Ce ne fut pas le même Aïd pour tous

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En marge de la fête des enfants, l’Aïd El Fitr, est vécu avec stress par

des milliers de pères de famille, avec l’appréhension et la frustration de ne pouvoir répondre aux attentes du foyer, bref aux besoins qui

font esquisser le sourire. Déjà malmenées par les dépenses excessives du mois de carême, faire face à celles de l’Aïd fut une équation à plusieurs inconnues qu’il leur a été pratiquement impossible de résoudre. «Ce n’est pas avec un salaire de 22 000 DA que je pouvai combler mes enfants.

Les dépenses du mois de Ramadhan nous ont laminés et voilà les frais de l’Aïd, avec des vêtements neufs pour tous les enfants, la viande, les fruits et les légumes qui avaient déjà atteint des prix astronomiques, les gâteaux spécial Aïd, en plus des jouets et de l’argent de poche pour les petits… Il me fallait au moins 10 millions de centimes, soit cinq mois de salaire, pour faire face et répondre à toute la demande familiale. L’Aïd est devenue depuis un certain nombre d’années une source d’angoisse et de stress. La fête en a perdu tout son charme», se plaint un père de famille d’Ath Zmenzer.

Et comme lui, ils sont des milliers à travers la wilaya de Tizi Ouzou, chômeurs, personnes handicapées, démunies et smicards, qui réfléchissent à plusieurs reprises avant de dépenser un sou. Un ouvrier ou un fonctionnaire qui ne gagne que le SNMG (18 000 DA/mensuel), peut-il faire face à toutes ces dépenses successives ? Assurément non. Cela pour ceux qui ont la chance de travailler et d’avoir un salaire. Mais la question se pose avec encore plus d’acuité pour les chômeurs pères de familles.

Comment subvenir avec un salaire de gardien à une famille de cinq membres ?

A Aït Toudert, comme à Aït Ouacif, la pauvreté malmène des centaines de familles. Le chômage ne cesse de s’amplifier et ceux qui ont la chance d’avoir du boulot sont sous-payés. Les handicapés et les gens dans le besoin se comptent par centaines. Ahmed, handicapés, pères de familles de cinq membres et gardien au niveau de la daïra confie : «Comme vous pouvez le constater, je suis amoindri physiquement, j’exerce à la daïra comme gardien de jour, je suis père de trois enfants et je ne gagne qu’un peu plus du SMIG.

Pendant toute l’année nous endurons la misère, nous manquons de tout, mon salaire ne tient que deux à trois jours, juste le temps de régler les factures et les crédits». Et d’ajouter : «Pendant le mois de Ramadhan, on est un peu soulagés par le chèque de la solidarité de 6 000 DA. Les repas servis par les restos Rahma nous sont d’un grand secours. Il y a aussi des donateurs anonymes qui nous assistent. Pour ce qui concerne l’aïd, pour nous, ce n’est pas la fête, on ne peut rien s’offrir. Si une âme charitable nous aide, c’est bon, sinon c’est un jour comme tous les autres.

On ne peut acheter ni légumes ni fruits ni encore moins de la viande pour le repas de l’iftar, alors pour offrir des habits neufs à mes trois enfants, c’est de l’impossible. Parfois des gens nous offrent la zakat et la fitra. Avec cet argent, on essaie de préparer un repas amélioré pour l’aïd, sinon tant pis, ce sera pour l’année suivante. Nous demandons aux responsables de revoir leur politique, en baissant les prix et en réévaluant les salaires, car nous en souffrons tout le long de l’année».

Chômeurs, bénéficiaires du filet social et handicapés en attente de meilleurs jours…

S’agissant des personnes handicapées, des employés dans le cadre du filet social et des chômeurs, la question est plus compliquée. Leur quotidien n’est que misère. Ces franges vulnérables de la société ne survivent que grâce aux dons des bienfaiteurs, quant à la pension de 4 000 ou 3 000 DA ou même les salaires de 5 400 ou 8 000 DA, c’est juste de la poudre aux yeux. À Agouni Gueghrane, un chômeur handicapé que nous avons questionné comment il allait passer la fête de l’Aïd nous dira : «Je suis handicapé, ma femme est handicapée et ma sœur est également handicapée. Nous touchons chacun 4 000 DA, mais nous ne vivons que grâce à des âmes charitables.

La fête pour nous, c’est toujours pareil. Avec nos trois pensions, nous réglons à peine les factures d’électricité et d’eau. Pour le reste, nous attendons les donateurs et les dons de la fitra et la zakat. Si quelqu’un nous offre quelque chose, on fait la fête, sinon c’est un non événement», dit-il avec douleur. A Mechtras, un père de trois enfants, au chômage, ne perçoit que l’aide de l’AFS (3 000 DA) et fait lui aussi face à une situation difficile : «Je suis au chômage et je suis père de trois fillettes. Pour vivre, nous comptons surtout sur des bienfaiteurs, les dons de la zakat et la fitra. Les gens nous connaissent et nous aident beaucoup, sans leur aide, nous crèverions de faim. Nous avons quand même bénéficié d’un logement social pour nous abriter, c’est déjà ça», nous dira-t-il. Des centaines d’autres pères de familles ne savent plus à quelle autorité s’adresser.

A Aït Bouaddou, un père de trois enfants, tous handicapés, nous raconte : «Nous ne vivons que grâce aux dons des bienfaiteurs. Nous attendons toujours que quelqu’un vienne frapper à notre porte et nous aide. Nous vivons de mendicité. Pour cette fête de l’Aïd, heureusement qu’il y a toujours la générosité des donateurs». Concernant les nombreux subsahariens qui ont fui leur pays, en quête de sécurité et d’un ciel plus clément, leur fête de l’Aïd fut semblable aux autres jours de l’année : tendre la main à travers les ruelles du chef-lieu de la wilaya. La direction de l’action sociale et les services du ministère de l’Intérieur n’ont rien prévu pour eux à l’occasion.

Hocine T.

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