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C’est dans la cinémathèque de Béjaïa qu’a eu lieu la cérémonie d’ouverture de la quatorzième édition des Rencontres Cinématographiques de Béjaïa.

Dans une salle quasiment remplie, Abdenour Hochiche, président de l’association «Project’heurts», organisatrice de l’évènement, a officiellement ouvert cette semaine artistique de dimension internationale consacrée au septième art. D’emblée, le discours d’ouverture sera marqué par les remerciements adressés aux sponsors, sans lesquels rien n’aurait été possible. C’est ainsi que, contrairement à certaines éditions précédentes, le ministère de la culture a mis la main à la poche. En effet, Azzedine Mihoubi, présent lors de l’ouverture de la précédente édition, avait promis d’aider ce festival. C’est donc, chose faite. L’APC et l’APW de Bejaïa ont également contribué à ces rencontres, même si elles n’ont pas eu l’élégance de se faire représenter à cette cérémonie. Quelques hôtels ont également pris part à ce festival, tout comme TVA, TV5 Monde, Béjaia Film Laboratories, et l’ambassade des Pays-Bas, l’Institut Goethe et l’Institut Français d’Alger.

350 films

En février dernier, les organisateurs de ces Rencontres avaient fait un appel à films pour pouvoir sélectionner ceux qui seront jugés conformes aux attentes du festival. Trois cents cinquante films ont été proposés au comité d’organisation. Les films sont venus des quatre coins de la planète. Et il a fallu beaucoup de temps au comité de sélection pour pouvoir enfin choisir la liste des films retenus. En fait, entre longs et courts métrages, ainsi que des films documentaires, seuls huit pour cent de ces films ont été retenus. C’est-à-dire un total de vingt-sept productions. Il serait difficile, vus les moyens actuels de diffusion et de projection, de faire plus.

Courts-métrages

Le premier film à être projeté est un court-métrage venu du Liban. Un peu décevant, puisque les spectateurs s’attendaient à voir les magnifiques paysages du pays du Cèdre, mais n’ont eu droit qu’à un désert chaud et aride, avec des acteurs campant une histoire criminelle. On aurait aimé voir autre chose que de la violence venir de ce pays qui a tant souffert de la guerre et des conflits ethniques incessants, même si pour le moment, c’est relativement calme. Le film était intitulé 3 :30 et a été produit par Hussein Ibraheem. Il a duré moins d’un quart d’heure. Heureusement que ce n’était qu’un court métrage, et les spectateurs présents dans cette salle de la cinémathèque de Bejaïa ont vite tourné la page pour se concentrer sur le film suivant réalisé par le Franco-algérien Damien Ounouri. Le film intitulé Kindil El Bahr est une fiction qui relate une curieuse histoire d’une ancienne légende basée sur l’existence d’une femme-méduse qui écume le littoral d’une ville antique, Césarée. Il s’agit d’une sorte de sirène campée par l’excellente Adila Bendimered. Techniquement, le film a été une grande réussite. Le tournage et le montage du film ont pris une année, avec des moyens réduits. «C’est pour cela qu’il n’a duré que quarante minutes», déclarera le réalisateur. «Une partie de l’argent promis par le ministère de la culture n’a toujours pas été débloqué», a-t-il ajouté. C’est en fait l’histoire d’une famille qui va passer une journée à la plage. Le papa va laisser sa femme, ses deux enfants et sa belle-mère au bord de la mer pour revenir les chercher en fin de journée. A un certain moment, alors que les enfants jouaient sur le sable sous la surveillance de leur grand-mère, Nfissa, la maman va renter dans l’eau pour se rafraichir et nager, et même aller au large. A son retour, elle est accueillie dans l’eau par un groupe de jeunes qui se mettent à la malmener, puis carrément à l’agresser. La nageuse n’arrive pas à se libérer de ces jeunes de plus en plus nombreux, et finit par se noyer. Tout le monde la croit disparue, et les secours ne peuvent pas grand-chose. Mais la nageuse, au fond de l’eau va se transformer en méduse, et revient le lendemain pour retrouver ses enfants. Dans l’impossibilité de les approcher, elle déverse sa colère sur les nageurs qui se trouvaient autour d’elle, par un cri strident. Bilan : dix-neuf morts. Le bruit court alors sur le retour de la femme-méduse. L’officier chargé de l’enquête se doute qu’il s’agisse bien de Nfissa et organise, avec la complicité du mari, un traquenard pour la prendre. Adila Bendimered a joué d’une merveilleuse façon, et disons-le, l’ensemble des acteurs ont bien joué. Ce n’était pas évident à cause du froid et de la houle, avec tous les risques que cela comportait, mais le résultat était très bon. Il faut aussi saluer les cameramen qui ont travaillé sous l’eau pour donner d’excellentes prises de vues sous-marines. De même que la maquilleuse a su rendre le visage de la méduse effrayant, y compris dans l’eau. Bravo à toute l’équipe.

Entre Histoire, légende et fiction

L’actrice qui a campé Nfissa est également coscénariste du film avec Damien Ounouri, le réalisateur. Après la projection, elle avait avoué que l’histoire a été une vraie fiction, qui n’est basée sur aucune recherche. Ce qui est dommage, puisque le sujet aurait pu devenir encore plus attrayant, s’il s’était appuyé sur des légendes plus anciennes et qui sont ancrées dans notre histoire et notre culture. En effet, puisque c’est Césarée (Cherchell) qui a été choisie comme lieu de tournage, avec ses ruines romaines et ses vestiges encore accessibles par le public, puisqu’exposés sur les places publiques, il aurait été plus judicieux de faire un clin d’œil à Juba II, le «plus savant des rois», comme l’appelaient les Grecs, qui avait fait de cette ville la capitale de son royaume qui s’étendait sur toute l’Afrique du Nord. De plus, l’histoire se déroulant en grande partie dans l’eau, n’aurait-il pas été plus approprié de faire jouer la divinité païenne, mais néanmoins bien berbère d’Anzar, dieu de l’eau ? La légende raconte qu’il régnait sur la pluie, les rivières, les mers et sur toutes les sources d’eau. Les Grecs se l’ont approprié et lui ont donné le nom de Poséidon. Anzar avait une fiancée, symbolisée par l’Arc-en-Ciel. Tislit Ouenzar aurait pu, pour la circonstance et les besoins de cette fiction, se transformer en cette femme-méduse. Cela aurait eu l’avantage d’ancrer le scénario dans notre culture ancestrale, et la faire connaître partout où ce film sera projeté. Y aurait-il une suite à ce film ? Damien Ounouri nous a juste fait remarquer que Nfissa avait une fille qui pourrait un jour, prendre le relais de sa mère. Ceci dit, à une question relative au choix de Bejaïa pour faire connaître son film en Algérie, le réalisateur a déclaré que «les RCB sont le seul vrai festival du film en Algérie». Et qu’en tout état de cause, la ville et les cinéphiles bougiotes ont une importance particulière à ses yeux. Les quatorzièmes rencontres Cinématographiques de Bejaïa démarrent donc en trombes, puisque le public a très positivement réagi à cette projection, et que des échanges très chaleureux et constructifs ont suivi les débats. Ounouri a eu l’intelligence de ramener avec lui une dizaine d’acteurs qui ont joué dans son film, ce qui a permis un jeu de questions-réponses très enrichissant.

N. Si Yani

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