A travers cet entretien, Ernest Jouzel revient sur son vécu en Kabylie et évoque par la même son attachement à la région et ses habitants. Il parle bien entendu également de ses ouvrages.
La Dépêche de Kabylie : Pouvez-vous retracer votre vécu en Kabylie ?
Ernest Jouzel : A l’âge de faire mon service militaire en France, j’ai dû choisir entre continuer mes études à l’université ou exercer ma profession d’enseignant dans une école primaire. Ayant terminé mes études de formation pédagogique à Rennes, je suis parti en Algérie dans le cadre de coopération en tant que volontaire du service national actif. (Contrat de 2 ans). Nommé initialement à Boufarik, à cause d’une suppression de poste, j’ai été dirigé sur la Kabylie dans une école missionnaire de Pères Blancs, à Ouadhias précisément. C’était début septembre 1970. Je remplirai mon contrat de 2 ans, en enseignant à des élèves de CE2 et de CM1 et j’exercerai une année supplémentaire (CM2) jusqu’en juillet 1973, année de la fermeture définitive de l’école. Ce fut donc la raison de mon départ de l’Algérie.
Parlez-nous des ouvrages que vous avez consacrés à la Kabylie ?
J’ai consacré trois ouvrages à la Kabylie. Le premier est «Bretagne-Kabylie à cœur ouvert», un ouvrage autobiographique paru en 2013 qui relate mon parcours d’enseignant à Ouadhias (enseignement, vie de la communauté, vie des villages, art artisanat, travail de la terre…). On y trouve aussi mon escapade à Tamanrasset et ma chance d’avoir pu assister en direct à la première itération de « A vava inouva » de Idir. Le deuxième «Revoir mes EX en Kabylie», paru en 2014, est le récit jour par jour de mon premier grand retour parmi mes élèves après 35 ans d’absence. Mes rencontres, mes joies, l’accueil formidable que j’ai reçu partout, mon regard sur les transformations du pays (les constructions en nombre, l’amélioration des conditions de vie, l’économie de marché, l’arrivée des nouvelles technologies, le chômage endémique, les fléaux de l’alcool et du shit, la pollution visuelle (cannettes au bord des routes, les décharges à ciel ouvert…). mon troisième «Thamila la colombe de Bouzeguène», est un roman paru en 2016. C’est une histoire d’une jeune femme kabyle qui veut se marier avec l’homme de son choix, en jonglant avec le poids des traditions, le tout sur fond d’amitié kabylo-bretonne.
Êtes-vous revenu en Kabylie depuis que vous l’aviez quittée ?
Je suis revenu en Kabylie en 2008 et 2010. Des moments pleins de bonheur et de souvenirs inoubliables.
Avez-vous des contacts avec des Kabyles de France ou des associations activant pour la promotion de la culture et de l’identité kabyles ?
Je suis en contact avec des associations kabyles en France, celle de Rennes, Avessac près de Redon, Nantes, Paris (Iwadiyen de France), Nancy… Je vais facilement à la rencontre des Kabyles ou des couples kabylo-bretons de ma région avec qui je m’entends bien. Nous partageons nos cultures et cultivons l’amitié.
A vous les mots de la fin pour conclure cet entretien ?
J’ai découvert une très belle région inscrite dans ce que j’ai envie d’appeler le plus beau pays du Maghreb, j’en garde d’excellents souvenirs et des amitiés fortes. J’ai découvert dans les années 70 un pays idyllique qu’il n’est plus aujourd’hui pour un tas de raisons. Mais j’y reste très attaché et je lui souhaite prospérité et bonheur.
Interview réalisée par L Beddar.
Qui est Ernest Jouzel ?
Ernest Jouzel, enseignant à la retraite né en 1948 et originaire de Janzé en Ille-et-Vilaine en Bretagne, a enseigné de 1970 à 1973 dans une école de Pères Blancs située entre Taourirt Abdellah et Aït Abdelkrim à Ouadhias, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, en tant qu’instituteur Français, dans le cadre de coopération. Son attachement à cette région reste indéfectible. Pour preuve, il lui a consacré trois ouvrages dont le dernier «Thamila» est sorti cette année. Il est en contact permanent avec beaucoup de Kabyles de France et d’associations à qui il répondait présent quand il est sollicité pour des conférences ou ventes-dédicaces de ses livres. Par amour et nostalgie, il est revenu plusieurs fois retrouver cette région de Kabylie et ses anciens élèves qu’il a formés.