Ingratitude fraternelle

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(5e partie et fin)

Un jour “Vouid’mim” lui dit :– Maman, je voudrais connaître mon oncle, celui dont tu m’as toujours parlé, mais que je ne connais pas et que je n’ai jamais vu !- D’accord mon fils, tu es grand maintenant, il est temps que tu le connaisses. Comme ton père ne se résoudra pas facilement à nous laisser partir, ce soir au souper demande-lui avec insistance ; s’il refuse, mets-toi à pleurer jusqu’à ce qu’il cède.Le soir “Vouid’mim” demanda à son père la permission d’aller rendre visite à son oncle maternel (khali). Interloqué, le père lui dit :- Ta mère n’a pas de frère ; je l’ai recueillie dans une fosse, au bord de l’agonie.- Non papa, maman possède un frère et je voudrais bien le connaître ! Laisse-nous aller à sa recherche ; nous reviendrons aussitôt après l’avoir trouvé.Ne pouvant rien refuser à son fils, le père céda. Un jour, de très bonne heure, la mère et le fils entreprirent le voyage vers l’ancien domicile familial. Après un très long trajet, ils arrivèrent à la nuit tombante, aux environs de la demeure du “frère”. Là des gens les mirent au courant de l’étrange maladie de l’habitant des lieux. Avant de demander asile pour la nuit, la mère recommanda à “Vouid’mim” de lui demander de lui raconter une histoire en présence de son frère. Après cela, elle tapa à la porte de son frère. Sa belle-sœur sortit ; ne le reconnaissant pas, elle lui dit :- Passe ton chemin vieille, je ne suis pas en état de recevoir quiconque !- Pourquoi cela, madame ?- Un malheur a frappé mon mari, il est atteint d’un mal incurable ; ni les savants ni les docteurs appelés à son chevet n’ont pu lui retirer une épine qui s’est nichée dans son genou.- Si tu me laissais essayer peut-être arriverais-je à l’extirper ?- Quelle science as-tu toi vagabonde, pour réussir là où les autres ont échoué ? Va, passe ton chemin, et laisse-moi tranquille !Au moment où elle allait la congédier, son frère voulut qu’elle fasse la tentative de lui retirer la fâcheuse épine. A contre-cœur, elle la laissa entrer. La sœur trouva son frère impotent aussi au coin du feu. Dans le “kanoun” (âtre) grésillaient des branches de chêne-liège. S’étant approchée de lui, elle lui demanda les raisons de son handicap. Son frère lui répondit vaguement, en lui disant qu’il ne savait pas comment une telle chose s’était produite. Mais au fond de lui-même, il ne le savait que trop. Avant de tenter quoique ce soit, elle jeta un regard complice à “Vouid’mim”, celui-ci lui dit :- Maman, j’ai sommeil, mais comme à l’accoutumée, avant de m’endormir, je voudrais que tu me racontes une histoire merveilleuse.- D’accord mon fils “Vouid’mim”, cette nuit, je ne vais pas te raconter une histoire merveilleuse, mais je vais te raconter mon histoire, ma malheureuse histoire.Elle entame son récit ainsi : A Vouid’mim a memiA thin igedhran id’iG’ma aâzizen felliD’i thesrafth idjayi(A Vouid’mim, mon fils, que de maux j’ai endurés, mon frère bien aimé, dans une fosse, m’a abandonnée). Tout en racontant son histoire, en n’omettant aucun détail, elle prit le genou de son frère ; retira une fibule de son vêtement et extirpa avec une grande facilité l’épine qui s’était nichée depuis des années et que personne n’avait pu enlever. L’épine retirée, le frère reconnut enfin sa sœur, qu’il avait abandonnée, et se souvient de la malédiction qu’elle lui avait lancée et qui s’est concrétisée. Penaud, il écarquilla les yeux et se confondit en excuses.Elle, toujours pressée par “Vouid’mim” continua à narrer toutes les péripéties de sa vie, en disant à chaque fois : celle-ci est mon histoire, A Vouid’mim mon fils (Tsagi ay tsaqcit’ inou a Vouid’mim, a Vouid’mim a memmi).Au fur et à mesure que les flots de paroles sortaient de sa bouche, un étrange phénomène se produisit. Son frère et son épouse s’enfonçaient lentement dans le sol. Quand elle termina son récit, les deux personnes étaitent presque entièrement englouties. De son frère, il ne restait plus qu’une touffe de cheveux. La saisissant, elle retira son frère et enfonça sa belle-sœur qui disparut à jamais.(Our kfount ethh’oudjay inou our kefoun ird’en tsemz’in as n-elâid’ anetch ak’soum tsh’emz’ine ama ng’a thiouanz’iz’in) Mes contes ne se terminent, comme ne se terminent le blé et l’orge. Le jour de l’Aïd, on mangera de la viande et des pâtes jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes”N. B : Ce contre existe en entier, en kabyle et en vers.

Benrejdal Lounès

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