Béjaïa enchante ses visiteurs

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Lors du dernier Festival International du Théâtre de Béjaïa, près d’une vingtaine de pays ont été représentés par une ou plusieurs troupes.

Nous avons ainsi pu regarder leurs spectacles, mais aussi les approcher directement, soit en public, notamment lors des conférences de presse, soit en aparté. A cette occasion, nous avons voulu avoir les impressions des uns et des autres sur leur séjour à Béjaïa, et ce qu’ils ont aimé ou pas aimer. La première personne que nous avons interrogée à ce sujet était un journaliste syrien, dont nous ne donnerons pas le nom pour des raisons de discrétion et de sécurité. Il a l’habitude de couvrir les événements culturels en Algérie, depuis plusieurs années, pour le compte d’un journal syrien, et, à l’occasion, en couvrait d’autres qui se déroulaient en Syrie pour certains journaux algériens, dont il était le correspondant. C’était la deuxième fois qu’il venait couvrir le FITB. Lors de notre discussion, il nous a affirmé qu’il connaissait bien l’Algérie et qu’il avait visité toutes les grandes villes du pays. Son impression générale est positive. Mais il trouve que les gens et la ville de Bougie sortent du lot. Les bougiotes, pour lui, ont une qualité relationnelle et d’accueil qu’il n’a jamais vue ailleurs en Algérie. Elle n’est ni meilleure, ni pire. Juste différente. «On se sent vite à l’aise dans cette ville, et ses gens sont si agréables à aborder, si ouverts…», disait-il. Ce que le dramaturge égyptien, Ibrahim El Mellah, avait exprimé aussi bien à voix haute en public, qu’en aparté. Lors de notre discussion, il nous avait affirmé lui, le berbère d’Egypte, qu’il n’avait rencontré nulle part cette qualité d’accueil qu’il avait trouvée à Béjaïa. Il a bien visité tous les pays arabes et participé à tous les rendez-vous théâtraux, mais nul ne ressemble à ce qu’il avait trouvé à Bougie. « J’ai même été invité à dîner chez des gens que je ne connaissais même pas. A un moment, je suis tombé malade le jour de l’Achoura et la plupart des pharmacies étaient fermées. Le chauffeur du théâtre est rentré chez lui et m’a ramené des médicaments de sa propre maison. Ce monsieur ne me connaissait ni d’Adam ni d’Eve, et rien ne l’obligeait à faire ce qu’il a fait. Je suis très touché », racontait-t-il. Nous avons posé la question à Lucia Falco, l’italienne qui avait présenté «Hamlet Motel». Une femme d’une grande sensibilité avec qui nous avions pu discuter une bonne heure en compagnie de Macello Serafino. La chose qui l’a le plus touchée dans cette ville, selon elle, c’est la gentillesse des gens. Elle a, tout particulièrement, été sensible à la gentillesse de l’équipe qui travaillait à la cafétéria. Elle a trouvé qu’ils s’occupaient d’elle comme si c’était une des leurs. Elle s’est sentie à l’aise et appréciait les moments qu’elle passait à la cafétéria du théâtre à siroter le thé maison qui lui était régulièrement servi. Sawsen Boukhaled, la libanaise productrice du monodrame « Alice », avait passé un mauvais moment avec un journaliste qui l’avait agressée et malmenée. Cela l’avait mise en colère et l’avait troublée. Mais, suite à la réaction des autres journalistes et du personnel du théâtre, elle avait compris que ledit journaliste «ne devait pas être de la région ». Elle nous avait confié qu’elle était soulagée de savoir que les gens de Bougie, qui l’avaient si bien accueillie, ne pouvaient pas être aussi agressifs. Elle se sentait à nouveau détendue, se sachant entourée par ses hôtes. Johanna Grisser et ses deux accompagnateurs français du «In Theatro Veritas » avaient exprimé leur indignation quant à ce qu’on leur a dit de nous en France, surtout, les médias. «Nous avons découvert des gens formidables, d’une grande gentillesse, ouverts et agréables», pensent-ils. L’un des deux accompagnateurs nous avait d’ailleurs promis de remettre les pendules à l’heure, dès son retour en France. «J’ai même hâte de revenir, en amenant avec moi toute notre troupe. Rarement, nous avons eu des conditions de travail aussi agréables. Nous sommes détendus et relax, et le public qui nous entoure est formidable», disait-il. Même réaction de Mariam Bousselmi, la tunisienne venue du Luxembourg nous présenter «Ce que le dictateur n’a pas dit», qui s’était dite fière d’être Amazighe et de se retrouver au milieu des siens dans la ville de la culture et de l’histoire. «Avec des gens pareils, le contact est très vite passé et je me suis immédiatement sentie à l’aise», nous avait-elle déclarée. Même son de cloche de la part de l’Irakien Haithem Assaadi, que nous avons rencontré dans une librairie, proche du TRB. Il nous avait déclaré qu’il avait passé plus d’un mois à Béjaïa, et qu’il aurait souhaité y rester d’avantage. «En l’espace de plus d’un mois, je n’ai pas eu à m’énerver une seule fois, tellement je me suis senti bien dans cette ville », affirmait-il. Venant de quelqu’un vivant à San Diego en Californie, cette déclaration nous a parue un peu exagérée, mais non, nous a-t-il précisé. «Ce qui rend cette ville si agréable, c’est la qualité de sa population qui a un haut niveau de civilisation», trouve-t-il. Après nous avoir remerciés pour notre accueil, il n’a pas omis de nous déclarer qu’il reviendrait à Bougie aussi souvent qu’il le pourrait, et que s’il était possible, il resterait ici encore plus longtemps». Ceci dit, il n’y a pas eu que de bons points à décerner à la ville et à sa population. Nos différents interlocuteurs n’ont pas manqué de nous faire remarquer que la beauté de la ville et du site avait été gâchée par l’état d’insalubrité de son environnement. Les potentialités de la région sont largement sous exploitées, et la population méritait de profiter davantage de la richesse et de la beauté de la nature qui entoure la ville. Ce que tous regrettent, à l’exception des tunisiens qui avaient le droit de circuler librement, c’était l’omni présence des services de sécurité qui les encadraient si étroitement qu’ils avaient perdu le plaisir de la liberté de la rencontre avec les gens. Ils souhaitaient mieux approcher la population, aller librement prendre un café ou tout simplement se balader en ville, mais ce ne fut pas possible. Espérons que les prochaines éditions du FITB se feront dans une atmosphère plus détendue encore, permettant à la ville, à la région et à la population d’exprimer de façon encore plus forte leur sens de l’accueil et de l’hospitalité. Et ce n’est qu’un modeste échantillon de ce que le peuple algérien tout entier est capable de montrer, quelques soient les vicissitudes de l’environnement politique.

N. Si Yani

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