Les langues maternelles combattues par les « malfaiteurs des consciences »

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Le premier lieu de scolarité de l’enfant se faisait d’antan dans des établissements dénommés «écoles maternelles». Ces espaces pédagogiques assuraient le prolongement naturel du milieu familial, ce qui évitait à l’enfant de subir tout choc linguistique et affectif. À mesure que la langue maternelle reprend ses droits dans sa mission d’élément qui définit une identité l’institution scolaire a fini par changer curieusement d’appellation dans les pays à régime totalitaire. Elle est désignée par : «petite école». Cette observation permet de supposer que la disparition de la nomination «maternelle» renvoie à des considérations extra scolaires pures. En effet, ce mot qui semble inconvenant et dérangeant des objectifs plutôt idéologiques, porte en lui la référentielle «mère» en opposition à «père» indispensable qui définit l’identité d’une communauté donnée. Les spécialistes du monde magique et délicat de l’enfant concluent que les premiers mots, les premiers sons qu’il entend de la bouche de sa mère, deviennent une marque indélébile pour le restant de sa vie. Voila pourquoi la mère biologique est considérée à juste titre comme étant le socle premier de l’éducation sur lequel se détermine et se bâtit l’avenir de tout être humain. C’est donc par les langues d’abord que les peuples se distinguent les uns des autres sur des aires géographiques plus ou moins formelles pendant que la diversité linguistique invite à la curiosité et donc à la découverte de l’autre. Hélas, la chasse a, pendant longtemps, été donnée aux langues maternelles. Deux exemples d’agression de celles-ci pris au hasard, ont fait le tour des séminaires scientifiques organisés un peu partout, traitant de l’importance, du rôle et de la situation des langues maternelles. Le premier s’est produit en Alsace. Un inspecteur d’académie a cru bon de refuser d’inspecter une institutrice au motif qu’elle s’est adressée à ses élèves dans leur langue maternelle au lieu et place du français, langue officielle de l’Etat français. L’institutrice n’a jamais été alors promue depuis. Le second s’est produit au Kosovo à un temps violent de son histoire. Des magnétophones étaient installés dans des cliniques et diffusaient sans arrêt des berceuses en langue kosovare pour étouffer la langue maternelle albanaise des nouveau-nés. Ces deux exemples entre autres et dont le nôtre, sont cités et présentés comme le parfait prototype d’exclusion et de bannissement de ces creusets formateurs de conscience et d’identité que sont les langues naturelles. Jean Louis Calvet dans «linguistique et colonisation» rappelle que, déjà les systèmes coloniaux se sont attaqués en premier lieu aux langues maternelles avant tout autre forme d’agression. La conquête linguistique était considérée comme l’acte fondateur qui assurait l’occupation. Voila pourquoi une horde de «malfaiteurs des consciences» tente de barrer la route à madame Benghabrit qui, courageusement, s’est engagée dans la réhabilitation et le rétablissement des langues maternelles comme facteur équilibrant de l’enfant. Elle mérite tout notre soutien.

Abdennour Abdesselam

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