Extension du sens des mots composant le proverbe kabyle (7)

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Par Abdennour Abdesselam

Le proverbe permet, avons-nous dit précédemment, une extension du sens des mots, ce qui confère une nouvelle  norme à  la langue en  la pourvoyant  de nouveaux  éléments et  moyens du langage dans la communication. Les phrases sont ordonnées intuitivement et permettent l’expression des rêves, des idées, de la volonté des sensations, des sentiments que la linguistique appelle système, structure, règles, syntaxe, sémantique, forme etc. Ce sens de l’extension expliqué par Mammeri comme étant un rapport charnel ou magique avec ce que les mots évoquent plus qu’ils ne désignent est une marque d’excellence de la langue. Ainsi dans le proverbe: “Irgazen am irden, mi ghlin s aludh, ad kkren.” (les Hommes sont tels des grains de blé sitôt tombés au sol ils poussent ardemment). La juxtaposition des mots « irgazen » (les Hommes), « irden » (le blé), aludh (la boue) et « ad kkren » (ils se lèveront) apparemment de sens très éloignés les uns par rapport aux autres, mais réunis par les connecteurs: « am » (élément de comparaison adverbe/conjonction), la préposition « mi »  dès que, « s » (particule de direction), outre qu’elle produit une forte sensation auditive, fait que le verbe « ghlin » n’exprime plus le sens simple, étroit et absolu du verbe tomber. Ici, dha, dhagui, dhaguini, le sens proverbial s’oppose à l’idée de défaite, à l’esprit défaitiste, à la défaillance, à la perte, à l’effondrement, à la chute, à l’échec, à l’écroulement, à la déroute ou encore à la ruine. Le verbe « ghlin » suggère de se ressaisir, de se relever et reprendre possession de soi-même. Il fait se révolter la locution « ad kkren » en un mouvement dynamique qui suscite l’espoir et pousse à la certitude de voir, après chaque défaite, des volontés relever le défit et reprendre le flambeau parce que jamais rien n’est définitivement perdu. Ainsi donc, ihi, l’analogie stimulée, suscitée et développée entre les Hommes (entendre les hommes ou les femmes d’honneur) et cette plante graminée et nutritive  qui  a  résisté  depuis  la plus haute et lointaine antiquité pour nous parvenir encore à ce jour, mais surtout la plus commune aux êtres humains, qu’est le blé qui tombe (entendre  qui est semé) dans cet espace  continuellement et  abondamment arrosé d’eau qu’est la boue (entendre terre fertile et fertilisante), fait que le sens du verbe « ghlin » assure tanekkra, le relèvement du défit et dépasse le mot, dépasse les mots. A suivre.          

A. A.

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