L’homme s’en va, l’artiste vivra !

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L’artiste peintre-photographe Hocine Hettal s’est éteint mercredi dernier à Paris, suite à une longue maladie.

Il est parti en ce début janvier comme pour dire qu’il voulait d’abord assister au passage vers une nouvelle année et nous laisser ses meilleurs vœux pour ce monde. Il nourrissait l’espoir des lendemains joyeux, et malgré la maladie qui le rongeait, il avait l’énergie et le ton pour parler de ses multiples projets. Il a gardé sa vivacité et son désir de se replonger dans sa Kabylie natale, terre de son inspiration. Pour sa famille, ses proches et ses amis il sera difficile d’admettre que Hocine n’est plus là. Mais tous garderont l’image d’un être cher, attachant et prolifique. Menu, modeste et simple, il était une force tranquille mais toujours bouillonnant de l’intérieur. Il avait un imaginaire fécond et une expression diversifiée. Ses approches artistiques étaient multiples et répondaient à son désir de contenir la complexité du monde qui nous entoure, sur lequel il posait un regard sain et doux. Il est né et a vécu dans les montages de Kabylie qui l’ont forgé et très souvent inspiré. L’artiste nous emmenait dans son univers pictural pour découvrir ses tableaux, des tableaux non seulement qui se voient mais qui nous parlent. Il dessine ses personnages à la manière d’un orfèvre qui soigne son bijou comme pièce unique et de valeur. Pour ces personnages que la vie n’a pas gâtés, Hocine n’était pas voyeuriste. Il était le témoin d’un quotidien dur à vivre qui a pétri ses disciples pour lesquels le peintre avait un geste tendre et affectueux. Il humanisait les femmes et les hommes et leur redonnait toute leur fierté sans chercher à s’apitoyer sur leur sort. Il affectionnait notre regard et faisait voyager notre imaginaire dans les moindres recoins de son inspiration. Hocine Hettal avait à son actif des dizaines de tableaux et possédait un parcours ponctué de plusieurs expositions couronnées de succès et d’admiration partout en Algérie et dans plusieurs villes en France. Sa simplicité et sa modestie étaient ses atouts mais l’artiste n’était pas facile à cerner. Il était complexe dans ses interrogations et multiple dans ses expressions. Son mélange de styles lui conférait une grande richesse, valeur d’un créateur qui vivait dans son temps et dont les œuvres survivront au temps. À la manière d’un musicien qui jouait de plusieurs instruments, Hocine était à la fois peintre, dessinateur, photographe, décorateur de cinéma et mieux encore homme-orchestre de l’expression culturelle. Il avait un véritable engouement pour la création artistique. Photographe, il savait saisir l’instantané, ce moment unique qu’on ne cesse d’admirer. Peintre, il avait le crayon, le coup de pinceau et la technique de la cacahuète brulée pour capter notre regard sur ses belles toiles. Décorateur de cinéma, il reconstituait fidèlement l’atmosphère et l’ambiance nécessaires au jeu des acteurs. Il nous laissera le souvenir d’un auteur avec une œuvre séduisante porteuse de valeurs à partager. Toi, qui as peint les chemins qui montent, tu emprunteras une dernière fois ceux de ton village pour rejoindre ta dernière demeure et te reposer aux côtés de tes aïeux. Cette terre que tu as si souvent bien représentée dans tes œuvres te protégera à jamais. La vie de l’humain est éphémère, mais celle de l’artiste est éternelle. Hocine Hettal est né en 1958 à Agouni Boufal (Souk El Ténine – Mâatkas). Après le lycée, il est admis à l’École des Beaux-Arts d’Alger pour une année et rejoint l’INADC (Institut national des arts dramatiques et chorégraphiques) de Bordj El Kifan. Il ressort avec un diplôme d’animateur culturel. En 1982, il est recruté à la maison de la culture de Tizi-Ouzou pour animer les ateliers dessin-peinture adultes et labo photo. Epris de rigueur, de discipline et de respect pour son travail, il a, durant toute sa carrière, fait partie de l’équipe d’animation qui a assuré la noble mission de la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou. À la retraite, il ouvre un atelier pour se donner davantage à sa passion et son désir de réussir dans ce qu’il aime : peindre les marginaux, photographier les fous de nos villages, illustrer la femme kabyle belle et rebelle, jongler avec les effets de lumière pour fabriquer encore des images en clair-obscur. Jouer avec les formes, les couleurs, les traits, la texture c’est ce qu’on retrouvera toujours chez cet artiste pluriel a travers ses toiles, ses dessins, ses photographies et ses décors de cinéma. La levée du corps du défunt a eu lieu hier vendredi à l’hôpital Foch de Suresnes, en France. Il sera inhumé aujourd’hui samedi dans son village natal sur la terre de ses inspirations.

Tahar Yami

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