Le prophète traduit en tamazight

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Le talentueux poète Louni Hocine vient d’enrichir la bibliothèque kabyle d’une excellente adaptation de la grande oeuvre universelle de Gibran Khalil Gibran, Le prophète.

L’auteur de ce travail est conscient que pour qu’une culture, et à travers elle la langue, qui la véhicule, se pérennise et se développe, afin de faire face aux défis que la vie et l’histoire tumultueuses des peuples mettent au devant d’elle, il est vital de la nourrir à la bonne sève. Cette sève nourricière doit puiser, avant tout, des ingrédients inhérents à la texture et la fumure originelle de ladite culture. Mais se contenter des seuls éléments propres à sa composante matricielle peut s’avérer mortel, car ils sont, souvent, génér ateurs d’inerties et de stagnations de la pensée. Or, comme chacun le sait, l’inertie rime avec rigidité qui, ellemême, rime avec mort, décomposition et disparition. Qui ne se renouvelle pas se dégrade, dit-on ! Ainsi donc, seules les cultures et langues qui savent dépasser leur «Moi» sans le travestir, peuvent postuler à la gloire et au rayonnement. Pour ne pas l’avoir compris combien d’entres elles, dominantes et hégémoniques par la passé ont fini par devenir choses inertes à l’image de la langue latine et de la langue grecque. Pour avoir saisis l’enjeu et avoir intégré l’adage qui dit que toute culture doit nourrir celles des autres peuples, mais aussi se nourrir de la leur, nos jeunes poètes et écrivains de la nouvelle génération ne reculent devant aucune audace pour produire une poésie de qualité au diapason de ce qui se fait de meilleur de par le monde. Redoublant d’innovations, ces jeunes plumes dessinent des horizons autres à notre littérature dans tous ses aspects : nouvelles, romans, poésie et théâtre tant par l’innovation dans la structure de leur écrits, mais aussi par la création de nouvelles métaphores et le choix original des thèmes abordés. En un mot, la poésie kabyle, qui est sortie de l’oralité grâce à cette nouvelle génération de poètes, à l’instar de Seguini Jugurtha, Dali Salima, Mehdi Samira, Sadi Kaci, entres autres, rivalise pied à pied avec la littérature mondiale, grâce justement à cette veine nouvelle qui consacre la pensée de Mouloud Mammeri : «Poème d’un espace de tous espaces, poème d’un temps de tous les temps». Non contents de donner des lettres de noblesses à la littérature kabyle, nos jeunes conscients de la nécessité absolue de libérer la langue et le verbe kabyle des contraintes et de la paralysie dans lesquels ils se mor – fondaient, des années dur ant, et épouser ainsi les normes de notre siècle, vont jusqu’à traduire, d’une façon magistr ale, les gr andes oeuvres universelles, à l’image des sublimes adaptations que font les poètes Hamid Ibri et Selmi Moussa de la poésie de Charles Baudelaire et de Victor Hugo. C’est aussi à cette exigence, héritée de Mohya, que des auteurs comme Ameziane Kezzar, Boualem Messousi, mais aussi Mohamed Arab Aït Kaci, ont traduit vers la langue kabyle des oeuvres mondialement connues. C’est dans le prolongement de cet effort, qui voudrait greffer à la production littéraire kabyle un sang nouveau, au niveau de la conception de l’écrit, mais aussi de la pensée, que le talentueux poète Louni Hocine vient d’enrichir la bibliothèque kabyle d’une excellente adaptation de «Le prophète». Il va sans dire que c’est là un exploit plus que remarquable tant «Le prophète», une oeuvr e poétique faite d’aphorismes et de paraboles, pleine de mysticismes de bout en bout, est difficile à reproduire et à traduire avec la même intensité que dans le texte original. C’est dire que le mér ite de notr e écr ivain Louni Hocine n’est pas moindre. Connu comme poète innovateur et révélé par les festivals de poésie amazighe, qui se tiennent tant à Timizart, Akbou At Smaïl, le jeune Louni étonne, par sa dextérité à manier le verbe kabyle, mais aussi par sa capacité à aborder des sujets aussi complexes que la notion du MOI et de sa raison d’être, le rapport de l’humain à la divinité et à la mort. Plusieurs fois primés par les jurys des différents festivals auxquels il avait prit part, notre écrivain et poète anime aussi un cercle de poésie au niveau de la maison de la culture Mouloud Mammeri. Il tente d’écrire et de composer dans la langue de Si Mohand Ou M’hand sans pourtant altérer sa texture originelle et sa structure matricielle. Pour avoir su et pu rendre possible la lecture de Gibran Khalil Gibran, dans la langue de nos pères, Louni Hocine vient de rendre un sacré service à notre culture.

Aït Slimane Amazigh

Nnbi

ubran Xalil ubran

Louni Hocine

Edition Mehdi

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