenterait d’en sortir est voué aux gémonies des maîtres penseurs et débateurs du moment.

Journaux, radios, télévisions, presse électronique… Le secteur public s’est octroyé le quasi-monopole sur les radios, étant admis que les ondes n’ont pas encore été libérées, mis à part les tentatives des radios web. Les chaînes de télévisions quant à elles relèvent d’un monde parallèle où se côtoie la technologie, les cahiers de charges retirés et pas encore remis, les satellites, l’offshore… Hormis les 5 + 1, chaînes publiques qui sont de droit algérien, toutes les autres ne le sont pas. Ces «chaines privées» sont en fait des chaînes étrangères qui appartiennent à des Algériens. Luxembourg, Liban, Jordanie, France, Grande Bretagne… sont les pays des sièges sociaux de ces chaînes. Elles évoluent dans un no man’s land juridique qui fait d’elles des chaînes de télévisions apatrides, traitées par un régime unique en son genre, fait d’illégalité juridique et de tolérance politique et institutionnelle.

Urgence à dissiper le brouillard

Il est impératif et urgent de solutionner ce problème, pour donner l’image d’un pays sérieux et sécuriser ces organes d’informations, leurs investisseurs et leurs travailleurs. «Je suis journaliste !!! »… Le brouillard régnant est loin de favoriser l’identification des journalistes professionnels. Un journaliste professionnel est celui qui vit exclusivement de son métier dont il tire les dividendes. Exercer un métier, une profession autre et intervenir dans un média, fait de vous un intervenant et non un journaliste.

Tous les travailleurs des médias ne sont pas journalistes. Ne le sont que ceux qui interviennent dans la rédaction. Des centaines de cartes nationales de journalistes professionnelles ont été délivrées à des travailleurs de la presse et qui ne sont pas journalistes. Un chauffeur, un agent administratif, un opérateur PAO… sont des acteurs indispensables dans un média ; mais ne sont pas journalistes, tout comme un expert économique, un enseignant, un médecin qui ne sont que des intervenants ponctuels et qui exercent un métier autre que le journalisme.

Écrire sur sa page face book et autre réseaux sociaux, et ne pas faire partie d’une rédaction ou en qualité de freelance pour un média, ne fait pas de moi un journaliste. Un média n’est pas seulement un outil d’expression, c’est aussi – normalement- une entreprise économique. Ainsi, un journal possède une ligne éditoriale faite de convictions et bâtie sur des principes partagés par les rédacteurs ou du moins acceptés par ces derniers par le fait volontaire de rejoindre la rédaction.

Deux entités morales cohabitent, à savoir le titre et l’entreprise. Cette dernière est la garante de la continuité du titre, qui est la raison qui a déclenché le processus. On crée un titre pour exercer son métier et dire des choses. On se dote d’une entreprise pour générer de l’argent afin de payer les travailleurs, l’imprimerie, l’électricité, le matériel…. C’est l’entreprise qui est opposable aux tiers, aux lois, aux impôts, aux créanciers… Le titre quant à lui est une identité et une entité morale.

S’il est vrai que la presse ne manque pas d’ennemis et d’adversaires, les éléments qui la phagocytent de l’intérieur sont beaucoup plus dangereux et nuisibles que les ennemis traditionnels. On ne peut pas posséder un journal et ne déclarer que quelques employés, on ne peut pas ne pas honorer les factures de l’imprimerie parce qu’on bénéficie d’une «protection», on ne peut pas bénéficier de la manne de l’Anep et ne pas consentir d’investissement, ne pas déclarer ses employés et sous-payer ceux qui le sont, on ne peut pas s’enrichir en tant qu’actionnaires et que cette richesse ne profite pas à l’entreprise…

En gros, on ne peut pas monter des spectacles dans lesquels on tient les rôles de justiciers, si on ne fait pas le ménage chez soi. Cette confusion générale, sciemment entretenue, et ce mélange des genres ; aident à maintenir le statu quo, quand tout le monde fait semblant de vouloir le changement. Les cercles couvrent les méfaits pour être intouchables, et les «phagocyteurs» continuent d’amasser des fortunes. Entre temps, des réputations sont surfaites, les pistes sont brouillées et l’image de la presse est ternie au grand dam de ses amoureux.

I. Ben.

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