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DRAÂ EL-MIZAN - 11e Prix Matoub Lounès contre l'oubli : Slimane Azem, Nouara et Ali Yahia Abdennour lauréats

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Cela fait onze ans que le Prix Matoub Lounès contre l’oubli honore trois personnalités connues dans divers domaines.

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Hier, l’association Amgud a dévoilé les noms des trois lauréats. Il s’agit du regretté Slimane Azem, grand monument de la chanson kabyle, Nouara, diva de la chanson algérienne, et Me Ali Yahia Abdennour, grand défenseur des droits de l’Homme et écrivain. Du côté de la famille Slimane Azem, c’est son neveu Hocine qui a reçu cette distinction à titre posthume. D’ailleurs, lors de son intervention, celui-ci a remercié l’association d’avoir pensé à cette école de la chanson kabyle, d’autant plus que cette récompense coïncide avec la célébration du centenaire de la naissance de son oncle. Concernant les deux autres lauréats, les prix ont été remis à leurs représentants. Appelé au téléphone, maître Ali Yahia Abdennour, qui n’a pas pu faire le déplacement, félicitera vivement les initiateurs de cette distinction: «Je vous remercie d’avoir pensé à moi. J’admire ce que vous faites. Lorsqu’on voit des jeunes, comme vous, réfléchir à prendre la relève, c’est de bon augure. En tout cas, vous représentez dignement Draâ El-Mizan que tout le monde doit connaître, sachant que la jonction Draâ (force) et El-Mizan (justice) renvoie à la force au service de la justice. Je vous encourage à prendre les destinées de ce pays». La salle n’a pas été insensible aux propos de cet infatigable défenseur des droits de l’Homme, qu’elle a longuement applaudi. Peu avant la conférence animée à la bibliothèque communale par Amar Derriche, ex-animateur radio, parolier et militant de la cause amazighe, sur le parcours des trois illustres personnalités, le public et les invités ont déposé une gerbe de fleurs devant la stèle Matoub Lounès, où une minute de silence à sa mémoire et à celle de tous les martyrs a été observée. Ali Brahimi, ancien membre du MCB, prendra la parole, en premier, pour revenir sur le neuf octobre 1988: «Si nous rendons hommage à Lounès Matoub à chaque anniversaire de son assassinat, il est aussi indispensable de se souvenir de ce jour où il fut criblé de balles par les gendarmes, à Aïn El-Hammam. C’est une date importante. Après une grande concertation entre les étudiants et les acteurs du mouvement berbère, une déclaration a été rédigée. Ce fut Lounès Matoub qui a été chargé de la transmettre à la population, qui s’inquiétait au sujet de ce qui se passait dans les autres villes d’Algérie à cette époque-là. C’était pour appeler la population kabyle à ne pas s’immiscer dans cette manipulation. Pourquoi le choix Matoub? Parce qu’il était crédible. Il ne fallait pas que la Kabylie s’enlise dans ce conflit. En dépit de tout ce qu’il a subi après ce coup, il s’est remis sur pied et a continué son combat jusqu’à ce jour fatidique de 25 juin 1998», soulignera-t-il. Belkacem Messaoudi, ex-journaliste de la Chaîne 2, donnera aussi son témoignage à propos du Rebelle. La deuxième partie de ce rendez-vous «contre l’oubli» se déroulera à la bibliothèque communale. A relever qu’en plus des invités, il y eut une forte assistance, essentiellement composée de jeunes. Une présence nombreuse, dénotant l’implication des jeunes dans la continuité du combat, que les seniors ont fortement appréciée. Ils étaient d’aillaurs unanimes à dire qu’il n’y a pas de rupture entre les jeunes et les générations précédentes. «Si nous avons opté le 9 octobre pour décerner le prix Matoub Lounès contre l’oubli, c’est pour rappeler que c’est en ce jour que le Rebelle fut blessé à bout pourtant par les gendarmes (…)», indique M. Hamid Derradj, en sa qualité de secrétaire général d’Amgud. Par la suite, la parole fut donnée aux représentants de la Fondation Matoub Lounès (la présidente et le secrétaire général) qui déclareront à l’assistance que la Fondation «a toujours répondu à l’appel d’Amgud et qu’elle est aussi partie prenante de l’initiative Matoub Lounès contre l’oubli». Tour à tour, les deux intervenants sont revenus sur ce jour fatidique du 9 octobre lors duquel Lounès avait reçu cinq balles. «Le pouvoir l’a appauvri. Ils ont voulu le voir mourir. Mais, étant courageux et convaincu de son combat, il n’abdiqua pas. D’ailleurs, quelques jours après avoir été évacué en France dans un état critique, il reprit des forces», témoignera la présidente de la Fondation qui porte le nom du chantre de l’Amazighité. «Matoub Lounès était un symbole. C’est le repère pour tous les jeunes. C’est pour cela qu’il fut choisi pour faire circuler cette déclaration à travers les villes et villages de kabyles. Lounès restera toujours éternel, tout comme Dda Slimane Azem et tous ceux qui se sont sacrifiés pour notre identité, que l’on se doit de sauvegarder en préservant notre patrimoine matériel et immatériel. Si nous sommes là aujourd’hui (ndlr, mardi), c’est pour ne pas tomber dans l’amnésie et l’oubli», soulignera Amar Derriche dans l’allocution d’ouverture de la conférence, que l’assistance suivra avec beaucoup d’attention. En bon orateur, il reviendra sur le parcours de Slimane Azem, en éclairant le public sur le combat et l’amour que vouait celui qu’il qualifiera de personnage exceptionnel à son pays : «Il n’était pas universitaire, il n’avait fréquenté aucune école de musique. Mais il réussit, avec la force de ses mots et ses mélodies, à s’imposer devant le haouzi, le chaâbi, le malouf, alors que la chanson kabyle était encore à l’état embryonnaire», enchaîne-t-il. Le conférencier s’étalera longuement sur le sens auquel renvoient ses chansons, immortelles et intemporelles, de même qu’il dressera le portrait de Nouara. Une diva commença dans l’Ourar Al Kahalth, avant de devenir une grande chanteuse, notamment grâce à Chérif Kheddam, qui l’a découverte alors qu’elle était encore très jeune. Sur Me Ali Yahia Abdennour, il soulignera l’engagement dans le mouvement de lutte pour la libération nationale de celui qui allait devenir le fondateur de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme, en 1985. En définitive, l’assistance a eu droit à des témoignages poignants livrés par nombreux militants et personnalités, appelés à l’occasion à revenir non seulement sur le parcours de Lounès Matoub, mais aussi à donner leurs points de vue sur la scène politique actuelle, trente ans après les événements d’octobre : «Nous sommes vraiment très contents de décerner chaque année ce prix parce que Lounès Matoub mérite plus. Je remercie tous ceux qui, avec leurs témoignages et leurs éclaircissements, ont retracé les parcours de ces trois légendes de la chanson kabyle», conclut M. Karim Larbi, en sa qualité de président d’Amgud, en donnant rendez-vous pour la 12e édition.

Amar Ouramdane

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