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Ahmed Hamoum ou l’art de perpétuer le conte

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Comment sauver le conte oral kabyle de l’oubli ? Comment mettre la sagesse kabyle sur l’orbite du rayonnement ? Comment donner accès à la lecture pour un peuple en mal de mots ? Ahmed Hamoum semble avoir trouvé une réponse en une alchimie verbale mêlée à l‘imaginaire populaire.

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Pour protéger le précieux héritage qu’est le conte kabyle, le travail d’Ahmed Hamoum se veut salutaire à plus d’un titre. Ainsi, cet enseignant de tamazight au CEM Tazaghart Achour d’Aghbalou s’est penché depuis des années à répertorier les pépites du terroir que les kabyles se racontaient autrefois de lkanoun, et qu’il a fait transcrire et publier sous forme de petits livres à la portée de toutes les bourses.Sans avoir à le crier sur tous les toits, Ahmed Hamoum travaille assidûment et compile les œuvres au grand bonheur de ses lecteurs. En 2005, Aheggan n Wakli voit le jour en premier. Etalé sur 32 pages, ce conte réunit un esclave, un roi, la fille du roi et un vieux sage pour répondre à un enjeu majeur ; empêcher l’esclave d’épouser la fille du roi, et pour y aboutir il fallait toute la ruse du vieux sage qui maîtrisait à merveille les us du climat qu’il fit endurer à l’esclave, comme épreuve avant de lui faire exaucer ses vœux. L’année d’après, il récidive avec Tamacahut n Tmeqerqert qui, sur 32 pages, nous ouvre les portes du monde animal. Ainsi, met-il en relief, le foyer de M. et Mme Grenouille battant de l’aile ; les animaux se relayaient un par un pour sauver le ménage qui menace ruine. Cependant, il aura fallu toute la sagacité d’un rouge-gorge qui ne payait guère de mine pour désamorcer la crise et faire revenir les époux à de meilleurs sentiments, en leur apportant lumière et joie de vivre ensemble. Dans Lekdeb Imzenneq, publié en 2007 sur 42 pages, l’auteur revient avec grâce pour nous prendre soigneusement en main et nous conter les caprices d’un roi et la brosse à reluire dont usent ses sujets pour le satisfaire. Simplement, les têtes des uns et des autres tombent et il fallait l’insolence d’un pauvre diseur de vérité pour mettre fin à l’hécatombe. Dernièrement, c’est la traduction du vagabond de Guy de Maupassant que Ahmed Hamoum vient d’achever et mis sur les étals. Intitulé Amnetri, Jacques Randel de Maupassant prend les oripeaux d’Azwaw Meghlaoui et part chercher vainement fortune. Par cette œuvre aux couleurs diverses, Ahmed Hamoum confirme que le conte kabyle a un avenir, pour peu qu’il soit introduit dans l’air du temps. Par la richesse abondante de sa moralité la féerie extatique de ses événements, l’ample universalité de ses enseignements, le conte reprend une place de choix dans les esprits. Les livres d’Ahmed Hamoum constituent un rempart contre la négligence et tressent des traits d’union à mettre entre les mains des grands et petits, pour 50 dinars s’il vous plait ! T. D. Publication Le mystère De Gaulle de Benjamin Stora Comment l’Algérie est-elle devenue indépendante ? Un récent sondage d’opinion réalisé en France a porté Charles de Gaulle en haut du podium des personnalités admirées des français durant le vingtième siècle. En fait, c’est une consécration sans surprise tant l’Homme de “ l’appel du 18 juin», a cristallisé les espoirs de tout un peuple, en faisant fi de la barbarie nazie et creusé le sillon de la libération par la résistance. Puis, par un tumultueux concours de circonstances, le sérénissime général s’est éclipsé de 1946, pour une longue traversée du désert et réapparaître enfin, un mois de mai 1958 avec des contours messianiques, en plein coeur de la guerre d’Algérie, dont les terribles péripéties ont tant barbouillé les diplomates et militaires français mêlés. Dans un essai intitulé “ Le mystère de Gaulle», l’éminent historien Benjamin Stora tente une autre approche du général, par un travail concentré sur ses années algériennes qui sont, en fait, une longue épreuve marquée par des décisions équivoques, des projets en trompe l’oeil et des voltes faces qui méritent clarté et analyses objectives. Ainsi, revenu de loin d’entre les morts politiques, de Gaulle a vite fait un crochet à Alger, pour marquer le début de son mandat, avec le sceau du dialogue et de la confiance. Fort de sa popularité et d’un discours qui suscite l’optimisme et instille l’adhésion, il est allé à la rencontre des “pieds noirs” comme un porteur d’eau ; avec un retentissant “ je vous ai compris», prononcé sur le balcon du palais du gouvernement à Alger où il a clairement affiché son choix éminent et solide pour la pérennité de l’Algérie française. Cependant, note Benjamin Stora, «la réalité d’un jour n’est pas forcément celle de toujours». Malgré le déploiement des grands moyens pour maintenir le peuple algérien sous le joug colonial avec le plan marchall, les lignes Morice et Challe, les opérations Jumelles et Eperviers, entre autres, l’évolution politique naissante sur le front algérien de plus en plus intense et sanglante, et à l’échelle mondiale de plus en plus contraignante, ont porté l’estocade à la politique initialement choisie par le Général qui sera dorénavant dirigée malgré lui, à faire des compromis, sinon des concessions. Contre toute attente, une année seulement après son accession au trône, il lance à Mostaganem la franche et irrévocable idée de «l’autodétermination». Un véritable pavé dans la mare. Farfelu ? Se demande la rue européenne désarçonnée par tant d’outrecuidance ; une décision qui a engendré des salves de haines atroces : un putsch raté d’un quarteron de généraux à la retraite, selon la formule consacrée, et deux attentas manqués de l’OAS, tous deux ont visé la personne du “fruste général” ! Cet essai sous titré “ Son choix pour l’Algérie” avance cinq raisons majeures liées les unes aux autres et qui sont à l’origine de ce break pour le moins inattendu, en premier lieu, par les communautés harkis et pieds noirs. Après un voeu d’association entre la France et l’Algérie sur le modèle du Commonwealth, suggère L’auteur de “La gangrène et l’oubli», qui met tout de go en exergue les raisons profondes de l’achoppement de cette vision. D’abord, l‘intégration impossible du peuple algérien dans le moule de la civilisation française, ensuite, la stérilité de la stratégie militaire où il est mis en évidence l’impertinence du choix des armes. Plus loin, Benjamin Stora relève que le nombre sans cesse grandissant des émigrés établis en Hexagone représente une menace pour l’identité française. “ La civilisation musulmane lui apparaît comme un corps étranger», écrit l’historien. Tapie au fin fond de l’esprit de de Gaulle, continue l’enfant de Constantine, où il est né 1950, la Guerre d’Algérie devenait trop onéreuse pour une France elle-même en période de construction pendant Les Trente Glorieuses. Finalement, les rêves souverainistes et européens de de Gaulle, concoctés en étroite collaboration avec l’allemand Adenauer, ont fini par achever de convaincre le Général de se tourner irréversiblement vers l’Europe et préparer le retour de la France dans le concert des nations par la grande porte, celle de la coopération, selon le principe de la liberté des peuples à disposer de leurs destins. Pour convaincantes soient-elles, les analyses de Benjamin Stora suspendent une autre interrogation qui ne manque pas de piment : l’indépendance de l’Algérie est-elle acquise de haute lutte ou bien est-elle une offrande, sinon un caprice du mystérieux général ?

Tarik Djerroud

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