Ali Asard’oun (Ali le mulet)

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(3e partie)

Quelques années plus tard, l’aîné des six frères de la princesse disparue, alla à la source pour faire boire son cheval. Sur place il trouve ’’settoute’’ ( la sorcière) qui puise de l’eau avec un tamis. Avec véhémence il la somme de lui laisser abreuver son destrier. Mécontente, elle lui dit méchamment :- Nek thzemredeh iyiLoukan d’argaz i thellithAts rouh’edh ad aouidhMeskinte outma-k’enniIg bbi ouaghzen d’eg idhRouh’ nigha-k’ anfiyi(Tu t’attaques à moi, faible que je suis si tu étais un homme digne de ce nom tu serais allé chercher ta pauvre sœur que l’ogre a enlevé de nuit, laisse-moi tranquille je t’en prie !Le jeune homme est ébranlé par une telle révélation. Il sait que sa sœur a disparu, mais pas enlevée par un ogre (ouaghzen). Il rentre dare-dare au palais et demande à sa mère de faire préparer par les domestiques une bouillie d’orge concassée ’’iouzane b-arkoul’’ ce dont la vieille ’’settoute’’ raffole. Il demande ensuite, qu’on la lui ramène. Dès qu’elle se prépare à manger, il lui plonge sa main dans la bouillie brûlante. Il ne la retirera qu’à la condition qu’elle lui indique la tanière de l’ogre.Devant la douleur ressentie, settoute ne se fait pas prier et lui dit :-Ouaghzen izd’aghD’eg lghar d’i thiz’’gi(L’ogre habite dans une grotte dans la forêt). la reine qui avait suivi la scène est intriguée par l’attitude de son fils aîné. Elle se rapproche de lui, et lui demande des explications. Ne voulant pas cacher son secret trop longtemps, son fils la met au courant des événements. – Chère mère, ta fille, notre sœur a été enlevée et demeure prisonnière de Ouaghzen (l’ogre). La reine n’en croit pas ses oreilles. Tout à coup, l’espoir de revoir sa fille lui redonne un regain d’énergie. Elle court avertir le roi, et ameute ses autres fils et tous les proches à la fois.Tout le monde est heureux, même le roi, mais au fond de lui-même, il se sent attristé, lâche, vil de n’avoir rien dit, rien révélé.Au palais, désormais c’est le branle-bas de combat. les six princes veulent partir sur le champ pour en découdre avec ouaghzen, qui a enlevé leur sœur. leur père leur demande de prendre avec eux des soldats mais ils n’en veulent pas.Ils veulent laver l’affront dans le sang, sans l’aide de personne, c’est une question de dignité. Pour leur sœur enlevée, ils sont prêts à affronter les pires dangers. Ils harnachent leurs chevaux s’arment de leurs épées et se lancent à l’aventure vers la forêt que Settoute leur a désignée.Après avoir chevauché durant plusieurs heures, ils arrivent enfin en vue de la forêt. Sur leur passage, ils rencontrent un berger (amekh’sa b-oulli), ils le questionnent à propos de ouaghzen (l’ogre).Le berger leur dit que les moutons qu’il garde sont sa propriété.- Eloignez-vous d’ici, si vous ne voulez-pas finir dans son estomac, braves gens !- Non, nous sommes décidés à le tuer et ramener notre sœur qu’il a enfermée chez lui.- Puisque vous êtes têtus, et pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend, battez-vous avec le bélier que voici. Si vous arrivez à le vaincre, vous aurez une mince chance de le battre lui aussi.Les six princes s’alignent pour affronter le redoutable bélier qui avait des cornes en faucille. Avant même qu’ils ne se rendent compte de ce qui leur arrivent, ils roulent dans la poussière désarçonnés. Ils se relèvent, les membres endoloris, et continuent leur chemin. Quelques kilomètres plus loin, ils rencontrent un bouvier (amek’sa g-izgaren). Ils l’interrogent au sujet de ouaghzen. Le bouvier leur dit :- Eloignez-vous d’ici, ces bœufs sont sa propriété. S’il vous trouve dans les environs c’en est fait de vous, il ne fera qu’une bouchée de vous et de vos chevaux.- Indique-nous sa tanière, nous sommes venus délivrer notre sœur qu’il garde prisonnière. – Pour évaluer vos chances de succès mesurez-vous d’abord à ce gros taureau. Si vous réussissez à le battre peut-être que vous aurez une chance, une chance bien mince de réussir.Les six princes s’alignent pour affronter le terrible taureau qui mugit et gratte le sol avec ses sabots. Avant qu’ils ne réalisent ce qui leur arrivent ils tombent à terre désarçonnés, cette fois aussi. Heureusement pour eux, ils ne sont pas encornés. Ils se relèvent et quittent les lieux, sous les avertissements incessants du bouvier.Ils continuent leur chemin et entrent dans l’immense forêt où aucun humain n’ose s’aventurer. Ils descendent de cheval et suivent à la queue-leu-leu le sentier qui les mènent tout droit vers l’antre de ouaghzen. Ils se mettent à l’affût et guettent le moindre bruit. Au bout de quelques minutes encouragés par le silence qui y règne ils pénètrent un à un dans la grotte qui s’évase au fur et à mesure qu’ils avancent. Ils arrivent dans une immense cour faiblement éclairée de lampes à huile ’’lemçabih’’.Bien que ce soit en début d’après-midi, les six frères trouvent leur sœur endormie. Elle est étonnée de voir ses six frères à ses côtés, mais une fois les effusions finies, ils doivent affronter la réalité. Elle leur dit :- Partez, mes frères, partez s’il vous surprend ici c’en est fini de vous. Ouaghzen est un monstre hideux, vorace et sans pitié. Partez avant qu’il n’arrive je vous en prie ! Partez pendant qu’il est encore temps, il ne sera là qu’à la tombée de la nuit ! Partez, partez !Les six frères ne veulent pas retourner chez eux bredouilles, ils demandent à leur sœur de les suivre :- C’est inutile mes frères, même si nous nous enfuyons, il va nous rattraper et nous dévorer. Les six frères et leur sœur discutent durant des heures, et voilà que la nuit commence à tomber. Il est trop tard pour partir.- Nous ne partirons d’ici qu’après l’avoir tué !Ne pouvant pas raisonner ses frères, elle les cache dans une grande anfractuosité de la grotte.Son frère aîné lui dit :- Nous le tuerons, fais-nous signe quand il sera endormi. Quand vous entendrez dans son ventre crier toutes ces bêtes qu’il a dévorées dans la journée, c’est à ce moment q’il est profondément endormi.Après ces explications, ils se cachent à l’endroit indiqué et attendent l’arrivée du monstre qui ne tarde pas à se manifester.Dès qu’il arrive, il hume l’air et dit à sa femme :- je sens une forte odeur d’homme ici ! Qui est venu ?- Personne n’est venu !- Je ne te crois pas ! Je veux avoir le cœur net !Il se met à chercher et trouve les six frères cachés. Avant qu’ils ne lui livrent bataille ils sont désarmés et enfermés dans un gouffre. Heureusement pour eux qu’il n’avait pas faim, sinon il les aurait dévorés sur le champ. Pour sauver ses six frères, leur sœur supplit ouaghzen de les épargner. Il accéda à son désir il ne va pas les dévorer mais il va les retenir prisonniers.

Benrejdal Lounes (A suivre)

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