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2e anniversaire de la mort de Chérif Kheddam : Des mots pour le dire

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La célébration du deuxième anniversaire de la mort de Cherif Kheddam a été l'occasion, pour ceux qui le portent dans leurs cœurs et qui sont conscients de la dimension du personnage, de redire, cette semaine, dans son village natal de Boumessaoud, ce qu'il représente dans la mémoire culturelle kabyle: un des maillons les plus solides de la renaissance de la culture kabyle et de son arrimage au patrimoine universel.

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Un de ceux qui eurent à intervenir fit observer que l’apport de Dda Cherif était loin de se limiter à la musique, dont il est incontestablement l’un des virtuoses et des maestros les plus affirmés. Son apport rejoint intimement cette richesse inégalable que ne cessent de se transmettre des générations entières depuis des siècles, à savoir la parole. À force d’insister sur le musicien, l’on a tendance à reléguer au second plan le grand parolier, le fin poète, qui chanta la beauté de la femme, les paysages pittoresques de la Kabylie, la patrie algérienne, les problèmes de la société…etc. sur ces thèmes et sur bien d’autres, Cherif Kheddam était un chanteur engagé même si ce mot a été galvaudé parce ceux qui l’ont servi à toutes les sauces. Engagé contre les traditions stérilisantes (dacu i dlahdjab n’tharrith? d nnif matkasbith, tarthah ingab du hayek), contre les dépeuplements des villages de montagne (ayaka awk di carfan, assawalgh il djil aqdim- ayakal i yaghdidjen) et contre le despotisme politique et culturel. Oui, pendant les années de plomb de la pensée unique, des idéologues attitrés ont parlé à notre place, ont décidé pour nous, et les impertinents que nous étions étaient appelés à obéir et à se taire. Les poètes et chanteurs kabyles n’ont jamais accepté le fait accompli. Ils ont chanté la liberté et le droit à la parole au péril de leur propre liberté et, parfois, de leur vie. A côté de Ferhat, Aït Menguellat, Idir et Matoub, il y avait, dans ce domaine, Chérif Kheddam, fondateur de la chanson kabyle moderne. Alliant une esthétique musicale de haute facture à une poésie tantôt lyrique, tantôt épique, destinées à émouvoir et à libérer l’homme de ses contraintes sociales et politiques, Chérif Kheddam demeure un chanteur d’envergure exceptionnelle qui a contribué d’une manière décisive à donner une assise solide et une portée universelle à la chanson kabyle. Nous proposons pour le lecteur la traduction d’une chanson que Cherif Kheddam a écrite dans les années 1970.

A.N.M

Tu m’as privé de parole

 

De ma bouche tu as enlevé la parole

Croyant que j’allais me taire.

Si la langue se refuse à dire,

De ma main je me mettrai à écrire.

Même si tu m’ôtes la vue,

Jalousement je protégerai mon coin.

 

Sous un couvercle tu as enfoncé

 le mot

Pour qu’il ne se propage pas au loin.

Regarde devant toi, réfléchis bien

A l’homme de la nouvelle génération qui arrive.

Il n’acceptera pas le silence

Ni te quémandera pitance.

 

Par le savoir il arrachera ses droits

Le tamis ne pourra pas cacher le soleil.

Il sait que son soleil brillera

Et que la parole lui reviendra.

S’il suit le chemin de ses aïeux,

Il sait que c’est là son unique capital.

 

Si les dalles tombales le recouvrent,

Il criera de dessous la terre.

Quêteront ses droits

Ceux qui soupèsent bien leurs mots.

Afin que la postérité soit éveillée

Avant qu’il ne soit trop tard.

 

 Traduction : Amar Naït Messaoud

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