«La poésie est l’âme de l’écriture»

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Psychologue clinicien, journaliste, écrivain et poète, Mohand Cherif Zirem est un artiste prolifique aux activités multiples. Il est traduit en italien et édité aux USA. Dans cet entretien, Zirem nous fait découvrir son monde fabuleux de la création artistique et nous livre sa vision de la poésie et du monde d’aujourd’hui.

La Dépêche de Kabylie : Vous êtes auteur de plusieurs livres. Pouvez-vous nous en parler ?

Mohand Cherif Zirem: Je suis auteur de plusieurs livres en français, en berbère et en arabe. J’ai écrit des romans, des nouvelles, de la poésie et même des écrits scientifiques en psychologie clinique. Toutefois, je n’ai publié que quelques livres dans la langue de Molière. Editer un livre est un vrai casse-tête chinois, surtout dans un pays où la culture n’est pas encouragée. J’ai publié un recueil de poésie intitulé Les Nuits de l’absence en 2006. Encore de la poésie en 2010, L’amour ne meurt pas. Et la même année, un livre entretien avec mon ami, le célèbre chanteur Brahim Saci, sous le titre, Brahim Saci, sur les traces de Slimane Azem. Deux de mes livres sont traduits en italien et édités aux USA. Et comme tous les livres que j’ai publiés se sont très bien vendus, je vais tous les rééditer, ici en Algérie, dès le mois de mai prochain.

Vous-êtes militant des droits de l’homme. Et on retrouve votre militantisme dans vos écrits et dans votre vie de tous les jours. Quel est le secret de cette authenticité ?

Je n’ai fait que mon devoir. Un artiste sincère doit être authentique dans sa vie et son œuvre. Nous sommes juste des passagers sur cette terre et nous devons tous partir un jour ou l’autre. Laisser de belles traces, après le grand départ, est peut-être ce qu’il y a de plus beau dans l’existence. Comme beaucoup de jeunes de ma génération, j’ai milité pour la reconnaissance de la langue amazighe, j’ai aussi milité pour la démocratie et la liberté. Modestement, j’ai participé et initié moult actions dans ce sens. Cependant, le chemin est encore long. Il ne suffit pas de militer ou d’écrire pour que les choses changent dans le bon sens. Depuis la nuit des temps, des guerres et d’abominables crimes sont commis par l’être humain. Nous les artistes, nous en témoignons et nous rêvons d’un monde meilleur, ou moins mauvais. Nous sommes peut-être fous, mais nous préférons espérer, au lieu de baisser les bras.

Deux de vos livres sont traduits en italien et édités aux USA. Cela doit être une grande satisfaction pour vous, n’est-ce pas ?

J’ai débuté l’écriture très jeune, vers l’âge de 11 ans. J’allais publier mon premier livre en France à l’âge de 20 ans, durant les évènements du printemps noir 2001. Comme je n’ai pas accepté que mon livre soit charcuté et censuré j’ai préféré attendre. En 2006, à l’âge de 25 ans, j’ai publié mon premier recueil de poésie. En 2010, une grande traductrice italienne, qui a aimé mes écrits, Filomena Calabrese, me proposa de les traduire en italien. Ce fut un honneur pour moi. Beaucoup d’Italiens ont ainsi pu les lire, et j’ai eu des échos des plus favorables. Les Editions américaines Lulu les ont publiés et les proposent sur Internet aux lecteurs du monde entier. Il suffit de le commander pour l’avoir. Je suis aussi lu en France, en Belgique, au Canada, en Tunisie, au Maroc, en Egypte et bien sûr en Algérie. Grâce à mes expériences dans le domaine de l’édition du livre, j’ai pu envoyer par poste, mes livres un peu partout dans le monde. Et c’est un grand bonheur pour moi de partager la magie des mots avec le plus grand nombre possible de personnes. Je ne cherche pas la célébrité mais que mes écrits trouvent leurs lecteurs, cela m’encourage.

Quels sont les auteurs qui vous influencent ?

J’aime énormément la lecture, et ce, depuis ma tendre enfance. J’ai lu Mammeri, Feraoun, Si- Muhend-Umhend, Yacine, Verlaine, Rimbaud, Camus, Dostoïevski, Neruda, Faulkner, Sabato, Abou Nouas, Nazim Hikmet, Mahmoud Derwich et bien d’autres. Et peut être que chacun d’entre eux a laissé quelque chose dans mon inconscient créatif. Rien ne vient du néant. La création est un processus ininterrompu et perpétuel. J’aime toute œuvre belle et universelle.

Que représente pour vous la poésie ?

La poésie est l’âme de l’écriture. Toute œuvre littéraire qui ne contient pas de la poésie est fade et sans âme. La poésie nous permet d’exprimer, harmonieusement, ce que nous ressentons au plus profond de nous-mêmes. Personnellement, la poésie m’aide à vivre et me procure une ivresse incommensurable. J’ai toujours un stylo et une feuille blanche dans ma poche, et dès que l’inspiration m’accroche, je tente d’écrire un poème. J’écris dans les bus, les jardins, les plages, partout. Donc, la poésie est une raison de vivre pour moi.

Que pensez-vous de la littérature algérienne actuelle ?

Il y a de très belles plumes. Des femmes et des hommes écrivent et éditent quand l’occasion se présente. Toutefois, la littérature n’est pas estimée à sa juste valeur en Algérie. L’Etat n’investit pas assez pour promouvoir le culturel. Même si certaines initiatives sont à encourager, beaucoup reste à faire et même à refaire. Notre société aussi, perdue dans les rouages de la cherté de la vie et d’une matérialisation farouche, peine à valoriser la chose culturelle. Pêle-mêle, l’Algérien se retrouve, de plus en plus loin du livre, loin des vraies valeurs. Et c’est peut être le cas de beaucoup de pays aussi.

Que pensez-vous du livre amazigh ?

Les livres écrits en Tamazight se multiplient. A compte d’auteur, ou à compte de l’édition, des centaines de livres ont été publiés en peu de temps. Cependant, tant que notre langue, plusieurs fois millénaire, n’est pas prise en charge officiellement, le chemin ne sera pas court. Le Berbère ne doit pas être folklorisé. C’est une langue comme les autres et mérite de bénéficier de tous les moyens humains et matériels. Tous les gens qui travaillent dans le domaine livresque ont besoin d’encouragement et d’accompagnement. De l’écriture, passant par la publication et la commercialisation, toute la chaîne est à appuyer. Par ailleurs, il ne faut pas omettre de dire que Tamazight a été plus considérée du temps de la clandestinité que de nos jours, à l’air de l’ouverture dite démocratique. Comme si notre culture ancestrale est reléguée aux oubliettes. Peut-être est-il temps qu’on se pose les vraies questions.

Quelle est la place du livre dans le monde des nouvelles technologies ?

Le livre résiste depuis la nuit du temps et rien d’autre ne pourra le détrôner. Certes, les médias lourds et les nouvelles technologies ont supplanté pas mal d’espaces, réservés autrefois au livre, mais le livre est toujours là et il le restera. On peut communiquer par Internet, voir un film, lire sur son propre téléphone, mais rien ne peut remplacer un livre. Même si nombre de gens laissent la poussière affubler le livre, d’autres gens conscients et lucides vont le dépoussiérer et le valoriser. C’est l’éternel retour entre le bien et le mal, entre la beauté et la laideur (rires).

Quels sont vos projets artistiques ?

Je continue mon périple littéraire et existentiel. J’ai toujours des livres en chantier, en berbère, en arabe et en français. Je vais les publier plus tard. Je me consacre aussi à la lecture car elle est indissociable de l’écriture. Dans quelques jours je vais rééditer mes anciens livres. Comme je vais éditer, un livre inédit : « Je vais encore prendre le large », un recueil de poésie que je viens de terminer. Dans ce livre j’ai écrit de courts poèmes, mais aussi de longs poèmes où la narration, les questionnements existentiels et bien d’autres thèmes sont abordés avec de nouvelles approches. J’espère que mes lectrices et mes lecteurs apprécieront mes nouveaux écrits.

Entretien réalisé

par Arezki Toufouti

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