Autour de la représentativité dans la région des Igawawen (4)

Partager

Par Abdennour Abdesselam :

Chikh Aheddad n’acceptait pas que son disciple Mohand Oulhoucine lui donnât à chaque fois une réplique. Mais il semble très clairement que le chef de la tariqa Tarehmanit soit en même temps rassuré de se retrouver face à un personnage non docile et encore moins influençable. C’est alors que Chikh Aheddad reprend sa hardiesse à réduire Chikh Mohand. Il tente une plus forte argumentation. Il lui dit : «Muh at lhusin, leqwran ur t-yessin, ur ihezzeb i texxamin, asm’ara s-ughalent tmedlin.» (Mohand Oulhoucine ; ne connaît rien au Coran ; ni ne se prémunit de l’au-delà ; lorsque alors il se trouvera dans sa tombe). Mohand Oulhoucine même admiratif lui aussi du maître de la confrérie lui porte la contradiction suivante : «Tezwar-ed teqbaylit leqwran ; a Rebbi wer neggan udhan; menâagh seg urfan ; tekksedh fellagh ighweblan» ; (la pensée kabyle est apparue bien avant le Coran ; ô Dieu qui veille ; préserve-nous de la colère mais aussi de nos soucis). Chikh Mohand fait remarquer ici au Chikh Aheddad le fait historique que la pensée kabyle (la langue aussi) est bien antérieure à l’islam qui n’est apparu sur cette terre d’Afrique du Nord qu’à la fin du 6e siècle. Il s’agit là d’un bref rappel historique mais avéré. La connaissance de l’histoire, même non exhaustive, était bien une exigence des acteurs comme Chikh Mohand, qui s’appliquaient à l’accomplissement d’une mission de service public dans la société Kabyle. On remarquera ici que même après son accomplissement, Chikh Mohand redoute et cherche à se préserver de la nervosité. Nous rappelons que du temps où il était élève chez Chikh Mohand Ouali, Mohand Oulhoucine lui avait dit : «Nebgha a d-nellufu maâna nreffu» (je veux bien m’engager mais je suis d’un tempérament nerveux). Il faut signaler que les moyens financiers par lesquels la confrérie Rahmania fonctionnait provenaient principalement du prélèvement de l’impôt religieux dit «laâcur». Or Chikh Mohand refusait de pratiquer ce prélèvement en raison de la situation socialement précaire de la communauté kabyle. Il osa ainsi une «réforme» pour le moins inédite d’une des obligations de la religion. Cette opposition à la source de financement de l’ordre Tarehmanit donnera lieu à une interaction entre Chikh Aheddad et Chikh Mohand Oulhucine que nous verrons dans notre prochain cahier culturel.

Abdennour Abdesselam ([email protected])

Partager