La chanson, moyen de lutte

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De la devinette, de la poésie orale transmise de bouche à oreille… parvint la chanson comme moyen de préservation, d’unification et surtout de dénonciation.En effet, la chanson kabyle a vécu toutes les basses manœuvres d’un pouvoir oppresseur. De la marginalisation allant jusqu’à la censure et l’interdiction de toutes œuvres revendicatrices. Les chanteurs kabyles qui ont bravé l’ordre imposé, en scandant leur identité, ont été chassés et bannis.Ainsi, le Mouvement citoyen berbère réprimé dans le sang n’a jamais cessé de prendre de l’ampleur. De la cité universitaire, il a pu se propager pour embraser plus tard les collines rocailleuses de la Kabylie.Du feu Slimane Azem au feu Matoub Lounes le pas est géant mais souvent émouvant.Xalsagh adrar s idamniwAdivan l atriwXas gullen at s sefdhenCe vers extrait de la célèbre chanson de feu Matoub Lounes disait long sur les sacrifices consentis. La répression aveugle qui s’est abattue sur le Mouvement berbère et plus particulièrement sur les chanteurs kabyles qui sont derrière cet élan réanimé d’une léthargie angoissante, a pris une dimension alarmante. Les événements du 20 avril 1980 sont édifiants.Idir, Ferhat Imazighen Imoula, Brahim Izri…. n’ont pas cessé de sillonner les cités universitaires durant les année 70. Leurs œuvres orales ont trouvé l’objectif escompté dans les milieux estudiantins et ont fait naître le fruit du besoin et le sentiment de frustration. Ainsi, la chanson est devenue pesante et un crime de lèse-majesté. De la résistance réduite à la résistance collective la chanson a joué un rôle prépondérant et elle a contribué contre vents et marée à l’émérgence d’une génération mûre et prête à relever le défi.Les interdits et le rétrécissement des libertés qui ont frappé les cités universitaires ne sont en effet qu’une reconnaissance voilée d’une prise de conscience grandissante. De ce fait, les interdictions se multipliaient et la chanson était considérée comme un crime d’Etat.Le 6 mars 1980, le pouvoir dans son entêtement, interdit un gala artistique que devait donner Ferhat Imazighen Imoulla à la cité de jeunes filles de Boumerdès. Cette interdiction abusive avait provoqué des troubles sérieux. Ce même pouvoir versant dans la récidive, a provoqué l’irréparable. Le 10 mars de la même année, il interdit une conférence de notre feu maître anthropologue, Mouloud Mammeri à Tizi Ouzou, portant le thème : « Poésie kabyle ancienne ».Le 11 mars 1980, l’apport de la chanson dans la lutte identitaire cueille son premier fruit. La première manifestation de l’Algérie indépendante a eu lieu à Tizi Ouzou, pour protester contre l’injustice et le crime culturel.Ces œuvres qui portaient comme thème l’origine et l’histoire bafouée, l’injustice et le mépris, les aspirations d’une région qui a tout donné pour son Algérie — confisquée — ont subi les réprimandes les plus châtiées de l’arsenal répressif.Le 20 avril 1980, la révolte qui a atteint son point culminant a été matée dans le sang. Les forces de répression ont envahi Tizi Ouzou. Elles ont occupé les lieux, l’hôpital, l’université, les usines… Que de morts et blessés, que d’arrestations. La Kabylie entière est paralysée, le feu a gagné ses villages reculés.Aït Menguellet, Djamel Allem, Matoub Lounes ont donné par leur engagement une dimension plus combative à la chanson berbère.Ainsi, le mérite de la chanson dans le combat identitaire est grand. La chanson a pu mobiliser et fortifier le sentiment d’appartenance, elle a pu garder et sauver une langue ancestrale d’une disparition programmée.

Ali Khalfa

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