Il a inauguré le martyrologe de la citoyenneté

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« Ya Kamel Amzal, mazalna thouar », tel est le slogan qui accompagnait Kamel Amzal à sa dernière demeure et surtout, les militants démocratiques en ont fait le leur durant les années qui suivirent l’assassinat du jeune militant par les Frères musulmans.

Surnommé Madjid, Kamel Amzal, jeune militant des causes justes, payera, au péril de sa vie, ses engagements politiques en faveur de la démocratie et l’amazighité.

Lui qui fut parmi les premières cibles de la barbarie islamiste était ce jeune étudiant qui débarqua à Alger pour des études d’interprétariat en espagnol.

Selon des témoignages de ses proches amis, Kamel Amzal, issu d’une famille modeste de Tiferdoud, à Aïn El Hammam, « était un garçon généreux, humble, ambitieux et surtout engagé ». (Lire le témoignage de Amar Nait Messaoud).

Assassiné à l’arme blanche dans la nuit du 2 au 3 novembre 1982 par un étudiant islamiste, Kamel venait inaugurer la liste des crimes perpétrés par les hordes intégristes islamistes contre les forces progressistes.

Alors qu’il affichait des appels à une assemblée générale du comité autonome de la cité composé d’étudiants démocrates, le jeune Kamel est mortellement poignardé par un groupe d’étudiants islamistes et à leur tête, un certain Lassouli Fateh-Ellah.

Ce même groupe était contre la constitution d’un comité de cité autonome. Tout ce qui se fait en dehors du cercle du pouvoir et celui des islamistes est perçu comme une menace contre le funeste projet islamiste et la pensée unique imposée par le pouvoir.

Tafsut Imazighen de 1980 n’avait que deux ans d’âge, les événements de mai 1981, n’ont qu’une année, la ferveur et l’engagement étaient à leur apogée.

L’espoir que ces mouvements ont suscité chez les jeunes militant était tel une renaissance après tant d’années de sommeil et de silence imposés par la dictature de Boumediene.

Le Printemps berbère était pour ces jeunes militants dont Amzal Kamel, cet air de liberté qui soufflait sur le pays.

C’est l’espoir suscité par ce soulèvement qui donnait le vent en poupe à cette frange infatigable de militants. Il était aussi, cette lueur d’espoir qui se dégageait d’un ciel brumeux et d’une chape de plomb imposée par un pouvoir réfractaire à toutes idées de démocratie et d’ouverture.

La répression du pouvoir

Nonobstant la répression aveugle qui s’abattait, dès lors, sur cette nouvelle génération de militants, Kamel Amzal et tant d’autres militants, inscrivaient leurs idées dans le registre des nobles causes.

Ils choisissaient les idées révolutionnaires de gauche comme support idéologique et la reconnaissance de sa langue ancestrale, tamazight, comme finalité de son combat avec tout ce qu’implique cette diversité linguistique et culturelle sur le plan politique. Assoiffé de liberté et de justice, Kamel fut le militant exemplaire.

A l’avant-garde de toutes les luttes démocratiques, il saura donner un sens à son combat. Un combat qu’il payera de sa vie, un certain 2 novembre 1982, alors qu’il n’avait que 20 ans.

Islamistes et pouvoir se conjuguent les efforts contre cet ennemi commun, les militant berbéristes, dont les jalons ont été posés depuis avril 80.

Les mouvements autonomes broyés à coups de haches et de sabres, témoigneront de la cruauté d’un mouvement qui endeuille jusqu’à présent, des dizaines de nations dans le monde.

Lassouli Fateh-Ellah, l’assassin

Les années qui suivirent le Printemps berbère, n’étaient pas de tout repos pour les militants démocratiques et notamment ceux de la mouvance berbériste.

Ainsi, la répression du pouvoir en place de l’époque s’abattait, exclusivement sur cette frange de militants qui dérangeait la quiétude du pouvoir et de ses alliés islamistes.

Cette chasse à l’homme déclenchée contre les militants démocratiques ouvrait la voie aux intégrismes de tout bord, générée par un climat de crainte permanente et de terreur islamiste, omniprésente contre les forces progressistes.

Ce choix périlleux du pouvoir préparait déjà le lit douillet à la barbarie islamiste qui n’épargnera pas, quelques années après, même l’Algérien lambda, de la violence du discours, sinon de la lame de l’épée.

Pour en finir souvent par le viol des femmes et l’embrochement des bébés. Cette répression « sélective » charriait aussi une nouvelle figuration politique.

Après le bras de fer qui opposait les militants progressistes et les adhérents des mouvements de masses satellites du pouvoir, les hordes islamistes commençaient déjà à se structurer à partir d’idées extrémistes religieuses.

Après avoir fêté ses 20 ans, avec ses amis à la cité universitaire de Ben Aknoun, Kamel Amzal, qui était un élément très actif au sein du comité autonome de la cité participait aux différentes assemblées générales que le comité organisait afin de donner une assise à ce même comité.

Ainsi, une réunion s’est tenue, le 1er-Novembre au réfectoire de la cité appelant, par voie d’affiches, les étudiants à une AG. Une vingtaine d’étudiants progressistes placardaient les murs de la cité avec cet appel.

Alors que les étudiants démocratiques empruntaient cette voie pacifique et de transparence afin de mettre sur pied un comité autonome et représentatif, les frères musulmans de leur côté réunissaient « les fidèles » dans l’enceinte de la mosquée pour préparer une aventure périlleuse qui coûtera la vie à un jeune militant.

En effet, selon des témoignages, le muezzin, étudiant de son état, exhortait « les invités à se préparer » pour l’aventure.

Aussitôt les étudiants sortaient pour afficher l’appel, une cohorte de militants vêtus en kamis, jean et baskets leur sautait dessus avec haches, coutelas et autres armes prohibées.

Une scène d’horreur s’en est suivie. Stupéfiaient, les étudiants découvrirent, le corps de Kamel gisant dans une mare de sang. La nouvelle de son assassinat faisait le tour des cités et campus.

Son assassin était Lassouli Fateh-Ellah, fils d’un commissaire de Police. Il sera condamné à l’issue d’un simulacre procès, « sans la présence de l’avocat principal de sa famille », regrettent des membres de la famille Amzal, à huit ans de prison.

Le même assassin de Kamel sera gracié quelques années après par le président Chadli Ben Djeddid, pour se retrouver, vers le début des années 90, membre actif au sein du parti dissous, le FIS.

Tout comme la plupart de ses co-équipiers au sein du FIS, il rejoignit le maquis et il sera abattu par les forces de sécurité en 1995, sur la route menant de Yakouren vers Tizi Ouzou.

28 ans après le lâche assassinat, Lassouli Fateh-Ellah creusait une tombe à un jeune militant, mais, il ne s’est pas aperçu qu’il ouvrait les portes de l’Histoire à un homme de convictions.

Lassouli Fateh-Ellah et sa bande de terroristes ont ouvert la voie, en assassinant Kamel, à une aventure qui n’a pas encore connu son épilogue. En l’assassinant, ils lui ont offert l’éternité.

Les idéaux pour lesquels il s’est sacrifié resteront, à jamais, la quête de liberté et de démocratie dans un pays voué malheureusement, aux griffes de la barbarie islamiste.

Fauché à l’aube de sa vie, par les forces de régression, Kamel Amzal restera pour toujours ce militant symbole, que nul ne pourra effacer des annales de l’Histoire.

Un symbole qui a gravé son nom en lettres d’or, de lumière et d’espoir. Qu’il repose en paix. La lueur de ton combat rayonnera à jamais sur cette terre qui t’a vue naître et tomber pour qu’elle vive en liberté.

Mohamed Mouloudj

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