Un patrimoine national victime de l’oubli

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Vieilles maisons sans toit, d’autres dont il ne reste que quelques parois, ruelles envahies par les mauvaises herbes et les amas de pierres, plus âme qui vive ou presque, telle est l’image de totale désolation qu’offre aujourd’hui l’antique Casbah de Dellys à ses rares visiteurs.Située à une centaine de kilomètres à l’est de Boumerdès, cette cité antique classée patrimoine national, n’est plus que l’ombre d’elle-même, à voir l’état fortement dégradé de son bâti au cachet architectural renvoyant à plusieurs chapitres de l’histoire. Même les travaux d’urgence, entrepris dans le cadre du plan permanent de sauvegarde de la vieille ville de Dellys (en cours de finalisation) suite aux dégâts causés par le puissant séisme qui a frappé la région en 2003, n’ont pas pu la prémunir contre les menaces d’effondrement, présentes à tout moment. Le site en question est une cité antique à la fois “punico-romaine par sa muraille, andalouse par ses ryads, ottomane par ses moucharabiehs, méditerranéenne par son atrium et berbère par l’intégration de l’étable au corps de la maison et par son substrat», résume Yasmina Chaid-Saoudi, spécialiste en préhistoire. Faute d’admirer les merveilles de ce site historique, fondé au 16e siècle et dont la majorité du tissu est à usage résidentiel, le visiteur se retrouvera au coeur d’une cité comme “bombardée” par les effets inéluctables de la négligence, de l’oubli et de l’abandon. Réputés pour leurs tuiles de couleur ocre, les toits de certaines maisons “rescapées” du séisme de 2003 ont été remplacés par de la taule ondulée, ce qui n’a pas manqué d’altérer irrémédiablement le charme originel d’une partie de la cité qui, en perdant ce qui en faisait l’âme, s’est transformée en un amoncellement de baraques. Mais qu’en pensent les rares habitants de cette vieille cité de 17 hectares ? De guerre lasse, ils peinent à s’exprimer sur la question et préfèrent, à tous les coups, renvoyer leur interlocuteur à l’état de ce qui reste des habitations et qui, disent-ils, “parle de lui-même”. “Vous voulez avoir mon avis sur l’état actuel de la Casbah ? Regardez vous- même…Tout est clair…C’est sans commentaire… Je n’ai absolument rien à dire la dessus», s’agace un vieil habitant. Toutefois, si ces habitants ne semblent pas trop apprécier le jeu des questions-réponses, au regard de cette situation “désespérée», ils étaient par contre unanimes à qualifier les travaux d’urgence de “bricolage», de “rafistolage” ou encore de “maquillage“, visiblement au mépris de toute expertise architecturale ou archéologique. Le premier des griefs et non des moindres est celui de l’utilisation de matériaux de construction sans rapport avec le cachet urbain de l’ancienne cité. A ce constat, s’ajoute les problèmes de sécurité. Faute d’un dispositif de gardiennage, la Casbah de Dellys est livrée aux pilleurs de pierres et des tuiles d’origine ainsi qu’aux délinquants qui ont fait du site, aux allures désormais de chantier abandonné leur terrain de prédilection, selon les témoignages recueillis sur les lieux. Mohamed Laleg, président de l’association “Casbah de Dellys», créée en 2009 pour réhabiliter l’image de ce site historique, est catégorique : “Ce qu’on appelle les travaux d’urgence s’est avéré une agression contre la Casbah de Dellys, car la restauration est une affaire de spécialistes (architectes, historiens, archéologues…)“. Pour lui, toute opération de reconstruction ou de restauration doit être précédée des fouilles archéologiques car cette casbah est “construite sur des vestiges datant de l’époque romaine», a-t-il rappelé tout en se disant opposé aux travaux d’urgence, tels qu’engagés jusque-là et qu’il qualifie d’“échec”. Il déplore aussi la négligence d’autres vestiges comme les mausolées de Sidi Brahim, Sidi Mehdi, Sidi Mansour, Lala Matouba, Sidi Harfi, le four romain ou encore la grande muraille. M. Laleg estime que l’élaboration du plan permanent de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé de la vieille ville de Dellys, comportant sept sous-secteurs dont la Casbah de Dellys, méritait l’“implication et la consultation de la population locale” pour donner tout son sens à la réhabilitation du site.

Initié en 2007, le plan comprend trois

phases : La première, achevée en 2009, a défini les travaux d’urgence, la deuxième, engagée en 2010, a porté sur des analyses historiques et typologiques des vestiges et constructions, enfin les études techniques (troisième phase), en cours de finalisation, aux dires de la direction de la culture de wilaya.

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