Une plume prolifique

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Ecrivain, poète et journaliste, Hamza Zirem ne cesse de se distinguer avec des écrits bien élaborés. Hamza Zirem est un écrivain algérien qui a une œuvre singulière. Il est auteur de plusieurs livres, publiés en général par des éditions françaises Clapas, entre autres : Le temps asséché en 1997 et Le gouvernail tombe à l’eau, suivis de La déchéance d’un poète en 1999. Ce n’est qu’en 2005 que les éditions algériennes Minuscule, situés à Béjaïa, éditent une œuvre du poète. Intitulé Essai sur Térence suivis de Dernière épîtres, le livre de Zirem nous fait découvrir l’un des précurseurs de l’écriture littéraire : Térence.

Il est né à Carthage entre 190 et 195 av.-J.C. Amené à Rome très jeune comme esclave, il fut affranchi par le sénateur Terentius Lucanus ayant distingué sa prestance et deviné en lui des aptitudes intellectuelles. Il prit le nom de Publius Terentius Afer (Publius: son prénom ; Terentius : le nom du maître qui l’a affranchi ; Afer son surnom renvoyant à son origine africaine). Térence est décrit par son biographe Suétone comme étant « de taille moyenne, le corps frêle, le teint brun », ce qui fait dire à Taladoire qu’il « nous fait songer au petit Berbère d’André Gide ». Il reçoit une excellente éducation dans un cercle aristocratique et littéraire qui évolue autour des Scipion où se rencontrent Lélius, Lucilius, Polybe, Panaetius… Dans ce milieu intellectuel et hellénisant, Térence est destiné irrévocablement au service des muses. Au départ, il se consacre à la comédie. De l’oeuvre de Térence, six pièces seulement sont conservées: L’Andrienne (la fille d’Andros), L’Eunuque, L’Eécyre (la belle-mère). L’Héautontimorouménos (transcrit littéralement du grec, signifie : le bourreau de soi- même), le Phormion (nom d’un personnage) et les Adelphes (les frères). Les pièces sont représentées à plusieurs occasions et leurs sujets sont empruntés à Apolodore de Caryste et surtout à Ménandre. Térence utilise diverses pièces pour en créer une seule en travaillant les parties empruntées de façon à ce qu’il en résulte un enrichissement original pour l’intrigue. Térence est apprécié pour le goût et l’art du choix de ses sujets psychologiques, moraux et sociaux.

Il polémique ainsi avec ses détracteurs : « les malveillants que vous connaissez bien prétendent que des personnages de la noblesse aident Térence et collaborent assidûment avec lui. Hé bien ! Térence voit dans cette calomnie, par laquelle ils pensent l’atteindre dangereusement, son plus belle éloge: oui, il est heureux de plaire à ceux qui plaisent à vous tous et au peuple romain tout entier », écrit l’ex-étudiant de l’université d’Alger. En Algérie, très peut d’écrits sont consacrés aux auteurs antiques. Cette louable initiative va sûrement faire le bonheur des universitaires et inciter les chercheurs à s’intéresser à cet aspect des choses. Idem pour les autres lecteurs qui s’abreuveront de ces textes si rares dans notre pays. Zirem est aussi un poète de talent, ses poèmes bien ficelés nous livrent la rude condition humaine. C’est aussi un espace fertile aux multiples errances.

« Par dessus les successions illogiques du règne de bouillie sanglante l’injustice demeure incurable.

La barque de l’humanité risque de chavirer l’ennui immémorial qui rince les âmes

se méprend avec une récurrence contrefaite

Mes batailles perdues me rendent explétif les tourments se fixant au fond de la gorge réinventent l’harmonie de mes murmures

je déchiffre une dextérité d’esprit à travers le regard humble des pauvres les sans-coeur trébuchants m’exaspèrent sur les lieux aveuglants et méconnaissables je brave ostensiblement les principes tarés et j’agite mon cynisme indéfiniment sincère », souligne l’enseignant de la langue de Molière.

Sa sensibilité et son humanisme ne peuvent guère le laisser indifférant face à la souffrance d’autrui. Les innombrables violations des droits de l’Homme à travers le monde interpellent la conscience de tout artiste sincère, de tout être humain. Même si tant d’actes abominables et tant d’impunités sévissent encore.

« Les condamnations restent sans justification, les aberrations ne sont que des stratagèmes d’un système qui modèle le vertige du doute. Les chemins se perdent

L’horizon du savoir est sans avenir le gouvernail tombe à la mer

Mes appels demeurent sans écho, les décors me semblent fragilisés, je me retire

à l’ombre du monde

Les illusions bouillonnent

La haine conjugue son effort sous les décombres du temps

Les besoins prennent le parti d’urgence, la mort réduit les êtres en cendre, l’esprit déclame et réclame la quiétude », enchaîne le poète. L’écriture de Hamza Zirem est un appel de l’âme. Une âme qui refuse l’ordre établi et aspire à des jours meilleurs. Tantôt le poète rêveur dicte les vers mélodieux. Tantôt l’intellectuel analyse avec une grande lucidité. C’est entre autres ce qui fait la force et la profondeur d’une plume prolifique et singulière.

Yasmine Chérifi

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