Forte participation et des manques à combler

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Mercredi dernier fut clôturée à Akbou, dans la salle Abderrahmane Fares, la onzième édition du Festival du théâtre amazigh d’Akbou.

La première eut lieu en 1994. C’est dire le long chemin parcouru par ce festival organisé par l’association Etoile Culturelle d’Akbou et ses partenaires. À l’occasion de la dernière soirée, la salle était plus que comble, puisqu’une partie de l’assistance a dû suivre les dernières pièces théâtrales debout au fonds de la salle et dans les allées. La moitié de l’assistance était constituée de la gent féminine, dont plusieurs mères de familles qui avaient assistées aux représentations avec des bébés dans les bras ou de jeunes enfants sur les genoux. «Il faut dire que cette onzième édition du Festival du théâtre amazigh de la Soummam est organisée à l’occasion de la commémoration du 53ème anniversaire de l’indépendance et de la jeunesse, en collaboration avec l’APC d’Akbou et de la Direction de la culture de Béjaïa, du 04 au 08 juillet 2015, dont une vingtaine de troupes se sont produites au niveau de la maison de jeunes A. Fares d’Akbou et de celles des communes voisines Seddouk, Chellata,Ighram», nous a déclaré Mouloud Salhi, le président de l’Etoile Culturelle d’Akbou. Ces troupes sont venues aussi bien de la région de la vallée de la Soummam que d’Oran et de Batna.

La troupe de Biskra a dû annuler sa participation à la dernière minute, suite au décès d’un de ses membres. Les représentations théâtrales se sont déroulées dans six localités, simultanément. Il s’agit, outre Akbou, des villages de Taslelt, de Mliha, d’Ighrem, d’Akhnaq et de Fethoune. La totalité de la participation avoisine ainsi les six à sept mille personnes. C’est une véritable bouffée d’oxygène pour la population qui s’est déplacée nombreuse. On y a vu des jeunes et des moins jeunes. Akbou semble être véritablement une région de culture, et la population n’est pas décidée à rater ces occasions qui lui permettent de voir comment sa jeunesse s’exprime au travers du quatrième art. Ce qui n’est pas pour déplaire aux organisateurs. Outre les APC qui ont donné un coup de main pour la réussite de l’événement, plusieurs associations culturelles ont aussi participé à la réalisation du programme, pour en faire participer les populations de plusieurs villages.

Ainsi, les associations culturelles (Tudert de Fethoune, Talwith de Akhnak, socioculturelle de Taslent, Tagrawla n’tlelli de Ighram, Tankra et Mliha) ont efficacement prêté main forte aux organisateurs pour que cette rencontre constitue un lieu de convivialité. Par-delà le fait qu’il constitue un événement culturel, le festival, à travers une vingtaine de troupes venues de plusieurs villes d’Algérie, a permis à la ville d’Akbou et à sa région de renouer, en l’espace de cinq jours, avec le 4ème art et la culture. Ainsi, les troupes d’Igawawen, Assirem N’Wawras, Numidia, Tilelli, Tudert, Azar N’Bu3idel, Tilawt, Itran, Mager Itij, Ixulaf, Tadukli, Double Six, Cilla, Ifahcucen et d’autres encore ont régalé le public avec des représentations de qualité dans une variété de thèmes intéressante, témoignant du passage à la maturité du théâtre amazigh. Ce qui est assez impressionnant, c’est le jeu des comédiens, qui ont été obligés de pallier au manque de moyens par le jeu de leurs corps et la richesse des textes, s’adaptant ainsi à la simplicité des décors. Il y a parmi ces comédiens, plusieurs qui pourraient d’ores et déjà prétendre à une carrière professionnelle.

Quand les moyens viennent à manquer

Reste que les moyens mis en place par les pouvoirs publics sont réellement dérisoires. La salle qui a accueilli l’évènement semble venue d’un autre âge. Malgré son entretien et les efforts faits par le mouvement associatif pour la mettre à niveau et permettre son utilisation dans des conditions acceptables, il n’en demeure pas moins que la salle Abderrahmane Farès est complètement dépassée. Pas de climatiseur, ni ventilation. Les sièges sont réduits à de simples bancs en bois, sans confort aucun. La salle est vraiment exigüe, au vu de l’intérêt que porte la population au fait culturel. Les locaux abritant l’association Etoile Culturelle d’Akbou et d’autres avec elle, ne dispose même pas de sanitaires. Ce qui est assez étonnant. L’APC, n’a-t-elle donc pas les moyens de mettre à niveau son infrastructure ? Ou bien s’agit-il purement et simplement de mépris à l’égard de la culture ? Il ne faudrait surtout pas, encore une fois, invoquer le problème de budgets, car l’argent est disponible. Ce qui semble manquer, c’est la volonté et la compétence.

Il est scandaleux de laisser la culture se développer dans des conditions pareilles. À moins que ce qui est visé par cette négligence, c’est l’étouffement et la mort des initiatives pour permettre à la région de pourrir et de s’infecter.

Pour preuve, nous a-t-on dit, aucun président de l’APC d’Akbou n’a jamais mis les pieds dans cet endroit depuis une vingtaine d’années, ne serait-ce que pour marquer sa présence à l’ouverture du festival. Toujours est-il que la région d’Akbou, et de la vallée de la Soummam en général, recèle un vivier de compétences artistiques et culturelles très riche. Il est urgent que les autorités culturelles de la wilaya donnent un sérieux coup de main, en se penchant d’avantage sur cette région qui demeure historiquement un bastion de résistance et de combat, qu’il vaudrait mieux avoir de son côté que contre soi. Malgré l’absence criarde de moyens, les jeunes d’Akbou ont montré leur capacité à transcender les obstacles et aller de l’avant. Il est donc important de leur reconnaître le mérite qu’ils ont dans le combat culturel, identitaire et civilisationnel des amazighs. Les abandonner serait commettre un vrai crime contre la culture de notre pays et de notre peuple. Car les jeunes d’Akbou et d’ailleurs ont un message à transmettre, celui de la paix, de la tolérance, du respect et de l’unité. En cette dernière soirée, une longue pause a été marquée entre les représentations des deux pièces. Un temps pour honorer les uns et les autres, en particulier ceux qui œuvrent pour la réussite de ce festival. Un long et très émouvant hommage a ainsi été rendu à Akli N’Tmazight, un des membres les plus actifs de l’association.

Le public l’a bien reconnu, et dans leurs discours, le secrétaire général et le président de ladite association ont réussi à lui arracher des larmes des yeux. Œuvrant dans l’ombre avec sérieux et abnégation, sans rien attendre en retour, il ne s’attendait sûrement pas à cette reconnaissance. Le public l’a longuement applaudi, en signe de reconnaissance pour le travail qu’il fait au service de la culture, avec l’aide de tous les autres collaborateurs. Ainsi, l’honneur a été rendu à chacun, selon son mérite.

N. Si Yani

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