Poème de Matoub Lounès (1982)

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1-Son âme agonise

Tel un grain dans une meule.

Il attend son tour et pleure

Mon bagnard !

2-Il craint que vous voyiez en lui un téméraire,

à la fin, vous risquez de l’oublier.

Vers lui, qui ouvrira la voie ?

Mon bagnard !

3-L’arbitraire montre ses repousses.

Vers l’avant se dresse un précipice,

La mort approche par derrière.

Mon bagnard !

4-Appelle-le donc, ô mon cœur, appelle-le !

Dis-lui, s’il écoute,

De se garder de dénoncer qui que ce soit.

Mon bagnard !

5- ô vent qui berce les oliviers

Apprends-moi, je t’implore, les nouvelles.

Je ressemble à du bois vermoulu

Que les gens refusent même à brûler dans les foyers.

Quelle raison l’a exilé

Et l’a ravi brutalement aux siens ?

ô vent qui me rend visite,

T’a-t-il chargé d’un message, mon bagnard ?

6-A trop écouter les gens,

Mes mains se refusent à l’ouvrage.

Le chagrin attise mes malheurs

Et remplit mes jours de noirceur.

J’ai surpris des gens converser,

A ma vue ils ont baissé les yeux.

Vent, c’est à toi de m’apprendre

S’il est encore en vie mon bagnard.

7-Le cœur halète à l’arrivée du vent de mars.

Dès que je porte la coupe aux lèvres,

On vient me l’en saisir.

Aujourd’hui, je sais, je l’ai perdu ;

Mes yeux ne le reverront plus.

Vent, viens me dire

Où la vague a largué mon bagnard.

8-La paix que j’attendais a failli

Au rendez-vous pourtant accordé.

La belle tragédie s’est fardée

Et vient m’offrir des cadeaux chez moi.

Maintenant je comprends la raison de son retard,

Et pourquoi son retour est une chimère :

Il refuse de fléchir devant l’humiliation

Dans le pénitencier de Berrouaghia,

Mon bagnard !

Traduction : Amar Naït Messaoud

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