Accueil Culture Parution : “Isefra n Dda yidir”

Parution : “Isefra n Dda yidir”

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Voulant léguer un testament pour les futures générations, il a édité, grâce au concours de la jeune association culturelle «Massiba» de Tizi-el Korn, l’essentiel de sa poésie, reunie dans un recueil dont le titre est un clin d’œil sympathique à Aït-Menguellet. Ce recueil isefra n Dda Yidir, paru aux éditions Baghdadi, se divise en cinq sections, dont chacune, traite d’un thème donné.

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A tout seigneur tout honneur, comme l’agriculture est la base de tout essor économique et d’indépendance alimentaire, Dda Yidir ouvre son recueil par des pièces poétiques relatives à la vie pastorale et au travail agricole. De ce chapitre, intitulé ghef Tfellaht ressort toute la philosophie du poète concernant le travail de la terre naguère très répandu en Kabylie. L’agriculture est un trésor, les vergers et les potagers ont disparu de nos paysages, nos terres agricoles sont toutes abandonnées, les gens deviennent paresseux et fainéants, «les gens sont partagés en gaspilleurs, en insatiables et en affamés» autant de sous-thèmes que l’auteur traite avec cette nostalgie de paradis «agricole» perdu. Ce type de nostalgie, a été d’ailleurs chanté par l’immense poète Mohand ou Moussa des Aït Ouaguenoun, au XIXeme siècle, dans son incomparable poème Taqsit n’wahed uzevein :

“Aamrawa yellan d afdis

Taqwa tfellaht is

Irden annect ighunem

D asif nsayd ay d lmetl is

Ggudjen letmar is

Lfekya menkul lawan

Tura izedgh it ufransis

bdhan lemseghris

Thezned a lhemra l-ledyam”

(La plaine de Amraoua était lourde

de moissons abondantes

de tiges de blé hautes comme des roseaux.

Le saïs seul lui était comparable/ maintenant exilés sont les fruits / qu’on y cueillait en toute saison.

Aujourd’hui les Français l’habitent

après l’avoir loti

au grand deuil du blé qui y poussait de saison en saison.) Dit–il dans sa complainte.

Si pour Mohand Ou-Moussa, la raison de «la débâcle agricole» de la Kabylie, c’est le colonisateur français, Pour Dda Yidir, c’est la paresse, la fainéantise, l’absence de volonté, de foi et bien d’autres tares. Il dit, à titre d’exemple, dans sa dixième pièce consacrée à l’agriculture : Leaqel yaaya deg meyyez

Dellagh yeddubez

am wassa am ouzekka kifkif

Netteichi ur nherrez/ tiffinyent Laaguez

ullawen churren d urif

Ur n xeddem, ur nberrez

ur ntezzu ur nherrez

dnekni ay yettsebbiben lhif

Tahlalt mi tt nuffa a tt neddez

d tahramt ay nessaaaz

nsett ay d yewwi wassif.»

Si le poète invite dans son premier chapitre ses concitoyens à reconsidérer leur copie concernant le travail de la terre, il leur enjoint aussi dans le deuxième chapitre Ghef Tmazight de ne pas oublier leur identité, de continuer sans relâche le combat identitaire, car tous les combats justes finissent par triompher ; dans cette deuxième section dans son recueil, il rend aussi hommage à Mouloud Mammeri, à Matoub Lounès et à BRTV. Dans les derniers chapitres, Ghef Tagrawla, ghef Ddin, ghef Ddunit d lewqt-a, il nous rappelle les jours angoissants de la guerre de Révolution mais aussi les errements politiques post-indépendance:

«Asmi d-tehder lekmanda

fkan-tt i aâdouda

hakment awk wid ur nuklal», s’insurge-t-il dans son trentième poème.

Il nous décrit, par ailleurs, les transformations sociales qui bouleversent l’Algérie et la rendent complètement méconnaissable :

«Teqqel lezdayer d Kabul

su qenddur akk d ukkebudh

d Llah akbar deg iles

Deg ccher ramtane mi di lul

ad zlun aghyul snuzn aksum irxes

Ecc kan an grik a yul

ad fghath del ghul

bab n dnneb ad ixelles», écrit-il pour nous parler de ces «métamorphoses à l’afghane». Son statut de sage de quatre-vingt ans, lui donne l’aptitude de parler mieux que quiconque de la vie et de sa signification. «L’homme n’est pas éternel» un jour ou l’autre, affirme l’auteur, il doit dire «beqqa ala xir a dunnit» aussi doit-il se préparer pour ce grand jour.

Les amoureux de la poésie trouveront certainement du plaisir à lire le recueil de Da yidir. Du rêve, de la nostalgie, de la sagesse,…. chacun peut y puiser ce qu’il veut dans la source poétique de Dda Yidir. Une source jaillissant des belles montagnes de Taourit-Ighil ; source, qu’il nous dit, ne tarira jamais tant qu’il serait en vie. Bravo l’artiste!

Boualem Bouahmed

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