Notes de lexicographie berbère rééditées

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La réédition d’un quelconque livre ancien et rare, dont l’accès est toujours resté aux seuls chercheurs et assistants des bibliothèques d’ici ou d’ailleurs, est un événement heureux.L’initiative nous vient des éditions Gouraya établies à Ouadhias qui ont réédité «Les notes de lexicographie berbère» écrit par René Basset, ce grand chercheur orientaliste du 19e siècle.Chargé de cours en littérature arabe à l’Ecole supérieure des lettres, le premier avril 1880, alors qu’il avait 44 ans. Ce chercheur anthropologue et linguiste infatigable a parcouru tout le Sahara algérien, pour occuper à la fin la fonction de directeur de l’Ecole des lettres en 1894, à la mort de Masqueray.En 1911, l’Ecole des lettres change de statut, pour devenir la faculté des lettres d’Alger. René Basset en sa qualité de doyen, fut choisi par ses pairs, pour être le premier responsable de cette grande faculté. Bien qu’il soit diplômé de plusieurs langues (arabe, turc, persan), René Basset a choisi de s’investir corps et âme dans la recherche berbéristique.Pour ce faire, il n’a pas hésité à parcourir tout le Sud algérien, Touat, Gourara, Tidikelt… afin de rencontrer les populations locales et étudier leurs langues, mœurs, religion…C’est ainsi que nous lisons dans “l’introduction de sa lexicographie” (page 5) que la population primitive de ces oasis était probablement de race noire ou brune et peut être rattaché aux Wolofs ou aux Foulah du Sénégal actuel.Il justifie des conclusions par la similitude du dialecte parlé par les populations de ces oasis à des phénomènes phonétiques dont seul use le peuple wolof et quelques populations du Soudan.Tamazight ayant arraché son statut de langue nationale, des bulletins d’information sont diffusés à la radio nationale, selon les différents parlers qui constituent la longue mère : Tamazight. Le livre en question vient à point nommé pour élucider certains caractère du parler sahraoui. C’est ainsi que nous lisons (page 24) que le caractère distinctif des dialectes du Touat et du Gourara est l’altération de certaines consonnes prononcées par les populations autochtones et aux origines diverses.Dans le dialecte du Ghat, les dentales sont souvent mouillées, par exemple : Le T (avec un point souscrit) correspond au T (sans le point souscrit) des autres dialectes, de même que le D (avec un point souscrit) qui correspond au D (sans le point souscrit)…On y trouve aussi des pages consacrées au vocabulaire et même à la grammaire de Gourara, Touat, comparé parfois au parler du Djurdjura (Kabyle).Les racines des mots dans la plupart de ces cas sont les mêmes. Nous citons pêle-mêle : Ifer (aile), afri dans le timimouni, Africe, dans le Gourara, Afrioui dans l’Ouaresenis. Si vous êtes de passage dans notre grand sahara (Kibdana, Betioua, Tensalen, Beni Ouraren, Betioua d’Arzew, Ouarsenis, Haraoua, Harkata, et quevous ayez soif demander simplement Aman. L’hospitalité légendaire fera le reste.Itri (étoile) se dit Itraouen dans Haraoua, Ouarsenis, Belhama,…Feri, ouzzel dans le Gourara, Ouzzal dans le Touat, Haroua, Betioua du rif, Guelaïa, Temsamin.Fer a donné par la suite le nombre amzil qui signifie «Forgeron», travailleur de fer.Des exemples tels que ceux que nous venons de citer montrent que la langue Amazigh, constituée de ses différents parlers, locaux (dialectes) est une. Elle peut un jour (si ce n’est déjà fait), être reconstituée à l’image d’un puzzle pour se former à la fin de la laborieuse tâche une seule et unique langue qui sera le fruit à utiliser au futures générations.Dans le chapitre consacré aux spécimens des textes, et dans le dialecte de Timizakht, on peut lire plusieurs fables, dont l’origine remonte jusqu’à Esope, qui sera repris par la Fontaine à son tour traduit ou adapté par plusieurs auteurs en Tamazight.On peut y lire la fable «le ventre et les pieds», qui se disputent pour savoir lequel des deux portes de l’homme. Aucun des deux s’ils ne se complètent pas. Une autre fable est consacrée à deux chacals qui voient dans une rivière une peau d’âne. Ils décident de boire tout la rivière pour trouver la peau. Il meurent. C’est dans le dialecte Timentit que nous retrouvons cette fable, dans le le dialecte Tiffaft, par contre on peut lire fait autre fable non moins intéressante. Elle nous fait penser à “la poule aux œufs d’or», du fabuliste Jean de la Fontaine. Sauf qu’ici les œufs sont en… argent, ce qui ne diminue néanmoins en rien de la valeur littéraire du texte (rires).Dans le chapitre consacré à l’argot du M’zab, René Basset a recueilli beaucoup d’expressions argotiques ou métaphoriques des poètes et colporteurs du Djurdjura, qui ont connu un brassage réussi avec le parler quotidien mozabite.L’auteur regrette que ce genre de communication soit si restreint sinon il permettrait «de saisir le vif caractère d’une classe et souvent d’une nation», le recours à ce genre de parler «codée» est justifié par là fait que les Mozabites et les Kabyles soient obligés utilisent par conséquent, selon Basset ce langage secret mêlé d’Arabe et de Berbère, compris par les seuls initiés, comme par exemple : Bou Imezoghen.Dans une introduction aux «notes de lexicographie» de René Basset, publiée pour la première fois en 1888 à Paris, par l’imprimerie nationale Abderhamane Hirèche, directeur d’un collège, aujourd’hui, rétracté explique le pourquoi de cette réédition.Lisons-le: «Le lecteur découvrira si besoin était, l’unité de la langue amazighe, marquée par une homogénéité lexicographique évidente malgré les variantes dûes aux facteurs historiques et géographiques dont la durée et l’étendue ont maintenu les groupes de la langue amazighe, langue de nos ancêtres est en réalité une condition de succès pour les jeunes scolarisés auxquels elle peut assurer un sentiment d’égalité dans un système scolaire pour le moment discriminatoire».

M. O.

Notes de lexicographie berbère, par M. René BassetEditions Gouraya, Ouadhias, 2000, pour la réédition.Editions Imprimerie nationale, Paris, 1888 pour l’édition originale.Prix public : 138 DA.

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