Quand le peuple s’affranchit de tout tutorat

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Le 3e acte du mouvement populaire en Algérie a confirmé le non-renoncement au rejet du système politique et des figures se présentant en opposants «alternative». Le peuple, à travers son rejet des leaders des partis de l’opposition dans les marches, exprime ainsi son refus du tutorat que ces derniers ont tenté de lui imposer en effet en alternative.

Avant-hier, l’exfiltration du «concurrent sérieux» à la candidature de Bouteflika, Ali Ghediri, de la marche d’Alger, en est l’illustration symbolique, mais combien forte, de «on n’a pas besoin de tuteur», ou «système dégage avec tes partis dans les bagages».

Sa légitimité et sa supposée force émanant du peuple qu’il a toujours revendiquées s’est avéré être un autre canular politicien. Il n’a pas fait long feu, puisque son premier vrai contact avec ce «peuple», qu’il a tant vanté, lui a tourné le dos. Avant l’ex-général major, c’était Louisa Hannoune, «porte-voix de la masse prolétaire» qui fut huée par les prolétaires, au même titre que Makri, «le symbole de l’hypocrisie islamiste» et tant d’autres.

C’est que les masses populaires veulent tout remettre à plat. Elles veulent surtout «formater» tout ce qui a résulté, à tous les niveaux, de la confiscation d’octobre 1988. Trois décennies ont fini par venir à bout de l’espoir suscité par le premier soulèvement populaire contre le régime en place. Les Algériens, qui ont grandi avec, assistaient interloqués à la confiscation, à la trahison.

Ceux qui sont nés dans cette même ère refusent aujourd’hui le fait accompli, ils sont l’origine et le moteur de ce merveilleux élan de liberté vers, peut-être, une réelle démocratie. L’opposition a longtemps surfé sur des vagues berceuses, alors qu’elle savait le peuple pris dans la houle. D’année en année, les leaders de l’opposition se cherchaient dans une société asphyxiée par la puanteur des discours à peine construits sur le bout de la langue.

Si pour Ibn Khaldoun, la vie d’un Etat est de trois générations, cela semble se vérifier pour les partis de l’opposition algériens qui bouclent, tout juste, trois décades. Les images fournies par le mouvement populaire ne trahissent pas. Elles témoignent de la fin de cycle d’une opposition moribonde, combien même elle tente de survivre en se tenant la main chez Benflis.

Ici aussi, elle est vite trahie par l’un des adhérents actifs pourtant, Karim Tabou, qui n’a pas hésité à claquer la porte en dénonçant les visées des convives de l’ancien chef du gouvernement. Ni dans la rue ni dans les salons, les partis de l’opposition ne se retrouvent dans l’océan populaire qui a décidé d’élever à son tour ses vagues.

Le bateau coule inexorablement, car il prend l’eau de partout. La nouvelle génération s’en tient, vaille que vaille, à un seul message : plus besoin de tutorat qui l’a privée de devenir adulte émancipée et tournée vers l’avenir. Le cri de colère pacifique dans les rues n’est plus adressé seulement au système en place, mais à ces partis politiques nés et nourris dans son giron.

Y compris le parti créé par les révolutionnaires de la guerre de libération, dont la confiscation du sigle et de l’idiologie originale, est prié de s’éteindre au risque de disparaître de la mémoire collective. Quelle démarche à suivre, quelle alternative à proposer pour se repositionner au sein de la société avec laquelle le divorce est consommé ? Faut-il aller vers la remise à zéro du champ politique avec tous ses ingrédients (partis, lois…) pour reconstruire une nouvelle vie politique en Algérie ?

M. A. T.

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