Les frères ennemis

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(2e partie et fin)

Le mariage coûte les yeux de la tête. Ce qu’il a gagné il l’a donné aux pauvres. Il est sans le sou. Pour le remercier de son dévouement son père lui prend la tête, la caresse et lui dit :- Ak’ ifk rebbi thamet’t’outh Ih’ar zen, ifahmen, its quadaren- Ak’yar nou Id’rimen, d’imoqranen, isendiaq tchouren(Que Dieu te donne une femme économe, intelligente, respectueuse et de l’argent à profusion !)Le père vécut jusqu’à un âge très avancé et un jour il tire sa révérence. Le cadet est éploré, il pleure la mort de son père. Il reprend son travail chez le négociant et reprend ses habitudes et dilapide son argent. Le négociant parle de son employé à tous les clients qu’il connaît. Colporté de bouche à oreille, l’étrange comportement de l’homme arrive au palais. Le roi en fut informé. Intrigué, il convoque l’homme. Il l’invite à lui raconter sa vie. Le cadet s’exécute sans omettre aucun détail. Son histoire émeut le roi. Il le prend en sympathie et contre toute attente, il lui propose en mariage sa fille. Le mariage dure sept jours et sept nuits.Le cadet vit au palais depuis quelques mois, plusieurs fois par jour, il dit à haute voix : – Yioun (un), Sin (deux)Les premiers temps, sa femme ne lui dit rien. Mais un jour, elle lui dit :- D’achou n-el maânaN yioun sinIth qar edh akka ?(Que veulent dire ces chiffres que tu prononces tout le temps ?) Le cadet lui sourit, mais se tait. Elle a beau lui demander des explications, il refuse de lui dire quoi que ce soit. Un jour, elle dit à son père le roi :- Mon mari me cache quelque chose, s’il continue, il va me rendre jalouse. Il dit toujours yioun sin (un, deux). je ne sais pas ce qu’il vise. (yioun) un, c’est peut-être moi, et sin (deux) c’est peut être ma rivale ! Je veux que tu l’appelles et que tu l’obliges à te dévoiler la clef de l’énigme”. Le roi n’est pas content si cela s’avère juste, il va sévir contre le cadet qu’il a mis sous sa protection, et voilà comment il le remercie ! Aussitôt après l’entrevue, il est convoqué chez le roi qui lui dit à brûle-pourpoint :- Tu vas m’expliquer sur le champ ce que veulent dire yioun (un) sin (deux que tu prononces tout le temps !Normalement entre mari et femme il n’y a pas de secrets. Je ne comprends pas ton attitude. Si tu caches quelque chose, dis-le moi, ma fille est intriguée autant que moi. Tu refuses de donner des explications à ta femme, mais tu vas les donner à moi et tout de suite !- Ne te mets pas en colère, noble roi ! Si je ne lui ai rien dit, c’était pour aiguiser sa curiosité et tester si elle a de l’intérêt pour moi ! Le secret j’allais le lui dévoiler de toute façon !- Quel est donc ce secret ? parle !- Yioun (un) correspond à mon premier vœu à atteindre, et je l’ai atteint en épousant votre fille ! Elle a toutes les qualités requises, c’est ce que m’a souhaité mon père avant de mourir. Grâce à Dieu et vous, je suis comblé ! « Daâouath n-l-lkhir B-ava lah’qentiyid akken ig mena ! » Ces bénédictions se sont réalisées toutes les deux. C’est pour cela que je disais tout le temps yioun (un) sin (deux). Sin (deux) veut dire aussi que les vœux et les bénédictions de mon défunt père ont été exaucées car en me faisant votre gendre vous faites de moi un homme riche. Le roi éclate de rire. Il appelle sa fille et lève tous les malentendus. Quelques années plus tard, avant de mourir de vieillesse le roi, qui n’avait pas d’héritier, le désigne solennellement en tant que successeur. A la mort du roi, il prend les rênes du pays et gouverne avec sagesse et équité. Une fois par semaine, il donne à manger sur la place publique du couscous avec viande à tous les miséreux. Il veille lui-même à la distribution monté sur son cheval immaculé. Il ne rentre au palais que quand tout le monde a mangé. Un jour, il remarque deux individus en guenilles et le teint émacié, qui mangent comme des ogres. Il se rapproche d’eux et remarque avec étonnement que les deux hommes affamés n’étaient autre que ses frères aînés. Il les convoque au palais et leur demande de lui raconter leur histoire. Il les écoute attentivement. Ses frères racontent leur vie sans omettre aucun détail et concluent qu’ils ont mal agi, vis-à-vis de leur père et de leur frère cadet. Leur vœu le plus cher et de retrouver leur père et leur frère s’ils sont encore en vie. S’ils les trouvent ils leur demanderont pardon. Leur égoïsme les a poussés à mépriser leur père et leur frère. Ils se repentent aujourd’hui. Leur frère cadet est ému, bien que devenu roi, il verse des larmes qui étonnent les deux frères, mais n’osent rien lui dire. Il essuie ses larmes et leur dit :- Je suis votre frère cadet !Ils se lèvent ahuris et se prosternent devant lui. – Fais de nous ce que tu veux, frère, nous méritons un châtiment exemplaire ! Mais dis-nous, où est notre père ?- Notre père est mort il y a à peine deux ans !- Nous aurions aimé le voir !- Il est trop tard, mes frères !Penauds les deux frères ne savent plus où se mettre,. Ils ont manqué de discernement et les voilà devenus des mendiants. Magnanime, leur frère cadet leur pardonne leur errement et les garde au palais où il les marie. »Our kefount eth’houdjay i nou our kefoun ird’en tsemz’ine. As m-elâid’ ametch ak’soum ts h’em’zine ama ng’a thiouanz’iz’ine. » (Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’aïd, nous mangerons de la viande avec des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

Benrejdal Lounes

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