El Hachemi Guerouabi ne laisse pas que des orphelins

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Il avait contribué à une petite révolution dans la chanson chaabi, a conquis plusieurs générations de mélomanes et sublimé ce genre musical par son élégance naturelle: El Hachemi Guerouabi, disparu il y a dix ans, aura laissé un nombre impressionnant d’enregistrements, une école aux nombreux adeptes et des artistes qui honorent son nom et perpétuent encore sa voie. Au delà de l’interprétation magistrale du qcid, dont « El Harraz », « Youm El Khemis » ou encore « Qorsan Yghennem », El Hachemi aura participé avec d’autres interprètes de sa génération à l’introduction de chansonnettes, écrites par le poète et musicien Mahboub Bati (1919-2000) qui contribueront à vulgariser le chaabi auprès du jeune public des années 1970. D’une élégance que lui reconnaissent tout les observateurs de la scène culturelle algérienne, El Hachemi Guerouabi compte parmi ceux qui ont permis à ce genre de passer des fêtes familiales, où il s’était confiné aux grandes scènes musicales d’ici et d’ailleurs où il finira par s’imposer. Natif d’Alger, El Hachemi Guerouabi rejoint l’Opéra d’Alger à l’âge de 15 ans, après quelques années passées dans les rangs du club de football de son quartier d’El Mouradia où il se fait remarqué tant par son charisme au théâtre que pour sa voix particulière dans le chant. Son passage dans des sketchs avec Rouiched ou Djelloul Bachdjerrah, révélera sa « passion pour le cinéma », dira Mohamed Kerba, spécialiste du chaabi, poète et animateur radio, qui se souvient encore du « cinéphile exigeant et « du passionné des classiques du théâtre » qu’était Guerouabi. Son don pour les arts de la scène et ses rôles de « beau gosse » feront de Guerouabi « la super star de la chanson » -une image qui déteindra naturellement sur les chanteurs chaabi venus après lui- se remémore encore Kerba. Après l’indépendance et grâce au génie de Mahboub Bati, « El Bareh », « El Werqaa », « El Madi » ou encore « Allô allô », il parviendra à réconcilier le public de l’époque, plutôt porté sur la musique orientale ou carrément « rock’n’roll », avec le chaabi. El Hachemi Guerouabi donne également une toute nouvelle image à la chanson comme au chanteur chaabi, en osant le look des « 70’s »: pantalon « pattes d’éléphant » et chemise à col large, popularisant la mandole guitare et multipliant sketchs au théâtre et apparitions télé. Outre sa voix au timbre si particulier, une « gueule » et une « touche glamour » installeront définitivement le « label Guerouabi », un style reconnaissable entre tous. Avec Hadj M’rizek et Mohamed Zerbout comme référence, El Hachemi Guerouabi, gagnant en maturité et renouant avec le qcid de ses débuts, deviendra l’héritier populaire des grands maîtres du genre, figure emblématique de toute une génération et « gardien » d’une musique en perdition. Sid Ali Driss, chanteur et animateur d’une émission radio sur le chaabi, évoque l’existence, sur la scène chaabi actuelle, d’un « mouvement se revendiquant de l’école d’El Hachemi », sans que l’artiste n’ait jamais songé à en créer une, ni encore moins se considérait lui même comme une école de son vivant. Parmi ceux qui ont emprunté cette voie, il citera Abderezzak Guennif, Sid Ali Lekkam, Athmane Rouibi ou encore cheikh Dridi de Souk Ahras, aux côtés d’un « grand nombre de chanteurs » qui s’en imprègnent « grâce à Internet et ses nombreux enregistrements ». Entre imitation et inspiration, la relève de Guerouabi reste « assez faible » en dehors de Sid Ali Lekkam, Hamid El Aidaoui et Hocine Driss, même si beaucoup d’artistes « empruntent le même chemin » que lui, estime pour sa part Kerba. A sa dernière scène à Alger en 2005, El Hachemi Guerouabi disait refuser « l’oubli et le confinement » du chaabi, soucieux qu’il était de la transmission et de la recherche de la relève pour le perpétuer. Une année plus tard, le 17 juillet 2006, l’artiste quittait la scène de la vie à l’âge de 68ans. Un âge où il est interdit de « capituler » quand on est le flamboyant Guerouabi.

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