« Turbulences », entre le doute et la certitude

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«Turbulences » est le nouveau recueil de poésie d’Aït Slimane Hamid, édité au mois de novembre en France aux éditions «Mon petit éditeur». 125 poèmes qui abordent pour la plupart des thèmes existentiels. De «Les enfants de l’inceste» qui ouvre le livre jusqu’à «La théorie de la relativité» qui le clôt, l’auteur nous invite à nous attarder sur une question fondamentale : Qui suis-je et pourquoi suis-je ? C’est ainsi qu’au fil des vers on est amené à redéfinir la notion du «MOI» et les raisons qui font que parfois ce «MOI» devient défaillant. L’auteur s’y glisse allégrement parfois par dérision d’autres fois par révolte, toujours en questionnant mais en aucun cas en donnant des réponses. C’est cette manière de penser qui l’amène à dire :

Que me dit mon cœur là?

Hamid, écoute le soupir de la nuit

Garde-toi de le troubler

Car c’est lui seul qui éveille l’envie

Sois nuit dans cette nuit

Et fait que vers l’extrême plaisir

Son soupir te conduit

L’injustice, celle du destin ou celle des hommes, la bravoure et la lâcheté la révolte comme la soumission y sont aussi pourfendues sans faux fuyants :

Vos prières

Vos figures tristes

Vos rires

Vos mines joviales…

Cachent mal la perfidie !

L’errance, la mal-vie, la misère des hommes et des femmes sont une autre préoccupation qui lui fait dire :

Quand vous compatîtes à nos douleurs

Vous portiez le masque des circonstances

Quand vous vous réjouîtes de notre bonheur

Vous portiez les habits de votre inconstance

Car de notre mal…

Vous ne saviez rien !

Car de notre joie

Vous ne connaissez rien !

Face à l’arbitraire, face à la violence inouïe de ce siècle, l’auteur sait aussi adoucir la douleur par des invites à des évasions célestes :

Bouscule donc tes certitudes

Assaisonne-les d’un zeste de doute

Sors donc de ton hébétude

Et va vers ce que, tant, tu redoutes

Sois comme cette bougie

Qui nargue l’obscurité de la nuit

Sois comme ce nuage

Qui, à la clarté du soleil, lance un défi

Et si la soif de vivre bute sur la réalité amère d’un quotidien terni par la bêtise humaine, il revient à l’humain lui-même de faire la part des choses et de ne pas céder à la fatalité :

Entre renoncement et entêtement

Que de faux clivages !

Entre marche et tâtonnement

Que de virages !

Mais qui peut voir le ciel sous ses vrais auspices

Qui connaît le paradis et tous ses délices

Mis à part

Toi

Qui semble être

Au bateau de mes errances

Une hélice ?

’’Turbulence’’ vient ainsi confirmer une démarche entreprise avec l’apparition du premier roman de l’auteur «Ussan», affiné plus tard par une série de nouvelles publiées dans deux recueils : «Amounen» (L’enfant libre) et «Tanezrouft». Ces thèmes récurrents qui surfent entre les vagues du mysticisme mais aussi des révoltes déclarées ou enfouies, comme un leitmotiv, soulignent on ne peut mieux le mal de notre société et mettent le doigt sur l’engrenage dans lequel elle est entrée, à cause de la perte des repères, des troubles identitaires et des fausses réponses apportées aux interrogations légitimes que se pose chacun de nous.

A .S. Amazigh

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