De la Zaouia de Hadj Belkacem au Zénith de Paris

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L’étoile montante de la chanson kabyle Saïd Ghezli a sorti son dernier album intitulé «Ass-a tamaghra», au mois d’août dernier. 

Un album d’instrumentaux, 100% « thizemarines ». L’artiste a dans son répertoire quatre albums. Le premier est sorti en 1992, intitulé « A chach mnouar », le deuxième en 1993 « Tamgharthiou a Tamgharthiou », le 3ème en 1994 « L’festi » et le denier en date c’est « Ass-a tamaghra ».  Il prépare un autre album qui sortira en juin prochain. Ce nouvel opus  sera composé de chansons d’amour et d’autres qui abordent des sujets sociétaux, le tout dans des rythmes inspirés du folklore kabyle.  L’artiste nous a accordé un entretien dans le quel il nous raconte ses débuts à la zaouïa d’El Hadj Belkacem et des concerts à guichets fermés où il accompagnait le chantre Lounis Aït Menguellet.

La Dépêche de Kabylie : Le public vous connaît en tant que percussionniste de l’un des monuments de la chanson kabyle, en l’occurrence Lounis Aït Menguellet et son fils Djaffar. Racontez-nous comment votre aventure musicale a débuté…

Said Ghezli : Avant de commencer, je me présente à ceux qui ne me connaissent pas. Je suis né le 16 avril 1963, dans la commune d’Ath Lahcène, dans la daïra d’Ath Yenni. J ai fait mes débuts musicaux à la  Zaouia d’El Hadj Belkacem qui se trouve du côté de Thakhoukhth. Ma mère était une artiste. C’est elle d’ailleurs qui m’a fait aimer la musique. Elle m’a transmis sa passion. Elle animait des fêtes dans toute la région : des mariages, circoncisions, Waâdas. Elle chantait également tous les dimanches, à la Zaouïa d’El Hadj Belkacem, du côté de Thakhoukhth, avec comme seul instrument un ‘’Bendir’’.  Il faut signaler que Cheikh Belkacem n’est autre que l’oncle de l’un des grands noms de la musique kabyle, feu Brahim Izri. Il recevait des artistes dans sa zaouïa et utilisait le chant et les rythmes du Bendir comme thérapie, pour apaiser les angoisses et les douleurs des centaines de personnes qui venaient le consulter des quatre coins du pays. Dès l’âge de six sept ans, j’accompagnais ma mère, chaque dimanche, à la zaouïa. J’ai fini par y prendre goût. A l’âge de douze ans, mon oncle a vu que j’étais doué. Il m’a alors confectionné un petit bendir. J’étais le plus jeune des percussionnistes, à la zaouïa. Petit à petit, j ai fini par créer un groupe avec deux de mes cousins. Nous l’avons appelé « Itidj ». Dès que nous avons pu gagner un peu d’argent, j’ai acheté une batterie. 

Beaucoup d’artistes sont passés par la zaouïa d’El Hadj Belkacem. Racontez nous ce que vous y faisiez…

En effet, des artistes, et pas des moindres, ont chanté à la zaouïa d’El Hadj Belkacem, juste pour faire plaisir à leur haute et aux personnes malades. El Hassnaoui, Dahmane El Harachi, Matoub Lounes, Slimane Azem, Brahim Izri bien entendu et Aït Menguellet en ont fait partie. Je vais vous raconter une anecdote concernant la venue de Slimane Azem à la zaouïa de L’Hadj Belkacem. Comme les autres artistes, il y a interprété des titres de son richissime répertoire. Mais quant il a fini son show, contrairement aux autres artistes qui y ont laissé leurs guitares, lui, il est reparti avec la sienne. Cheikh Belkacem a déclaré à son sujet : « celui-là il a pris l’art avec lui… ».

Racontez nous comment l’aventure a continué après la création de ce fameux groupe « Itidj »…

Le 20 avril 1982, à la maison de la culture Mouloud Mammeri, j’ai accompagné Malika Domrane à la batterie. Je ne connaissais qu’un seul rythme le « quatre-quatre » spécifique au folklore kabyle. Je ne maîtrisais pas l’autre rythme appelé « Al Heddi ». Lorsque Domrane a entamé un autre style de chanson, j’allais reprendre le bendir, quand le public a demandé que je poursuive avec la batterie. Je me suis alors exécuté et s’est là que j’ai appris ce rythme…

Avez-vous accompagné feu Brahim Izri ? 

Effectivement, j’ai eu l’immense honneur de compter Brahim Izri parmi les grands noms de la musique kabyle que j’ai accompagnés au bendir et à la batterie. J’ai travaillé avec lui en France. Je l’ai accompagné lors de plusieurs soirées et fêtes. Une fois, son batteur l’a lâché sur la chanson « Alboudala », je lui ai alors demandé : « je t’accompagnerai au bendir si tu veux ! ». Et c’est là qu’il m’a déclaré qu’il préférait le bendir : « c’est plus authentique et plus beau », m’a-t-il déclaré. Et c’est comme ça que notre collaboration a débuté. Brahim était un perfectionniste qui ne badinait pas avec la musique. Il avait le rythme dans le sang. Je l’ai également accompagné au bendir dans la chanson « Tizi-Ouzou » qu’il a interprétée en duo avec Idir.

D’une star à une à une autre, racontez nous votre rencontre avec Lounis Aït Menguellet…

C’est Moh Saïd, un ami du village (Ath Lahcène), enseignant à Ighil Bouamas, village de Lounis Aït Menguellet qui m’a présenté à l’artiste. Lounis avait acheté une batterie à son fils Djaffar, il a demandé à Moh Saïd s’il connaissait un batteur. Saïd est alors venu me voir est m’a dit : « Lounis Aït Menguellet a acheté une batterie à Djaffar, il voudrait que tu la lui places… ». J’ai dit oui tout de suite. Je suis allé à Ighil Bouamas, chez Lounis, et c’est comme cela que nous nous sommes connus.  Le 20 avril 1990, Saïd m’a dit : « Lounis va faire un gala à l’occasion du 20 avril. Si tu veux, tu pourras l’accompagner au bendir ! ». J’ai rétorqué que c’était avec un grand plaisir !  Malika Domrane était également présente à ce gala, organisé par les étudiants à Hasnaoua. A la fin du gala, Lounis était tellement ravi de ma prestation qu’il m’a félicité et m’a dit : « A partir d’aujourd’hui, tu m’accompagneras au bendir dans tous mes galas, que ce soit en Algérie ou à l’étranger… ». Et c’est là que notre collaboration a débuté.

Vous avez certainement fais des scènes prestigieuses avec Lounis …

Nous avons, tous les trois, Lounis, Djaffar et moi, fait les plus grandes scènes de France et d’ailleurs. Nous avons fait l’Olympia, le palais des Congrès, le Zenith,  Roubaix et Marseille au profit d’associations. Nous avons été au Canada, aux Etat –Unis. Nous avons sillonné toute l’Algérie. Je suis imprégné du style musical de Lounis, il me dit juste : « A Saïd, comme d’habitude », et c’est parti. 

Propos recueillis par Karima Talis

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