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Énergie Exploitation du gaz de schiste : Recentrer les débats à leur juste valeur (4ème partie)

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La phase d’estimation des réserves récupérables du gaz de schiste primordiale pour l’élaboration d’une nouvelle stratégie énergétique L’exploitation du gaz de schiste doit être resituée dans les contextes géologique, environnemental et démographique du Sahara algérien avec toutes les contraintes et les facilités que cela peut offrir. Cette approche est à inscrire comme une priorité avec l’explication du travail exploratoire qui n’est qu’une étape préliminaire qui peut ouvrir et faciliter les portes à la phase d’exploitation comme elle peut les fermer pour des raisons de complexité géologique et partant de coût et d’impacts environnementaux non maîtrisables ou trop coûteux rendant cette seconde phase économiquement non viable.En 2013, les réserves mondiales en gaz de schiste récupérables sont estimées à 220 mille milliards de m3 assurant ainsi 65 années d’approvisionnement aux taux actuels de consommation. Mais ce chiffre n’est qu’une estimation préliminaire et reste discutable, l’ARI (AdvancedRessources International) ne précisant ni la marge d’erreur sur ses estimations ni quel volume de gaz pourrait être économique à l’extraction. Placée aux premières loges, l’Algérie s’inscrit dans cette dynamique d’exploration des réserves en gaz de schiste et focalise légitimement les recherches sur de nombreux bassins dont la géologie est potentiellement favorable à ce type de ressources. L’estimation des réserves passe évidemment par de lourds travaux de géophysique exploratoire, dont certainement d’anciennes campagnes ont du être exploitées pour l’imagerie de la subsurface et la modélisation des réservoirs potentiels, mais aussi par le forage de puits afin de mieux cerner leurs propriétés pétrophysiques. Ces opérations permettent de mieux contraindre le volume des réserves et appréhender le mode opératoire, déterminé par la qualité des formations rocheuses ciblées. Une meilleure connaissance de ces paramètres va aider au choix des ingrédients de la fracturation et du forage horizontal à mettre en œuvre, avec une implication sur les coûts de revient et les impacts environnementaux. Ces derniers sont contraints par les propriétés géo-mécaniques des formations et la fabrique physico-chimique à utiliser pour améliorer la perméabilité des formations en vue de l’extraction. Plus cette perméabilité est faible, plus il faut fissurer la roche et plus le processus à mettre en œuvre sera complexe et coûteux, avec notamment l’implication de chimismes et de fluides spécifiques pour augmenter le volume des vides et assurer leur communicabilité. Ces forages visent à rassembler un faisceau d’informations et de données techniques en vue d’optimiser au mieux les processus de la phase d’exploitation si elle venait à être engagée. Ce qui semble avoir été déjà accompli au moins partiellement. L’étape d’évaluation des réserves est importante et nécessaire en ce sens qu’elle participe à la configuration de la future politique gazière et énergétique de l’Algérie en association avec nos potentialités en ressources fossiles prouvées après une meilleure appréciation de la rentabilité économique du développement du gaz de schiste. Elle nous évitera de verser dans l’euphorie comme ce fut le cas de la Pologne pour qui l’ARI avait prédit en 2011 les plus vastes gisements en Europe pour ensuite réduire, en 2013, les estimations de plus d’un tiers, arguant que les essais n’ont pas abouti aux résultats escomptés. Les études d’exploration et d’évaluation des réserves entreprises pour les mêmes gisements n’ont conduit qu’au dixième des estimations de l’ARI ! C’est-à-dire qu’il y a une part d’incertitude sur les réserves et d’inquiétude dans l’avenir de cette ressource nécessitant une conciliation entre l’estimation fiable des réserves, les coûts de revient à l’exploitation et le management environnemental à et des conflits qui peuvent en surgir. Ce n’est que dans cette perspective que le gaz de schiste peut être envisagé comme un levier économique potentiellement viable. Selon les données préliminaires, l’Algérie peut compter, dans un premier temps, sur l’énorme potentiel de la Plateforme saharienne. En effet, huit principaux bassins de gaz de schiste et de tight sand gas sont identifiés : Tindouf, Ahnet/Timimoun, Reggane, Mouydir, Berkine /Ghadames, Illizi. Tindouf, Reggane et Berkine sont à fort potentiel, Ahnet à potentiel moyen tandis les bassins du Mouydir et Illizi sont à faible potentiel. Ces bassins placent l’Algérie au troisième rang en matière de réserves techniquement récupérables. Pour aller vers l’exploration de cette ressource, l’Algérie a amendé en 2013 la loi sur les hydrocarbures, introduisant des mesures incitatives et, assouplissant, par la même occasion, le régime fiscal pour encourager et promouvoir l’investissement étranger dans le secteur des hydrocarbures non conventionnels. Dans la nouvelle loi, les redevances sont réajustées sur la base du niveau de production et les impôts sur le revenu prenant en considération les difficultés d’exploration et les risques. Dans une première approche, le gaz de schiste peut être envisagé comme un appoint non négligeable à notre économie et non comme une alternative à court terme aux hydrocarbures conventionnels, les coûts de revient à l’exploitation pouvant rester élevés et constituer un handicap à la vulgarisation de son industrie en plus des craintes suscitées par les impacts environnementaux qui restent discutables selon les cas et les pays, les comparaisons et les mimétismes pouvant biaiser les appréciations et les décisions. Il faut rester prudent et opter pour des techniques d’exploitation qui réduisent à la fois les coûts à la production et les impacts sur l’environnement pour entrevoir une industrie du gaz de schiste économiquement rentable. A ce titre, la sérénité doit prévaloir dans les débats tout en évitant de stigmatiser cette ressource comme le mal du siècle par des conjectures démesurées prédisant les pires conséquences à l’humanité. Et pourtant, l’ère du charbon continue de faire pire avec insouciance, infligeant de sérieux revers à l’atmosphère et à l’humanité! La question de l’eau : une variable névralgique au cœur du développement du gaz de schiste par l’importance des volumes consommés et les risques de contamination La fracturation hydraulique et le forage horizontal avec ses ramifications ou puits multilatéraux exigent des volumes d’eau considérables. L’expérience américaine montre que la fracturation hydraulique nécessite généralement de 8 000 à 80 000 m3 d’eau par puits selon les conditions géologiques et la profondeur des formations ciblées. Un besoin supplémentaire de 25% est associé au forage, l’extraction et l’exploitation minière du sable ou des agents de soutènement (sable tamisé ou billes de céramique). Il est d’usage de retenir un volume raisonnable de l’ordre de 2000 m3 par puits pour ces besoins selon le type de forage et les pratiques utilisés. Mais ces chiffres sont à replacer dans un contexte plus général pour saisir la signification de ces volumes d’eau. En fait, même s’ils paraissent substantiels, globalement ils demeurent relativement faibles comparés à ceux utilisés dans l’agriculture et la thermoélectricité par exemple, lorsqu’on les rapporte aux superficies impliquées dans chaque secteur. Pour illustrer ce facteur d’échelle, au Texas, la part d’eau utilisée dans la fracturation hydraulique représente moins de 1% du volume total d’eau consommé dans tous les secteurs. Tandis que l’extraction de gaz de schiste dans les sites de Johnson, Parker et Wise, dans le Barnett, participe pour 10 à 30% dans le volume total utilisé, eaux de surface et souterraines comprises. Dans les régions de Haynesville, Eagle Ford et Barnett Shales, l’extraction de l’énergie non conventionnelle participe respectivement pour 11%, 38% et 18% dans l’usage total des eaux souterraines. Au futur, le volume d’eau correspondant au pic d’extraction variera entre 30 et 135% de la consommation totale selon les régions. Ainsi, les besoins en eau peuvent être élevés localement mais faibles sur de grandes échelles relativement aux besoins en eau dans l’agriculture et les grands centres d’énergie. On peut citer encore le cas de Marcellus Shale en Pennsylvanie où le boom du gaz de schiste a nécessité d’énormes quantités d’eau puisées des ressources locales entraînant des pressions sur les populations et l’intervention de l’Etat pour en réguler l’usage. Heureusement que le recours à d’importantes quantités d’eau est compensé par le recyclage des eaux usées générées par les forages et l’extraction. Le recyclage connaît une tendance positive et atténue de plus en plus le recours à l’eau potable. En effet, avant 2011, seuls 13% des eaux usées étaient recyclés dans le Marcellus Shale dans les opérations de production et depuis, ce taux est de 56%, voire plus! Comparé aux autres ressources énergétiques, le développement du gaz de schiste se situe à des niveaux comparables en matière de consommation d’eau, notamment si l’on rapporte la quantité consommée à l’unité d’énergie produite. En fin de compte, ce ne sont pas les grands volumes d’eau consommés par l’exploitation du gaz de schiste ou la crainte de mettre sous pression les réserves des nappes phréatiques qui crée des tensions chez les populations, ce sont les risques de pollution que peuvent entraîner ces quantités d’eau à leur retour en surface. En effet, celles-ci contiennent des additifs chimiques adaptés à la fracturation des roches en place dans des proportions de 1 à 3%. Ces chimismes présents dans les fluides de fracturation et drainés à partir des formations géologiques par les eaux de reflux constituent des polluants potentiels pour les eaux souterraines et de surface si les procédures en vigueur ne sont pas observées par les opérateurs dans les diverses étapes du développement des hydrocarbures non conventionnels. Le maintien de l’intégrité des puits, la réduction des déversements de surface et l’élimination incorrecte des eaux résiduelles sont autant de questions centrales dans la minimisation du risque de contamination de l’eau potable par les additifs chimiques des fluides de fracturation et par les contaminants naturellement présents dans les formations comme les sels, les métaux et parfois la radioactivité. En principe, la fracturation hydraulique peut générer des amorces de rupture à des milliers de mètres sous terre connectant des aquifères peu profonds avec des formations plus profondes et offrant ainsi des voies de migration aux additifs chimiques de la fracturation et aux eaux salées vers le haut. L’expérience montre qu’en pratique, cette occurrence est peu probable en raison de la profondeur de la plupart des formations de schiste ou des réservoirs compacts ciblés qui se situent en général entre 1 000 à 3 000 m de profondeur et les données micro-sismiques prouvent que les hydro-fractures se propagent rarement au-delà de 600 mètres. Il est aussi probable que les fissures se connectent avec une faille ou une fracture naturelle, un puits abandonné, ou une voie souterraine permettant aux fluides de migrer vers le haut. Des études menées en Pennsylvanie sur ce type de risque dans 68 forages d’eau souterraine à proximité d’un champ de gaz de schiste n’ont montré aucune évidence d’augmentation des teneurs en sels, métaux et radioactivité dans l’eau potable des ménages dans un rayon d’un kilomètre autour des puits. Cependant, elles ont prouvé des concentrations de méthane 17 fois plus élevées dans cette eau, des concentrations relativement élevées d’éthane et la présence de traces d’isotopes de CH4 en liaison avec une source thermogénique. Les investigations menées pour identifier cette source sur la base d’analyses de l’eau dans 141 foyers, ont établi une contamination parasite par du gaz de schiste dans certains foyers ayant leurs propres puits d’eau et, du gaz d’une formation plus superficielle, pour d’autres foyers. Les chercheurs ont conclu à une contamination par des fuites de méthane à travers la cimentation et le tubage des puits qui ont pollué incidemment les aquifères superficiels.

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(à suivre…) I. A. Z.

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