“Awal n wid d-ilehqen”, livre de maximes kabyles de Abdelhafid Chennane

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Reconnaître à tamazight le statut de langue créatrice qui n’a pas à rougir devant ses consœurs est le devoir de chaque amazigh qui se respecte. Contribuer pleinement à son épanouissement pour sortir du carcan de langue folklorique, pire encore de celui de dialecte, incapable de voler de ses propres ailes, est l’apanage des plus engagés et responsables. Tel est le sentiment qu’on ne peut s’empêcher d’avoir en lisant cet ouvrage intitulé “Awal n win d-ilehqen”, signé par Abdelhafid Chennane, édité à compte d’auteur, cet ouvrage préfacé par Arkoub Abdellah n’est ni un recueil de poésie ni encore moins de proverbes.

Il est tout simplement un ensemble de maximes au nombre de 300 de sa propre création. Ceci dit, la langue de Mohya ne sait pas faire que des poèmes, pièces de théâtre ou des romans. Elle sait quand elle veut se mettre au diapason des langues qui enrichissent leur vocabulaire leur rhétorique, proverbes et autres maximes.

En effet, tamazight peut avoir son La Rochefoucault Jules Renard ou encore Joseph Joubert, sans pour autant traduire ou adapter leurs œuvres.

Ce premier tome de maximes n’est selon son auteur que le début d’un cycle de maximes, riche de quelque 1500 pièces, je dis bien mille cinq cent, au risque de perdre un zéro en chiffres. On peut y passer pèle-mêle pour illustrer mes propos : “Scwit n yinnan, ad nqennaa widak yerdjan” (En parlant peu, on peut convaincre mieux) ; “Ma yella wall gh itettu, hseb-it ikheddem asefru” (A mémoire défaillante muse fertile et accueillante) ; “Ma d awal, ma iruh d ajeghlal” (N’est parole que celle qui résiste au temps et l’oubli).

Même si Abdelhafidh Chennane, ce natif de Bouyala à Aït Khelili dans la wilaya de Tizi-Ouzou, a quitté les bancs d’école à un âge précoce, les bancs de la vie ne l’ont pas quitté, et lui ont ouvert les bras. Et ce n’est sans doute pas ses diplômes en mécanique générale ou encore de programmeur informatique et de cameraman labo-photo qui ont forgé son usage de la langue pour parvenir à créer des maximes, mais son ouverture d’esprit et son amour de la recherche. Son envie d’écrire ne date cependant pas d’hier. Dès son jeune âge, il ne rêvait que de ça et avec l’assiduité et la volonté, la Muse ne l’a pas quitté, sachant qu’il est avant tout poète.

Dans l’avant-propos de cet ouvrage, Mohand Akli Haddadou, qui n’est plus à présenter, écrit : “C’est une œuvre originale qui, certes, s’inspire du patrimoine commun, mais qui est avant tout une production personnelle, création”.

Et plus loin, il enchaîne : “Il faut savoir gré à M. Chennane Abdelhafidh de renouveler un genre littéraire qu’on croyait figé”. Un autre hommage lui vient du préfacier de cet ouvrage, Arkoub Abdellah, enseignant de tamazight et président de l’Association Youcef Oukaci, en ces termes : “Ayn yura mass chennan di “i nnan”, i d-yeffghen si tedmi-s, il eqqem awal akken yettleqqin useklu”.

Ceci nous montre que tamazight, n’est pas qu’à l’état brut. En d’autres termes, elle nécessite bien des chantiers de désenclavement. Ces maîtres de l’œuvre et encore les ouvriers ne peuvent être, ni importés de Chine ni du Singapour, il suffit de leur fournir les moyens, et surtout leur reconnaître leurs efforts. Commençons par encourager ces œuvres qui sortent non sans difficultés financières, comme celles de Abdelhafid Chennane et des dizaines d’autres. Permettons à nos chérubins qui étudient cette langue, de mettre la main sur ce qui sort sur les étals, pour ne pas sombrer dans l’anonymat.

Avant tout, dépoussiérons nos consciences pour donner vie à la création et à notre tamazight.

Salem Amrane

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