Haut lieu d’évasion et de méditation

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Azrou n’Thor est un cône de montagne féerique sur les cimes du Djurdjura, où est perché un mausolée. Ce site suspendu entre ciel et terre, à quelque 1 890 m d’altitude, livre les secrets d’une tradition séculaire perpétuée par les trois villages Zoubga, Aït Adella et Aït Atsou.

Mais on y vient aussi d’ailleurs. Il est aussi une destination phare pour les amateurs de randonnées pédestres et une attraction touristique procurant évasion, tranquillité dans un décor époustouflant à couper le souffle.

Illilten, située à 80 km au sud-est du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, à la limite des wilayas de Bouira et de Béjaïa, à mi-distance des cols de Tirourda et Chellata, dans le Parc national du Djurdjura, abrite ce légendaire site, paradis des randonneurs, qui culmine en hauteur de cette superbe région au relief accidenté, et où les hivers rudes cèdent la place à des printemps enchanteurs. Le désert montagneux reprend alors vie et couleurs.

Le cèdre, cet arbre millénaire, constitue le principal couvert végétal de la région qui devient une destination phare à la fois des amateurs et des professionnels des randonnées pédestres. Plusieurs annonces sont publiées sur les réseaux sociaux invitant à l’évasion.

Les fidèles ou les habitués du circuit, quant à eux, s’informent de bouche à oreille. Des groupes de vingt à 50 personnes, guidés par des professionnels de l’activité qui connaissent parfaitement l’endroit, se succèdent périodiquement pour explorer les lieux.

“On sort périodiquement par bus, en groupes allant de 20 à 50 personnes. On laisse le bus au dernier village pour continuer à pied traversant les différents sentiers étroits de ce site jusqu’à atteindre le sommet à hauteur de 1800 m.

Les guides de la région se mettent au devant pour nous orienter et nous donner des instructions en cas de besoin par mesure de sécurité.

En cours de route, des groupes se créent, par affinités ou par centres d’intérêts communs. Des cercles de poètes, chanteurs et autres”, raconte Pika, un jeune homme, la trentaine, passionné des randonnées et particulièrement amoureux de ce site, qui connaît les moindres recoins par cœur.

Tout en admirant les splendeurs de la nature qui dessinent le décor autour d’Azrou n‘Thor, ces randonneurs, généralement des jeunes hommes et femmes, profitent des moments d’échange culturel, poésie, musique, théâtre et même de la danse avant de poursuivre l’ascension vers le point culminant. À ce niveau, les randonneurs ont “l’impression de toucher le ciel.

C’est un moment d’évasion et de méditation unique dans un silence tout aussi profond qu’envoutant que seule la nature rompt de ses chants du vent dont on entend les échos que renvoie ce vieux mausolée“, raconte Pika.

La haut, la voix du vent, dont le retour raisonne à l’intérieur de ce mausolée, rappelle l’histoire de ce rite traditionnel d’origine berbère maraboutique et mi païen perpétué par les habitants des villages Zoubga, Ait Atsou et Ait Adella.

Aux origines de la légende et du rituel perpétué…

Une légende répandue dans la région dit qu’en cet endroit précis un ermite venu dans la région il y a quelques siècles, s’apprêtait à accomplir la prière du “Dohr” avant de rendre l’âme sur place. Les villageois des environs lui auraient alors édifié un mausolée sur ce piton.

Chaque année, trois éditions de ce rituel sont organisées du lever au coucher du soleil tous les trois premiers vendredis “Saints” du mois d’août. Le calme habituel de cet endroit reculé est rompu par les milliers de pèlerins qui lui rendent visite. Ils dépassent parfois les 20 000 personnes selon les organisateurs.

L’accueil de ce nombre important d’invités nécessite forcément une logistique et des moyens. Les trois villages, chacun à son tour, recourent à l’organisation ancestrale pour se préparer au grand jour. Le comité de village se réunit pour s’atteler à la distribution des tâches qui se fait minutieusement.

Les jeunes âgés de 18 ans et plus s’impliquent obligatoirement dans les différentes tâches, comme le nettoyage des lieux, dans la cuisine et la distribution des repas, l’accueil et la sécurité des visiteurs, le transport, l’approvisionnement en eau, l’affichage, l’infirmerie et même la comptabilité…”

Oui, on doit rendre des comptes à l’assemblée villageoise au terme de l’événement”, détail un des organisateurs de la dernière édition à Zoubga.

Le recueil des offrandes se fait en parallèle, c’est un peu le même processus observé à l‘Achoura, cette fête religieuse célébrée dans quasiment tous les villages kabyles: huile, semoule, bêtes sacrificielles ou en argent liquide sont recueillis. Les femmes, elles, se chargent du grand repas du pèlerinage.

Un pèlerinage qui drainent surtout des familles mais aussi des jeunes et des moins jeunes, en groupe ou en solo. En quête de la “baraka” des saints pour ceux d’entre eux qui y croient. Les invités d’Azrou n‘Thor allument des bougies à l’intérieur du mausolée et prient à l’intérieur comme sur la petite terrasse de l’extérieur pour une guérison, un mariage, un retour d’un immigré, paix et prospérité.

“On n’est jamais plus près du ciel qu’à cet endroit ! Les prières sont entendues et exaucées”, raconte-t-on. Les moins spirituels, les jeunes notamment ne ratent pas l’occasion louvoyer à dessein de croiser l’âme sœur, sait-on jamais!

Sinon à défaut, on n’est jamais perdant à Azrou n‘Thor. Profiter de la majestueuse vue qu’offre ce panorama et respirer l’air pur du Djurdjura, “guérit et purifie l’âme”, dit-on.

Du haut de la montagne où est perché le mausolée se distinguent les différents sentiers serpentant entre les rochers et les cèdres. Une chaîne interminable de voitures stationnées aux abords renseigne sur l’afflux des visiteurs.

Une mosaïque humaine se dessine notamment par les couleurs vives des robes traditionnelles kabyles portées par les femmes qui remontent le long de la piste menant vers le mausolée et qui brillent, avec leurs beaux bijoux, telles des étoiles dans une nuit d’été.

L’ambiance et la convivialité sont baignées par les rires des femmes et l’enthousiasme des enfants qui égaient l’espace. Dans une tente, au pied du mausolée un “Agraw” y a pris place égrenant les bénédictions à tous ceux qui font acte d’offrande. Une tâche exclusivement attribuée aux sages religieux du village. Les repas y sont distribués à volonté.

Du couscous à la viande préparé par les femmes du village organisateur est offert gracieusement pour tous. Les artisans villageois, installés au long de la chaussé et au pied du monument exposent et vendent leurs œuvres.

Les femmes chantent, dansent et récitent leurs chapelets d’Izlanes. L’ambiance atteint son summum quand le soleil prend possession du ciel. Mais le temps passe vite à Azrou n‘Thor.

Et le soleil dans sa course vers le couchant annonce la fin d’une journée exceptionnelle. La foule se disperse alors laissant la montagne à ses Saints dans l’espoir “de répondre à leur appel”, comme le soutiennent les vieilles de la région, lors de l’édition prochaine.

“C’est avec un cœur léger que les visiteurs d’Azrou n‘Thor quittent l’endroit. Les soucis, on les jette du haut de la falaise.“ Les ancêtres y croyaient beaucoup. Ceux qui perpétuent la tradition sans doute aussi…

Kamela Haddoum.

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