«C'est un travail de longue haleine»

Partager

Depuis maintenant plus de vingt-neuf ans, le roi de la chanson comique kabyle, Mohamed Bougaci, ne se lasse pas de décortiquer la société avec des textes satiriques, mais pleins de sens. Il est le témoin de ce qui l'entoure et des bouleversements que subit le peuple dans toutes ses couches sociales.

Cette fois-ci, après un travail de longue haleine et de méditation, il revient avec un album de sept chansons avec un bonus, comme il le dit, destiné à ceux qui le gravent et ne l’achètent pas. Bientôt ce produit, bien ciselé sera sur les étals. Ce qu’il considère comme l’une des ses réussites  car il a  mis tous les moyens nécessaires aussi bien sur le choix des thèmes que celui des ses musiques diversifiées. Suivons-le pour saisir les messages qu’il veut  véhiculer  dans cette société tantôt ingrate tantôt hypocrite. 

La Dépêche de Kabylie: à quand remonte votre dernier produit? 

-Mohamed Bougaci: cela fait maintenant cinq ans. C’était  » Adjernan », (Le Journal). Entre-temps, j’ai réalisé une série de sketches entre autres Vava Mouh.

Pourquoi tout ce temps? Est-ce un recul ou d’autres occupations? 

– Pas du tout. L’artiste ne recule devant rien. Non, parce que je voulais seulement le réussir. C’est un travail de longue haleine. Depuis, notre société a subi de nombreuses mutations et il fallait être fin observateur pour trouver les mots qu’il faut. Et ce n’est pas du tout chose aisée. Je vous dirais que j’ai prévu des choses avant que celles-ci n’aient lieu. 

Bon, revenons au produit. Vous lui avez choisi quel  titre? 

Certes, quand on sort  un produit, on lui choisit une chanson-phare qui prendra le titre. Pour celui-ci, je ne vais pas vous décevoir car  son titre  » Anighd Ya hawayi v’ghigh » n’est pas une chanson dans cet album de huit titres. Ce n’est pas étonnant parce qu’avec ce titre je veux que le public l’écoute en entier sans y trouver cette chanson. C’est une provocation, si vous le voulez. C’est aussi un choix délibéré.

Comme d’habitude, vous n’avez pas dérogé à la règle en mettant dans votre viseur la façon dont se comportent  les gens. N’est-ce pas? 

Oui, c’est un peu de tout cela.  En plus de la traîtrise, de l’ingratitude des uns et des autres, de leur  trahison à outrance, j’ai un peu touché à la politique en se proposant comme une troisième voie entre ceux qui se disputent, d’un côté le pouvoir et de l’autre cette opposition. Ecoutez par exemple, Ipartiyen (Les Partis). Mais aussi, il y a de la sensibilisation. Dans  » Avghigh », ce sont les ravages des accidents de la route. Alors que dans  » Face book », ce sont ces comportements de certains personnages dans notre société qu’on peut confiner  dans l’ignorance. 

Justement, revenons à ce duel pouvoir-opposition. Quelle est cette troisième voie ?  

Eh bien, c’est très simple. D’un côté le pouvoir fait l’éloge de la stabilité. Et ce de bonne guerre.  De l’autre côté  cette opposition hétéroclite ne propose rien d’autre. Mais, elle veut être l’alternative sans presque rien. La troisième voie est celle de l’artiste, de l’enseignant, du travailleur … Enfin, cette voie sera celle du peuple. En clair, 80 % des problèmes de la société sont mis en exergue dans cet album de façon satirique, mais avec beaucoup de réflexion. 

Que va trouver aussi le public dans ce produit en plus de ce que vous venez d’évoquer ? 

Celui qui l’écoutera saura que quelque part, dans notre société quelque soit l’abnégation des pionniers pour la sortir des ténèbres et la mettre sur les rails de l’émancipation, il y aura toujours ceux  qui seront sur leur  chemin et leur mettront les bâtons dans les roues.

Dans la chanson  » Nefham », c’est une anarchie totale qui nous entoure et dans aussi Nestouchebel  » on est dérangés », ce sont ces gens qui accusent les plus sincères d’entre nous. Au lieu,  » Achu idenan di el djarnan »? , dans cet album  » Achu id seknen di la télé? c’est-à-dire  » qu’est ce qu’ils ont montré à la télé ? C’est une façon d’attirer l’attention sur certains programmes télévisuels qui ne correspondent ni à notre réalité ni encore moins à notre cul

ture ancestrale. 

Pour le bonus ? C’est quoi ?  

C’est un morceau de deux minutes  dans lequel je mets en garde les tricheurs et ceux qui recourent aux critiques stériles. Ils vont se reconnaître. 

Si on vous demande de nous dire quelle est votre chanson préférée de cet album. Que nous répondrez-vous? 

– Je les préfère toutes car elles sont lacérées  par  mes tripes. Mais, sincèrement, j’opte pour celle dans laquelle  j’évoque les drames des accidents de la route. C’est une chanson que le conducteur doit mettre en marche dès qu’il prend le volant de son véhicule. Elle peut faire pleurer même le plus insensible d’entre nous. 

Vingt-neuf ans après, que représente pour vous votre premier album et comment voyez-vous ce dix-huitième? 

Bon sur le plan social, je considère que le premier album de 1986 est mieux car, à cette époque là l’art avait sa place, la musique la sienne et bien sûr la société aussi. Sur le plan  artistique, je vois que ce dernier est plus perfectionné parce que j’ai une autonomie car j’ai un studio personnel et un matériel aussi. 

Des projets? 

Il y en a encore. Par exemple, je suis en contact avec une boîte audio-visuelle privée pour une série de sketches qui sera diffusée par la chaîne TV 4 après le mois de Ramadhan. Comme il ya aussi un projet de film avec la chaîne privée Dzair-Tv. C’est toujours de la comédie. 

Votre dernier mot? 

Je ne le dis pas et je ne le dirais pas. C’est comme ça. Si quelqu’un dit son dernier mot, il n’ a qu’à mettre la clé sous le paillasson. Tout de même, je vous remercie de m’avoir ouvert les colonnes de votre journal qui est quand même un moyen important dans le champ médiatique en donnant la parole aux artistes et aux hommes de culture sans oublier l’éditeur Izem qui a accepté ce produit  dès le départ en l’appréciant  à sa juste valeur. Terminons par l’expression du regretté Mohia  » Mazal El Khir Ar Zdath ». 

 Amar Ouramdane 

Partager