«Je peins l’Algérie»

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Dans cet entretien, l'artiste peintre Zitoun Kerkaden, natif de la commune de Tamridjet, située à 50 km environ à l’Est de la ville de Béjaïa, nous ouvre son cœur et parle de sa peinture, de son expérience et de son parcours artistique.

La Dépêche de Kabylie : Pour commencer, qui est Zitoun Kerkaden pour ceux qui ne le connaissent pas ?

Zitoun Kerkaden : Je suis un enfant du pays né il y a quelque 40 printemps dans la commune de Draâ el Caïd. À l’âge de 6 ans à peine, je pars vivre en France avec mes parents et mes trois frères. Depuis tout jeune, je me passionne déjà pour le dessin et la peinture. Malgré les maintes propositions de mes parents d’aller jouer à l’extérieur au lieu de m’enfermer dans ma chambre à gribouiller, je préfèrai m’adonner à mon hobby favori. Vers 7 ou 8 ans déjà mon père me lance un défi : reproduire la photo d’un paysage. Si je réussissai ce challenge, il me verserait 50 francs. Je le fis avec patience et acharnement. Mon premier client fut donc mon père.

Comment l’envie de peindre est-elle née en vous ?

J’ai toujours eu cette fibre en moi. Depuis tout petit déjà je n’arrêtais pas de dessiner dans ma chambre, dans la cuisine et même chez les gens quand on était invités (rit). Suite à cela en CM2 (l’équivalent de la 5ème année primaire en Algérie), mon institutrice de l’époque, en voyant mes talents artistiques, m’a confié la lourde tâche de réaliser les décors d’une pièce de théâtre qu’on allait jouer en fin d’année devant toute l’école. À la fin de la représentation, l’enseignante m’a invité sur l’estrade afin de me mettre à l’honneur devant tous les élèves (250 à 300 élèves) qui m’ont fait une énorme ovation. Je crois que c’est à ce moment-là que j’ai réalisé ce que j’avais du potentiel, en plus de cette passion certaine pour la peinture.

Quelle est votre carrière artistique et votre parcours professionnel ?

Concernant ma carrière artistique, elle est assez singulière avec des expositions dans diverses galeries et salons basés essentiellement dans la région parisienne (récemment le prestigieux Grand Palais). J’ai aussi illustré une dizaine de pages de couvertures pour des auteurs, écrivains et romanciers. Quant à mon parcours professionnel, il s’alimente par de nombreuses commandes de particuliers, de diverses associations et autres privés… Des propositions d’exposer à l’étranger me sont aussi faites (États-Unis, Chine…). J’ai reçu plusieurs premiers prix lors de différents salons. Et de surcroît en rivalisant avec certains artistes internationalement connus alors que je n’avais encore que la vingtaine.

Vous avez réalisé des portraits de personnalités artistiques mondialement connues, tels que le chanteur kabyle Idir et le Français Johnny Hallyday. Pouvez-vous nous en parler ?

J’ai la chance et le don d’avoir la faculté à reproduire quasiment à l’identique les portraits en général, notamment ceux qui m’inspirent. Pour le portrait d’Idir, c’est le 2ème qu’il a en sa possession… L’un des deux figure, d’ailleurs, sur la couverture de son avant-dernier album que j’ai moi-même illustré à sa demande et qui est sorti en 2013. Concernant Johnny Hallyday, ce sont des grands fans de ce dernier qui m’ont passé commande en m’envoyant des photos qui leur plaisent. Donc, moi je m’attèle à la tâche. Depuis qu’il est mort (paix à son âme) (5 décembre 2017 Ndlr), je dois en être au 15ème portrait déjà et ce n’est toujours pas fini, car d’autres commandes vont sûrement suivre.

Vous avez été parmis les animateurs d’une conférence publique dernièrement à Tamridjet. Quel était votre sentiment en rencontrant votre public de votre commune natale ?

Tout d’abord, j’ai été très honoré de cette invitation spontanée de la part de quatre associations culturelles locales, dont je remercie les principaux acteurs de la conférence. J’ai été très étonné de l’engouement qu’à eu cet événement car la salle était bondée de monde. J’ai ressenti une grande fierté en pensant que ces personnes étaient présentes en parti pour moi. J’ai eu comme l’impression d’être une sorte d’exemple pour eux, j’ai ressenti de leur part une sorte d’admiration à mon égard, et ça c’est très fort en émotion. A la fin de cette conférence, la plupart des personnes présentes étaient venues me voir afin d’en savoir plus à mon sujet.

Quels sont les tableaux qui vous ont le plus marqué ?

Les tableaux qui m’ont le plus marqué sont incontestablement les scènes de vie d’Algérie que j’ai peintes. Elles reflètent la plupart du temps les différents moments de mon enfance et les nombreuses fois où j’y suis retourné à chaque fois tous les ans. D’ailleurs, ce sont les premiers à être partis (vendus) lors de mes nombreuses expositions. Je peins l’Algérie.

Dans vos œuvres, qui mène le jeu, la raison ou les sentiments ?

Je pense qu’il y a forcément un mélange des deux émotions : La raison, parce que c’est l’artiste lui-même qui guide son esprit critique et de surcroît fait exprimer ses différentes émotions sur la toile… Et forcément le sentiment, car sans le sentiment l’artiste ne peut s’exprimer de bon cœur afin de réaliser son œuvre.

Techniquement, est-ce que vous prenez assez de temps pour finir vos tableaux ?

Tout est relatif en termes de temps. Je peux tout à fait faire une œuvre en 3 heures, tout comme je peux mettre 10 jours, voire parfois plus, tout dépend de plein de paramètres. Il y a d’abord l’inspiration : il m’arrive parfois de ne pas vouloir me mettre à la tâche pour la seule raison que je n’ai pas d’inspiration. Du coup, je laisse mon travail de côté pour le reprendre une fois de nouveau inspiré. Inversement, je peux tout à fait être pris de court par une commande dans un laps de temps réduit et dans ce cas là je n’ai de choix que de me mettre au boulot afin de finaliser la toile à temps.

Qu’en est-il de vos projets d’avenir ?

J’en ai tellement que je ne sais plus par où commencer ! (Rire). Tout d’abord, je vais prendre un peu de recul par rapport aux vacances : je me nourris essentiellement de mes séjours là où je vais à chaque fois. En ce moment je prépare une exposition dans un salon avec une dizaine d’artistes peintres sur Paris. Ensuite j’enchaîne avec l’exposition au Grand Palais en compagnie de plusieurs artistes connus et reconnus aux quatre coins du monde. C’est un gros challenge de pouvoir se confronter et se comparer aux autres. Enfin, je prévois également une exposition au Centre Culturel Algérien (CCA) pour la période de mai /juin.

Je vous laisse conclure …

La peinture est un art universel sans frontières. Se lancer dans une activité artistique lorsqu’on a un certain don, n’est pas impossible, sauf qu’il faut mettre toutes les chances de son côté et se donner les moyens de parvenir à ses objectifs. Je suis toujours obstiné à poursuive mes rêves quelles que soient les difficultés et je suis de ceux qui croient que le travail finit par payer. Ceux qui croient en eux, en leurs rêves, doivent poursuivre ces rêves. C’est là l’unique moyen de se donner une chance de réussir ce qu’on rêvait d’entreprendre. Dans la vie, rien n’est acquis mais aussi, tout est possible.

Entretien réalisé par Aziz Khentous.

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