La poésie des philosophes, de Kaci Deghoul

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Le projet de séparer la poésie et l’art en général de la vie sociale reste illusoire et proprement impensable, voire irréalisable. L’art n’est-il pas un phénomène social ?C’est ainsi que de tout temps un discrédit quasi général a fait tomber une à une les théories de « l’art pour l’art ».La poésie algérienne, maghrébine et africaine d’essence populaire et propre à exprimer les sentiments, les mémoires, l’histoire est une preuve flagrante de l’utilité de la poésie contrairement à la poésie du monde occidental caractérisée par un profond désir de mutation des fonctions de la poésie. Ce fossé s’est peu à peu creusé jusqu’à devenir un gouffre entre les créateurs (les poètes) et le public potentiel, l’auditeur dans le cas de la presse lue, et le lecteur dans le cas de la presse écrite).L’exemple de la poésie surréaliste non accessible au public est l’exemple le plus significatif. Pis, la poésie surréaliste n’est parfois comprise que par son auteur, qui, à travers les mots « fabriqués » tend à exprimer ses frustrations, hallucinations…Dans les pays à forte tradition orale, la fonction poétique est d’abord et avant tout un outil, une technique de la conservation de ce qui peut échapper aux défaillances de la mémoire. Quand l’écriture n’existe pas, on a recours à la poésie pour fixer et pérenniser les idées des hommes, la poésie, par conséquent, est une mnémitechnie, c’est-à-dire la mémoire des peuples sans écriture.C’est l’écriture poétique moyennant le vers, soutenu par la régularité du rythme, la construction des strophes, le retour à la rime (à la fin du vers), les allitérations, les constructions d’images qui en déterminent le principe de l’écrit et du cri.Les neuvains de Si Mohand U Mhand et des autres poètes, qu’ils soient contemporains ou de son époque, sont utilisés dans la versification dans un but avoué qui permet une mémorisation facile.Le célèbre poète africain d’expression française, Léopold Senghor n’a pas mâché ses mots sur les différences de l’impact de la poésie des peuples du sud et du monde occidental. Il en disait : « L’encre du scribe est sans mémoire ».Ainsi donc, de tout temps, poésie écrite et parlée a été rapprochée ou tentée de l’être avec les matériaux qui la composent, à savoir la mémoire, l’histoire, la religion, la pensée, la vie et la mort et la philosophie.L’heureuse initiative de rapprocher la poésie de son alliée naturelle, la philosophie, nous vient d’un essai de l’écrivain autodidacte Kaci Deghoul qui rêve depuis des années de voir ses pensées consommées de manière indélébile. C’est désormais chose faite ! Tout récemment dans une publication à compte d’auteur sous le titre La poésie des philosophes, l’auteur nous livre ses philosophies strophées avec abondance. Heureuse trouvaille des uns et des autres ! Le poète dans son introduction fait penser les mots tout en pansant, à la même occasion, les âmes.Il écrit dans l’introduction de son opuscule des 46 pages : « Dieu nous a créés et nous a différenciés à chacun sa forme, et forcés de suivre la route de sa destinée. C’est lui qui nous donne le savoir ou l’ignorance. C’est lui qui nous affaiblit ou nous donne la force, c’est lui qui nous aveugle ou nous donne la clairvoyance, c’est lui qui diffère parmi nous les échelons de notre intelligence de manière que chacun ait au dépens de l’autre pour bien harmoniser le charme de notre existence ».Ça c’est pour l’introduction. En ce qui concerne les poèmes, pétris à la manière dont l’auteur nous a livré l’heureux mixage (de la poésie et de la philosophie), la construction strophique ( les neuvains à trois strophes qui collent à la peau, comme le tatouage de l’enfance des poètes), nous pouvons lire :Mon Dieu, pourquoi m’as tu crééPour souffrir et pécherDans la nécessité de ma raisonJe sais que ta bonne volontéTu m’as tout destinéDe tous mes actes je suis innocentPour quelle raison me condamnerSi l’envie me forçaitDétruire ou construire ma maison…

M. Ouanèche

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