Concours de la plus belle robe kabyle

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Elle sera choisie parmi les plus belles robes de cette exposition organisée par la direction de la culture en collaboration avec celle du tourisme. Elle sera portée par l’une des artisanes.

En tout cas, elle sera kabyle et incarnera la joie, la santé et la prospérité pour toute la région, sinon pour toute l’Algérie. Mais impossible de connaître son nom avant qu’elle n’apparaisse telle Vénus devant le public. La cérémonie est prévue au niveau de la Maison de la culture pour ce Yennayer. Le nouvel an amazigh 2966 sera célébré dans une ambiance festive. Nous avons quant à nous, fidèles à notre procédé qui a fait ses preuves, donné la parole à celles qui nous ont paru les plus représentatives de leur corporation.

Saliha ou l’art de marier les couleurs

Dès l’entrée de la galerie où a lieu l’exposition, le visiteur remarque la reine des robes kabyles : la rutilante robe d’Ahl Ksar qui réunit à elle seule toutes les couleurs de l’arc en ciel. Une toute petite, pour fille, lui fait pendant. Ceux qui connaissent Saliha, la couturière, peuvent voir dans ce style unique la «griffe» de cette couturière hors norme. D’ailleurs, elle n’est pas loin. Le stand où elle expose est juste à quelques pas à gauche. Les deux robes, la grande et la petite, lui servent en quelque sorte d’enseigne. Elle-même en robe d’Ahl Ksar, comme à chaque exposition, un diadème en argent sur la tête, les bras chargés lourdement de bracelets, les doigts de bagues de même métal, la couturière d’Ath Mansour n’a pas seulement l’habileté et la légèreté d’une fée ; elle a la beauté et la grâce d’une reine. Tout sourire, elle nous fait l’honneur de son stand. Y trône en toute souveraineté la robe d’Ath Mansour. À côté essayant de tenir son rang comme une princesse ou duchesse devant sa reine, la robe Iwadhiyène (la robe des Ouadhias.) La couturière d’Ouled Rached met 15 jours pour faire la première et trois jours pour faire la seconde. Cet art, elle le tient de sa grand-mère Saada qui n’est plus de ce monde. «Je travaille jusqu’à minuit», assurait-elle.

Rima et la poupée Sakoura

Le détail qui frappe, au niveau de ce stand, a un rapport avec la poupée Sakoura. La jeune Rima qui tient la place de sa patronne absente en est toute fière. Elle explique qu’il existe une poupée kabyle (Sakoura, donc) comme il existe une poupée française (Barbie) et une autre arabe (Foula). Elle est faite de tissu canat et de l’ouate comme moyen de rembourrage. Mais le savoir-faire de cet atelier ouvert à Bechloul ne s’arrête pas là. Il se décline à travers divers styles en lien avec la robe kabyle traditionnelle : la robe d’Ath Mansour, la robe Igaouaouène, la robe Ath Yala, le karakou Assima, etc.

Karima ou la robe révolutionnaire

Karima a du génie et ce génie éclate à travers la dizaine de robes qu’elle expose dans toutes les nuances. La robe Iwadhiyène côtoie les robes d’Aïn El Hammam, d’Ilitène et d’autres robes modernes parsemées de multiples motifs floraux ou brochées d’or. Mais sa fierté est toute dans les trousseaux qu’elle réalise pour les mariés. Deux d’entre les 6 ont déjà servis à des mariées en France ! «Je vends à crédit pour celles qui n’ont pas les moyens. Elles peuvent payer dans un an et plus. Je ne travaille pas que pour l’argent. Il y a aussi le plaisir de contribuer au bonheur des jeunes mariées», déclare-t-elle, émue. Son projet ? Recréer la robe qu’elle qualifie de révolutionnaire car elle a été portée jusqu’en 1960. Elle en aurait vu le modèle dans le film de l’opium et le bâton. Cette robe aux couleurs nationales était portée par Ferroudja, la femme de Ali, tué par les soldats français. «Je sais comment elle est faite. Coton et tissu à fleurs ! Voilà ! Le reste est affaire de talent ! Le seul problème, pour Karima, cette couturière de Chorfa, reste l’atelier. Elle se bat pour l’avoir, car elle voit grand et a beaucoup de volonté.

Nouara et la robe Iwadhiyène

Nouara va exposer ce lundi à Chaabat Braham, dans la commune de Haïzer. Ses quinze ans passés l’aiguille à la main témoignent de son goût pour ce métier. «J’aime ce métier depuis que j’avais six ans», a-t-elle assuré. Elle expose des robes kabyles traditionnelles et modernes, mais elle a concentré surtout son énergie et son art sur la robe Iwadhiyène. Selon elle, la robe en question a été d’abord portée comme une robe assez courte. Puis la mode qui l’a raccourcie est passée, et c’est une autre qui l’a rallongée. «Ma tante qui est vieille maintenant porte la robe à l’ancienne mode», confie-t-elle. Ce costume traditionnel a suscité un tel engouement que les sœurs au temps de la France l’avaient adopté comme vêtement, mais d’une couleur unie, en l’occurrence le blanc. Comme les femmes peuvent la porter même pendant le travail, elles se servent d’une fotta pour ne pas la salir, d’après la couturière de Chaabat Brahma. «Ma mère connaît tous les motifs et chacun a un nom», dira-t-elle.

Noëlle et les trois sœurs de l’atelier Cléopâtre.

Le rêve de Noëlle de Bouira, une couturière qui travaille à la maison, est de posséder un atelier, comme les trois sœurs Djamila, Fatima et Khadidja. Ces dernières qui sont des sœurs et originaires de Lakhdaira, possèdent un atelier dénommé Cléopâtre et un salon du même nom. Tandis que ces dernières travaillent la robe kabyle avec col bateau et des robes «romaines» avec écharpe et d’autres modernes, la couturière de Bouira se consacre à la robe Iwadhiyène. J’ai vu la robe d’Ath Mansour. Je vais m’y mettre un jour», nous déclare-t-elle. Elle vit à l’étroit avec sa machine industrielle. Elle voudrait en acquérir une deuxième, mais cela lui est impossible faute d’espace. D’où son rêve d’avoir un jour un atelier bien à elle afin de laisser libre cours à son imagination créatrice. Ce qu’il faut noter, c’est que toutes les exposantes vont participer au concours de la meilleure robe kabyle.

Aziz Bey

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