Mensonge éhonté

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« Amachahou rebbi ats iselhou ats ighzif anechth ousarou. » (Que je vous conte une histoire. Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).Depuis l’invention de l’argent en tant que monnaie, ceux qui ont réussi à faire fortune ont toujours leur mot à dire. On les respecte et on les écoute.Ces derniers imbus du pouvoir que leur confère leur argent abusent souvent de la gentillesse des gens. Ils font prendre aux gens les vessies pour des lanternes.C’est une histoire du terroir, illustrant une telle attitude que nous allons vous raconter.Dans une contrée montagneuse vivait un homme très riche. Il possédait beaucoup de terres, plantées d’oliviers, de figuiers et d’arbres fruitiers. En été, pendant la saison de la fauchaison, presque tous les villageois des environs travaillent pour lui. Honni, craint, adulé, l’homme se comporte en monarque. Monté sur une jument blanche, affublé d’un burnous immaculé, cravache à la main, il sillonne en tout temps ses terres. Gare aux voleurs pris la main dans le sac ! Pour éviter qu’on ne porte atteinte à sa personne, deux gardes le suivent comme son ombre.Un jour, un chasseur venu de très loin, braconne sur ses terres. A l’époque, la Kabylie était infestée d’animaux sauvages. Il y avait entre autres, des léopards, des panthères et surtout des lions.Se trouvant nez à nez avec « ayrad » (un lion) le chasseur épaule son fusil et tire sur le fauve qui tombe raide mort.Entendant deux détonations, les paysans qui se trouvaient dans les environs, accourent pour voir de quoi il retourne.Quand ils découvrent le lion tué, ils ameutent tous le monde pour voir de visu le terrible animal. Informé, le notable qui s’appelait Cid Ali arrive sur les lieux. Il examine le fauve et contre toute attente, décrète que le lion n’est qu’un vulgaire lièvre de grande taille. Bien que le mensonge est grossier, personne parmi les présents n’ose contredire l’irascible monsieur. Quelques jours plus tard, son fils aîné, amateur de gibier, va à la chasse. Au détour d’un sentier, un gros lièvre dédale devant lui. Il épaule son fusil et tire au jugé. Atteint par une décharge de chevrotins, le lièvre fait quelques soubresauts et s’affale sur le bas côté d’un sentier.Comme pour le premier chasseur, en entendant la déflagration, les paysans affairés à ramasser les olives, arrivent précipitamment sur les lieux. Cid Ali, qui était dans les environs et qui avait entendu la détonation arrive lui aussi.Il trouve son fils en train d’examiner la belle bête. Il descend de sa monture serre très fort son rejeton contre lui et, sans rougir, il décrète cette fois-ci que le lièvre abattu par son fils, n’est pas un lièvre, mais un lion. Les paysans présents sur les lieux n’en croient pas leurs oreilles. Ils viennent de voir un lion mort et voilà que l’homme riche leur dit que c’est un lièvre. Tout le monde sait qu’il ment, mais personne n’ose le contredire de peur de se voir mis au bac des accusés.

Benrejdal Lounes

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