Quelles leçons a-t-on retenues ?

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Seize années sont passées depuis le terrible séisme ayant ébranlé Boumerdès et ses environs, un certain 21 mai 2003. Ce drame est gravé dans la mémoire des Algériens et ceux qui l’ont vécu. 16 ans après, jour pour jour, les séquelles de cette catastrophe naturelle sont perceptibles dans plusieurs endroits de Boumerdès.

De mémoire d’homme, jamais aucun drame n’a déclenché un aussi grand élan de solidarité chez les citoyens des 48 wilayas envers les sinistrés. Plus de 2 700 personnes ont trouvé la mort et près de 10 000 autres ont été blessées dans ce tremblement de terre d’une magnitude de 7 degré sur l’échelle de Richter, localisé à une dizaine de kilomètres au large de Zemmouri.

C’était un mercredi, alors que la plupart des Algériens attendaient le match de la Ligue européenne sur les chaînes de télévision, aux environs de 19h, lorsque le séisme frappa avec force pour détruire plusieurs quartiers de la wilaya, en quelques secondes. Des bâtiments et des maisons se sont effondrées comme des châteaux de carte, alors que d’autres l’ont été partiellement. Les habitants ont tenté de fuir, en vain. Certains sont restés coincés dans les cages d’escaliers, alors que d’autres se sont jetés par les fenêtres avec l’espoir de sauver leur vie. Le lendemain, c’était l’apocalypse.

Au quartier 11-Décembre 1961, plusieurs bâtiments se sont écroulés. C’est ici que le drame a été le plus ressenti. A quelques mètres de là, soit sur la rive Est de la ville de l’ex-Rocher noir, le quartier 1200-Logements a été rasé à 70 %. A Zemmouri, l’épicentre du séisme, la ville a été totalement détruite. Les édifices datant de l’époque coloniale, notamment le siège de l’APC, se sont tous effondrés. A ce jour, on peine à redonner son image d’antan à cette ville côtière, en raison de l’ampleur de la catastrophe.

Des restes de débris de bâtiments et autres sont toujours visibles dans certains coins de la ville. A Thénia, les habitations coloniales se sont également affaissées provoquant la mort de plusieurs personnes. La cité Coopérative des Issers a disparu complètement de la carte. Elle est devenue une cité fantôme. 16 ans plus tard, les efforts de reconstruction de la cité peinent à donner une seconde vie à ce quartier toujours pas viabilisé. La cité Chaabani a été touchée aussi.

A Bordj Menaiel, plusieurs bâtisses se sont effondrées, notamment au boulevard Colonel-Amirouche. Certaines constructions de l’ère coloniale continuent de résister à ce jour mais elles menacent ruine. Les autorités locales ne semblent pas se soucier de la vie des citoyens, d’autant plus que les bâtisses en question sont en litige depuis des lustres entres les héritiers. Alors que la population comptait ses morts et blessés, un élan de solidarité très large s’en est suivi. Les règles de construction ont été alors indexées et plusieurs chefs d’entreprise poursuivis dans ce qui est devenu l’affaire du séisme.

De son côté, l’Etat a modifié certaines lois et règles de construction, en exigeant plus de sécurité aux citoyens par la mise en place de procédures draconiennes dans l’acte de bâtir. Mais qu’en est-il des leçons apprises de ce séisme ? Des cités sont en train de pousser comme des champignons sur des zones classées à forte sismicité, alors que d’autres promotions immobilières sont érigées aux bords des oueds à Boumerdès, Zemmouri, Legata, Tidjelabine, Corso, Cap-Djenet, Boudouaou El Bahri, Si Mustapha ou encore Boudouaou, qui sont dans une Zone 3 à forte sismicité.

Les autres localités sont classées Zones 1et 2. Elles sont moins exposées au risque sismique. Des irrégularités sont justement enregistrées dans la réalisation de logements au niveau des zones à risque sismique. Au lendemain du séisme de 2003, l’Etat a implanté 15 000 chalets dans près d’une centaine de sites à travers la wilaya pour reloger les sinistrés. Malgré le recasement de la quasi-totalité d’entre eux dans des habitations en dur, les autres ne le sont toujours pas à ce jour. C’est le cas des 60 familles de la cité Oasis de Bordj Menaiel, dont les habitations ont totalement été détruites par ce cataclysme.

Les sinistrés avaient opté pour l’aide de l’Etat afin de reconstruire leurs maisons et reçu des enveloppes financières à hauteur d’un million de DA. Ils ont engagé un promoteur mais peu de temps après, ils ont été arnaqués. L’affaire est portée devant les tribunaux. Les autorités ont décidé alors d’octroyer le projet à l’OPGI. Près de trois ans plus tard, le projet peine à s’achever et les sinistrés n’en peuvent plus. Certains louent chez des voisins, alors que d’autres sont logés chez leurs familles.

De 2005 à 2008, les sinistrés ont été relogés et les chalets qu’ils occupaient réattribués à d’autres familles dans le besoin, ce qu’on appelait alors des cas sociaux. Un vaste trafic de chalets est alors mis au grand jour, où plusieurs élus et fonctionnaires impliqués ont été poursuivis par la justice. Les autorités locales, déstabilisées par l’ampleur de cette affaire, ont décidé d’en finir avec le dossier des chalets, devenu un véritable casse-tête.

Il a fallu attendre 2016 pour que les premières opérations de relogement débutent. Pendant cette période, les habitants vivaient provisoirement dans des conditions insoutenables à l’intérieur de ces cabanons. Le provisoire qui n’a que trop duré. Une trentaine d’opérations de relogement ont été alors effectuées à travers plusieurs localités. Près de 9 000 familles ont été relogées dans des habitations en dur, des nouvelles cités dortoirs érigées sans commodités ni gaz naturel, notamment. Les chiffres rendus publics font état de 5 000 chalets, qui restent à éradiquer.

Boudouaou, à elle seule, compte près de 1 000 chalets. La colère de ces familles monte alors d’un cran. Elles vivotent dans des conditions déplorables, au sein de ces chalets classés hors service par la commission sociale de la wilaya et dont la durée de vie a expiré. Un autre problème de taille qu’il faudra prendre en charge au plus vite est celui inhérent aux familles non relogées et ayant introduit des recours. Leur cas est frappant, d’autant plus qu’elles vivent dans des sites éradiqués sans eau ni électricité depuis plus de deux ans. Le nouveau wali de Boumerdès, Yahia Yahyaten, a promis de relancer les opérations de relogement de ces familles afin d’en finir une bonne fois pour toutes avec ce dossier inextricable.

Youcef Z.

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