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Kherrata 67e anniversaire des massacres du 8 mai 1945 : Les horreurs du génocide

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«La guerre est déclarée aux villages et douars de Kherrata, des ordres sont donnés par les forces coloniales de tirer sur les algériens, sans distinction d’âges ni de sexes, et de brûler les douars. La légion étrangère a attaqué plusieurs localités de la ville et la section d’artillerie a effectué des tirs, de jour comme de nuit, dans les zones signalées les plus dangereuses.

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Le long des routes et des sentiers, dans les champs, les rivières et ravins, il y avait partout des cadavres entrouverts ou s’engouffraient les gueules sanglantes de chiens affamés».

L’histoire retiendra le chiffre de 45 000 morts et les centaines d’arrestations parmi la population algérienne, coupable d’avoir revendiqué pacifiquement un droit des plus inaliénable, la liberté à l’instar de tous les peuples du monde qui ont apporté leur précieux concours, par des sacrifices suprêmes, à l’écrasement des forces hitlériennes nazies au cours de la deuxième guerre mondiale.

Mais les ardents défenseurs de la politique coloniale de l’occupant n’entendaient pas lâcher prise sur l’Algérie, et affolés par la démonstration de force du peuple algérien, en ce début du mois de mai 1945, ils donnèrent l’ordre de l’écraser parle sang. Le signal du massacre est donné à Kherrata, où les forces coloniales mitraillèrent les foules, et les légionnaires exécutaient et précipitaient plusieurs personnes du pont des gorges du Chaâbet El Akra.

Des heures durant, des pelotons d’exécution fusillèrent, par groupes, des centaines d’algériens raflés par l’armée et les milices constituées par les colons. Les massacres se firent durant plusieurs jours au centre-ville de Kherrata et dans les localités environnantes. C’est une véritable chasse à l’homme. L’administration coloniale, bien qu’elle n’ignorait pas le caractère pacifique des manifestations, n’en a pas moins continué à mettre à mort tous ceux qui, d’entre les algériens, tombaient sous les mains des milices et de la soldatesque coloniale.

Il fallait « étouffer » toute velléité indépendantiste ou sentiment nationaliste au sein du peuple algérien. Mais c’était la grande erreur, le génocide du 8 mai 1945 n’a fait que conforter les positions des nationalistes algériens qui ont définitivement opté pour la révolution armée, seul moyen d’arracher la liberté et l’indépendance. Avec du recul, le peuple algérien qui commémore cette année le 67ème anniversaire du 8 mai 1945, sait que les évènements de cette journée historique étaient le prélude au déclenchement de la lutte armée de novembre 1954.

Le mardi 8 Mai 1945, jour du marché à Kherrata, l’administrateur principal devait venir de Ain El Kébira (Sétif), distant d’une trentaine de Kms de Kherrata. Sur la RN9, un groupe de patriotes algériens arrête la voiture du chef de la commune qui, après un échange de propos est abattu par balles. La nouvelle de l’assassinat fut aussitôt sue par la population de Kherrata et ébruitée par les voyageurs d’un car qui devait arriver dans l’après-midi, mais contraint de s’arrêter sur les lieux de l’opération.

Des contacts entre les responsables du mouvement nationaliste algérien ont été entrepris, c’est ainsi que les habitants de Kherrata et des localités environnantes se préparaient à encercler le centre ville avant la levée du jour, mais durant cette même nuit, les européens n’ont pas dormi, eux aussi, et se sont préparés à des attaques éventuelles en se réfugiant dans le château sis à la sortie nord de la ville, la villa « Dussaix » et dans le bâtiment de la gendarmerie.

A l’aube de la journée du 8 mai 1945, des centaines d’algériens avaient encerclés le centre de Kherrata, des groupes de choc ont été constitués, et l’un d’eux a été chargé de se procurer du carburant pour incendier certains édifices officiels, notamment le bureau de poste, le tribunal, et d’autres résidences appartenant à des colons. Un autre groupe avait pour mission d’encercler la villa «Dussaix» et la gendarmerie et un autre a été chargé de contacter la population du douar « Riff », à Taskriout, pour bloquer la route au niveau des Gorges du Chaâbet El Akra, à hauteur de la cascade «Laânser Azegza», pour empêcher tout passage de véhicules militaires vers Kherrata.

Entre-temps, des opérations menées par les algériens ont commencé dans la ville. C’est ainsi que le tribunal a été incendié et des armes récupérées. Le premier coup de feu a été tiré sur le boulanger de la ville, puis ce fut au tour du juge de paix d’être tué dès son apparition sur le balcon de sa résidence et, enfin, un postier. Devant l’ampleur des évènements, les autorités françaises ont fait appel à leur arsenal de guerre dépêché de Sétif. Dès l’apparition des troupes coloniales, à l’entrée de la ville, elles ouvrirent le feu sur tout algérien en vue, sans distinction d’âge ou de sexe, avant d’incendier les douars environnants.

Dans les centres de colonisation, et à travers toute la commune, la nouvelle des heurts qui avaient eu lieu à Kherrata provoqua des incidents encore plus graves. Les informations se propageaient très vite. Des gens qui fuyaient la ville apprirent aux populations des localités limitrophes ce qui s’était passé des informations incontrôlables circulaient dans toute la région. « Venger nos frères de la ville, répondre à l’appel du djihad, conquérir la liberté… », tels étaient les mots d’ordre répandus à travers les douars. Les évènements de Kherrata étaient interprétés comme un soulèvement populaire et une guerre déclarée contre l’occupant.

Des milliers de personnes tuées…

Lors de manifestations populaires, des milliers de personnes sont tuées par l’armée coloniale qui tirait sur les foules n’épargnant ni femmes, ni vieillards ni enfants. La section d’artillerie a, pour sa part, effectué des tirs, de jour comme de nuit, sur les douars environnants. Durant toute la journée du 8 mai 1945, des opérations d’extermination ont été entreprises, faisant des milliers de victimes parmi la population algérienne. L’aviation n’a pas été en reste, elle a opéré des raids et incendié plusieurs maisons. Kherrata, fut, ainsi, le théâtre d’un véritable carnage et garde, encore de nos jours, les traces du massacre perpétré il y a 67 ans contre une population désarmée sauvagement réprimée pour avoir réclamé pacifiquement, à l’instar d’autres régions du pays, le droit à la liberté et à la dignité. Les forces armées de l’occupant étaient insuffisantes pour faire face à ce mouvement insurrectionnel. Les colons pris de panique, organisèrent des milices et entreprirent une chasse à l’algérien. Des milices qui participeront, aux cotés de la gendarmerie, à des représailles contre la population autochtone et à des exécutions sommaires de civils innocents.

Dans les rues, les douars, le long de la route nationale et des sentiers, au fond des ravins, gisaient les corps des victimes exécutées. Des prisonniers furent déplacés de force par la légion étrangère et exécutées au niveau du pont des Gorges du Chaâbet El Akra. Parmi les victimes, figurent des personnalités du mouvement nationaliste algérien à Kherrata, comme Mohand Arab Hannouz, tué avec ses deux fils dans les mêmes conditions.

…et des centaines d’interpellations

Parallèlement à cette vague d’extermination, le dispositif administratif se mit en branle, des fichiers sont passés au crible. Des militants nationalistes sont arrêtés et torturés. L’appareil judiciaire se mit aussi de la partie en infligeant de lourdes peines aux militants algériens, accusés d’être les instigateurs de l’insurrection.

Les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort à l’encontre de plusieurs d’entre- eux, on citera notamment Lahcène Bekhouche, Messaoud Amrane, Rabah Ramli, Ali Moussous, Mohamed Kheloufi, et de travaux forcés, d’interdictions de séjour et de confiscations de biens pour d’autres.

Le lendemain, toute la population de Kherrata fut rassemblée au stade communal où elle fut exposée, pendant toute la journée, à une chaleur infernale, sans eau ni nourriture, et ce, sous la surveillance, les intimidations et autres sévices inhumains des forces coloniales, prêts à tirer sur la foule au moindre mouvement. Ensuite, la population a été contrainte de se rendre à Melbou, sur la côte, à une trentaine de kilomètres de Kherrata, sous l’escorte des soldats. Ce long et pénible trajet le long de la RN9 a duré plusieurs heures.

L’épuisement physique, la soif, la faim, les blessures et les sévices subis durant ce « déplacement de masse » ont accru le nombre de victimes, certains d’entre elles étaient « achevées » en cours de route. Arrivés à la plage de Melbou, lieu de regroupement, la population a été cernée de toute parts, avant que n’arrive un général des forces armées coloniales, accompagné de plusieurs autres officiers. S’adressant à la foule, le général déclara en substance : « Regardez bien nos bâtiments de guerre, nos canons, notre aviation, nos troupes, la France est une grande nation et ne peut-être combattue par n’importe quelle autre force et vous, trompés par certains agitateurs, vous voulez chasser la France de l’Algérie à l’aide de quelques fusils de chasse, vos haches, vos faucilles, vos matraques… Heureusement pour vous, le général De Gaulle, très bon et généreux, qui a combattu à côte des algériens, a accordé une amnistie à tous ceux qui ont participé à la guerre. Quant aux responsables, agitateurs et meneurs de troubles, ils seront découverts et traduits devant les tribunaux et fortement châtiés … ».

Après cette démonstration de force, la population a été autorisée à retourner chez elle, un retour qui s’est effectué dans les mêmes conditions inhumain. En ce mois de mai 1945, durant lequel le monde occidental fêtait la victoire sur le nazisme, après une guerre qui a coûté à l’Humanité plusieurs millions de victimes, l’Algérie qui a donné des contingents de ses meilleurs fils au front antifasciste pour faire triompher la liberté la paix et la justice, pleure aujourd’hui ses 45 000 fils assassinés. A Paris, c’était l’allégresse de la victoire, en Algérie les larmes, le deuil…

S. Zidane

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