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Agraw clôture le Printemps berbère à Paris

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La Dépêche de Kabylie : Aujourd’hui (dimanche) vous ferez votre come-back au Cabaret Sauvage à Paris afin de clôturer le 27ème anniversaire du Printemps berbère. Comment appréhendez-vous ce concert?

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l Agraw : En effet, et c’est avec une immense joie ! C’est toujours un réel plaisir de se produire à Paris. De rencontrer le public qui nous a toujours soutenu et porté au-delà des frontières. Et par ailleurs, c’est un honneur pour moi que de clôturer, à Paris, une date aussi historique que le Printemps berbère. Un évènement qui reste toujours synonyme d’espoir et de démocratie pour Tamazight et Imazighen de manière générale. J’espère juste être à la hauteur des attentes du public.

Cela fait combien de temps que vous n’avez pas chanté sur une scène en France ?

l Cela doit bien faire deux ans que je ne me suis pas produit à Paris. La raison est simple. Je suis quelqu’un qui aime prendre du recul par rapport à la scène et à ma carrière en général. De plus, comme vous avez pu vous en apercevoir, nous avons une belle nouvelle génération qui prend de l’ampleur. Et je crois qu’il faut tout de même savoir céder un peu la place.

Le concert d’aujourd’hui (dimanche) se fera avec le label Akfadou Production, il me semble qu’il ne s’agit pas de votre première collaboration ?

l Tout à fait. Avec Akfadou Production, nos débuts ensemble remontent à 20 ans déjà. Nous avons fait beaucoup de choses pour la musique kabyle. Nous avons essayé divers genres musicaux comme le rap en passant par d’autres styles modernes. Notre objectif était de propulser la musique et la chanson kabyle à un rang plus élevé et d’y apporter un souffle nouveau. Il faut savoir que durant les années 80, c’était, et ça reste, un véritable défi même une lutte pour pousser cette chanson kabyle. Il est vrai que cela n’a pas toujours été que des réussites mais l’on a su faire face, malgré vents et marées, pour remonter la pente.

Ce week-end, vous clôturerez donc le Printemps berbère à Paris, quel est le printemps qui a le plus marqué la mémoire de Agraw ?

l En principe, il s’agit du printemps de 1980 qui a marqué tous les esprits. C’était un grand début pour la Kabylie mais aussi pour tous les amazighs du monde entier ! Un sacré coup de force pour tamazight mais aussi pour la démocratie en Algérie. Grâce à ce Printemps berbère de 1980 et grâce au récent Printemps noir, notre langue tamazight est devenue nationale. Cela étant, ce n’est pas suffisant et j’attends avec impatience qu’elle devienne officielle dans les plus brefs délais!!! Il faut maintenir la mobilisation jusqu’à l’obtention et une satisfaction pleine et entière des nos revendications inscrites dans la plate-forme d’El-Kseur. Cela permettra enfin la paix, et le bonheur pour les Amazighs. A plus grande échelle, je souhaite la fin aux peuples opprimés en Afrique du Nord et du calvaire dans le monde entier. Et si notre Printemps berbère peut y contribuer, je n’en serai que très heureux et fier !

Que pensez-vous du Printemps berbère de 2007 et de la mobilisation des Kabyles ?

l Franchement, je suis un peu désolé. En Algérie, il n’y a pas eu de grandes manifestations à la hauteur de l’évènement. Cela est dû aux élections législatives qui ont pris toute la place. Et par rapport à ces législatives, ce que je regrette c’est la participation de certains délégués des Aarchs. Selon moi, ils ont bafoué le code d’honneur des Aarchs et souillé la mémoire des martyrs du Printemps noir. Malgré cela et la démobilisation qui a touché la Kabylie, je reste convaincu que la lutte pour tamazight et la démocratie en Algérie ne s’essoufflera jamais. Elle est tel un phoenix qui renaît de ses cendres. Nous sommes une génération de sacrifiés et l’on doit continuer à se sacrifier pour l’avenir de nos enfants.

Qu’en est-il de l’engagement politique de Agraw ?

l Vous savez, je suis plus un homme de terrain, un militant de la rue. Je me suis toujours senti plus proche des émeutiers et d’une jeunesse désabusée que des politiciens. Il est vrai que dernièrement, j’ai tenu à accorder une grande place à la musique. Mais je reste parmi les premiers qui descendront dans la rue avec la population pour des causes justes et nobles afin de revendiquer ce qui est légitime !

Selon vous, où en est politiquement et identitairement la Kabylie ?

l Ce que l’on peut dire, pour faire un point, c’est qu’entre 1980 et 2007 l’on trouve quelques notes positives et beaucoup de notes négatives… Je m’explique en quelques mots. Aujourd’hui Tamazight est langue nationale mais toujours pas officielle. Vous voyez, nous avons eu que des petites consolations à nos grandes revendications. Nous ne sommes pas dupes ! Nous attendons de véritables changements, voire de grands bouleversements pour l’Algérie ! Car voyez-vous, si on donne un statut national à une langue et que derrière il n’y a pas les moyens nécessaires pour son épanouissement, à quoi ça sert ? L’on dit que l’argent est le nerf de la guerre mais sans cela Tamazight ne parviendra pas à égaler les autres langues sur ses propres terres ! De plus, si l’on donne pas les moyens au pays de se construire, à la jeunesse de s’épanouir en étudiant, en travaillant et en se logeant qu’elle sera l’avancée pour l’Algérie ? Le constat reste donc le suivant : nous avons gagné de petites batailles mais il reste la guerre. L’Algérie est en permanence sur le fil du rasoir…Aujourd’hui, nous avons en prime le retour des intégristes qui guettent la moindre faiblesse du pouvoir ou des démocrates pour s’imposer par la violence. Alger en a récemment fait le malheureux objet, sans oublier la présence de terroristes dans le cœur de la Kabylie à Mordj Waman à Béjaia. Les politiques, tout comme la population, doivent redoubler de vigilance pour préserver notre région et notre beau pays. Les innocents ne doivent plus payer les erreurs des autres !

Pour revenir à votre carrière, actuellement, où en êtes-vous artistiquement ?

l Le but de ma venue dans la chanson durant les années 70 c’était tout simplement interpeller et réveiller les consciences. A cette époque, notre seul moyen d’expression était la chanson car tous les autres moyens de communication étaient sous l’apanage du pouvoir. J’ai la chance d’être artiste et je dois porter bien haut ce que le peuple pense tout bas. Si l’on fait un bilan de la chanson engagée, on peut s’apercevoir que l’apport est important. Les consciences ont été réveillées, la langue tamazight apparaît dans la Constitution comme langue nationale, la population est mobilisée, il y a une lueur sur une certaine liberté d’expression… Il reste du chemin et c’est pour cela que je continuerai à porter la voix, les maux de mon peuple par la chanson. Vous voyez chanson et politique sont très liées chez moi. Il n’y a pas l’une sans l’autre.

Agraw, pour le mot de la fin. Vous serez donc à Paris ce dimanche pour un concert exceptionnel au Cabaret Sauvage, qu’attendez-vous de ce concert ?

l Ce spectacle sera des retrouvailles du public avec les amis artistes de France. J’espère que nous passerons un moment très agréable, que l’on oubliera nos soucis du quotidien pour faire place à la bonne humeur et l’ambiance. Ce sera également un moment opportun pour raviver les mémoires et rendre hommage aux victimes de la liberté et de la démocratie. Enfin, de nombreuses personnes pour ce concert souhaitaient que j’interprète mes premières chansons. Je tiens à leur dire que 70% de mon programme seront fondés sur mes anciens titres. Ils en auront donc pour leur plaisir ! Et puis je dis à tout le monde soyez au rendez-vous car ce sera un grand moment !

Chillaoui Nassima

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