«Mon univers culturel est kabyle»

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Dans cet entretien, l’auteure de Le Roman des Pôv’Cheveux, édité aux Editions El Kalima en 2017, Lynda Chouiten, livre sa conception de l’écriture romanesque.

La Dépêche de Kabylie : Comment vous est venue l’idée de vous intéresser à la littérature d’expression française ?

Lynda Chouiten : Mon histoire avec la littérature française ne date pas d’aujourd’hui. Elle remonte à très loin. J’ai commencé à m’intéresser à la littérature bien avant d’avoir ma licence d’anglais ; avant même que j’accède à l’université. J’ai commencé à lire et écrire en français toute petite. J’écrivais des petits textes, des petits poèmes, parfois en arabe, mais essentiellement en français.

Y a-t-il, selon vous, des personnages principaux et d’autres secondaires, donc élémentaires, dans un roman ou bien tout dépend des rôles assignés par l’auteur à ses personnages ?

Oui, il y a, bien sûr, des personnages principaux et des personnages secondaires. Le personnage principal joue un rôle extrêmement important, il est présent tout au long du roman, alors que la présence du personnage secondaire est partielle ou minime. Par exemple, dans Le Roman des Pôv’Cheveux, mon roman, Hadja Messaouda est un personnage secondaire. Elle n’incarne rien de ce que je cherche à dénoncer. En revanche, Outoudert constitue clairement un personnage principal. Il a un don pour l’échec et rien ne marche pour lui ; il est donc un petit peu à l’image du pays et de ce qui y va de travers. Aussi, si l’on prend les personnages Taous ou Louisa, elles illustrent la condition féminine ; Taous représente la femme opprimée. Mais Hadja Messaouda, elle, n’est là que pour expliquer l’histoire d’un autre personnage qui est Fouzia. Elle, en elle-même, n’a pas vraiment une grande utilité dans le roman. C’est bien un personnage secondaire.

De quel univers culturel et linguistique vous vous inspirez pour créer les personnages de votre roman ?

S’agissant de l’univers culturel dont je m’inspire pour la création des personnages de mon roman, je ne peux bien évidemment pas me dissocier de la Kabylie. Je suis née en Kabylie, je suis Kabyle, je vis encore à Tizi-Ouzou. Mon univers culturel est kabyle. Vous remarquerez que le personnage principal est d’ailleurs typiquement kabyle. Outoudert est un prénom kabyle ; vous ne trouverez pas ce prénom ailleurs. Il y a le personnage Taous qui a un autre prénom kabyle. Louisa est aussi un autre prénom féminin très présent en Kabylie… Même la ville fictive où se déroulent les événements s’appelle Tamdit et elle est inspirée du même univers culturel que Tizi-Ouzou. Le village où vit Pôv’Cheveux s’appelle Ikhf-Outoudert… Il y a, en fait, beaucoup de mots kabyles qui sont insérés tels quels dans le roman.

Ce recours à des noms propres puisés naturellement de l’univers culturel kabyle n’est-il pas, pour vous, une manière de manifester votre identité ?

Oui, mais cela n’est même pas voulu. Cela me vient spontanément. La Kabylie, c’est le lieu où j’ai grandi. Je n’ai même pas besoin d’effort pour la représenter ; c’est presque naturel. Cela fait partie de moi, c’est pourquoi l’aspect kabyle ressort dans mon roman. Cela dit, j’ai également beaucoup lu, beaucoup voyagé et j’ai même vécu en Europe pendant quelques années. Ces expériences sont une richesse qui me permet d’aspirer à l’universalité. Déjà dans Le Roman des Pôv’Cheveux, une partie de l’intrigue se déroule à Paris, et il y a des personnages français. Et il n’est pas exclu que je m’ouvre sur d’autres univers culturels et linguistiques dans mes écrits à venir.

Peut-on considérer votre livre comme une œuvre romanesque féministe ?

Je n’aime pas être classée dans tel ou tel courant. Il y a quelques traces de féminisme dans mon roman, car il y a des choses qui m’interpellent concernant la condition féminine en Algérie. Il y a des choses qui ne vont pas du tout. Il y a encore de l’oppression, il y a encore de la marginalisation en ce qui concerne la femme. C’est ce que j’ai envie de dénoncer. Je le dénonce un petit peu à travers Taous, mariée et voilée de force. Ceci dit, il y a aussi des femmes battantes dans le roman. C’est le cas de Louisa, mais aussi de Fouzia, qui est une magouilleuse, mais aussi une femme forte, ambitieuse et audacieuse qui fait tout pour se sortir de la misère où elle a grandi.

Le rôle d’un auteur est d’écrire, mais devrait-il prendre part à la promotion de la lecture ?

Si on écrit un roman, c’est souvent pour être lu. À mon sens, un romancier doit donc participer à la promotion de la lecture par le biais surtout de conférences, de ventes-dédicaces et de cafés littéraires. Moi personnellement, je trouve très agréables les rencontres avec les lecteurs.

Djemaa Timzouert

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