«Pas facile pour un non-voyant d’émerger»

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Kamel Ouamar, de son vrai nom Kamel Rabhi, un non-voyant qui a consacré une vingtaine d’années pour éditer trois albums, à savoir Tamaghra Bouzyine, en 1987, puis Avridhis en 2003 et Temzi en 2017, parle dans cet entretien de sa longue absence.

La Dépêche de Kabylie : Présentez-vous à nos lecteurs…

Kamel Rabhi: Je suis artiste interprète et auteur compositeur. Je suis né en 1964 dans la tribu d’Irubah, relevant de la commune de Makouda. Très jeune déjà je jouais de la flûte, de l’harmonica et de la guitare.

À quand remonte votre premier pas dans la chanson kabyle ?

À mon jeune âge, je chantais déjà avec des amis et, en 1985, j’ai décidé de participer à l’émission «Les chanteurs de demain», animée autrefois par le maestro Medjahed Hamid à la chaîne 2. En 1987, j’ai produit mon premier album «Tamghra Bouzyine». Ce fut un grand succès et l’album a eu un écho favorable.

Votre deuxième album n’est arrivé qu’en 2003. Pourquoi ?

Comme je suis passionné par les recherches dans le domaine linguistique et la théorie musicale, j’ai sillonné pratiquement toutes les contrées de l’Algérie profonde. D’ailleurs, j’ai pu maîtriser trois styles différents : le chaâbi, le classique et l’oriental. C’est pourquoi, j’ai mis tout le temps nécessaire pour lancer «Avridhis». Cependant, je n’ai pas quitté la scène, parce que j’étais présent dans toutes les manifestations artistiques d’envergure régionale et nationale.

Parlez-nous de votre handicap…

C’est une rétinite pigmentaire de naissance. J’ai fait ma scolarité le plus normalement du monde. Je ne suis devenu non-voyant qu’à l’âge de 35 ans. Ce fut, alors, une cécité totale. Cependant, j’ai eu aussi un grand avantage, parce que, contrairement à mes amis aveugles, j’ai vécu une grande partie de ma vie comme toutes les personnes valides. Je garde encore beaucoup d’images du temps où je voyais. Ma maladie ne m’empêche pas, aujourd’hui, d’aller de l’avant; mon dernier produit en est la preuve, et j’ai beaucoup d’autres projets.

Parlez-nous de l’album Temzi, (La jeunesse)…

Grâce à l’ONDA, je suis parvenu à éditer cet album qui fait une synthèse de mes œuvres avec plus d’élaboration. Pour ne pas encore le répéter, je vous dirais que mes recherches m’ont beaucoup aidé dans la composition de ce CD. Il est plus travaillé que les autres, parce que j’ai recouru à des moyens modernes. Les trois styles évoqués sont incorporés dans ce CD.

C’est un album où on ne trouve aucune chanson dont le titre

est Temzi. Que pouvez-vous nous dire là-dessus ?

En écoutant toutes les chansons, vous allez vous apercevoir que certaines d’entre elles renvoient à la jeunesse. Il y a deux ou trois chansons que j’ai écrites à l’âge de 18 ans. Ce sont des textes que j’ai revus. Dans certaines, c’est un hommage que j’ai voulu rendre à l’enfance. Il y a même des chansons d’amour. On ne peut se passer de Tayri.

De combien de chansons se compose ce nouvel album ?

Neuf chansons. Je citerai, par exemple, «Achughar El-Houb» (ô pourquoi amour), «Agrawliw» (Le révolutionnaire), «Abrid I kem-yewwin», «A dunnit», «Acimi» (Pourquoi), «Makouda», «Atan n’tmughli» (La cécité). Dans «Makouda», j’ai rendu un hommage aux villages de ma commune, aux martyrs de la révolution et aux artistes. Concernant ma maladie (la cécité), je la raconte comme je la vis.

Y a-t-il encore un autre produit en vue ?

Cette fois-ci, je ne mettrai pas beaucoup de temps. Les chansons sont déjà prêtes. L’album, quant à lui, sera prêt en 2019. En effet, je vais consacrer toute cette année à le travailler sur tous les plans. Il faut savoir que ce n’est pas facile d’entrer, aujourd’hui, en studio d’enregistrement. Il y a énormément de contraintes, notamment financières. Pour le prochain, ce sera la continuité des trois autres avec des améliorations sur le plan linguistique. En effet, je vais introduire des mots qui risqueraient de tomber en désuétude, si on ne les sauvegarde pas.

Que pouvez-vous nous dire de plus sur le dernier album ?

C’est un produit qui marche très bien, d’après les échos qui m’arrivent chaque jour. Je remercie au passage l’ONDA qui m’a aidé financièrement, autrement je n’aurais jamais pu l’éditer avec mes propres moyens, qui sont d’ailleurs trop limités. Je saisis aussi cette occasion pour souhaiter une bonne année, surtout que Yennayer vient d’être décrété journée chômée et payée. C’est une décision historique. Elle est à saluer !

Entretien réalisé par Amar Ouramdane

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