Publication : Youyou dans les lauriers-roses, un récit de Boukhalfa Bitam

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L’écrivain algérien Boukhalfa Bitam a publié aux éditions de l’A.N.E.P un récit intitulé « Youyou dans les lauriers-roses « . C’est un livre très bien élaboré qui se compose de cinq récits ins-pirés du quotidien d’un village kabyle. Ces textes se veu-lent un reflet, direct ou indirect, d’un monde dont se perd aujourd’hui, peu à peu la mémoire. Un monde marqué par un fait majeur, le fait colonial, et qui, replie sur lui-même pour mieux résister aux assauts de l’occupant. L’honneur fait la toile de fond de trois de ces récits. Les deux autres mettent en scène des faits et des personnages insolites, Dans la contrée et le temps où ces faits avaient eu lieu, il n’existait ni lois reconnues (la coutume faisait loi), ni police, ni tribunaux investis d’une quelconque autorité légitime. La justice coloniale n’en était pas une pour nos aïeux à qui elle apparaissait au contraire, comme la con-sécration de la loi du plus fort. Sa visée primordiale étant, de fait, d’asseoir et d’avaliser la domination du vain-queur. Dans les villages kabyles, des assemblées de sages, au nom des usages ancestraux, arbitraient les conflits ar-bitrables ; c’est-à-dire ceux dont la substance étaient un différend d’ordre matériel. Les atteintes à l’honneur, elles, se réglaient couram-ment dans la mort. Elles ne pouvaient relever d’aucun tribunal. Le contras social se traduisait dans les moeurs. Celles–ci, étaient régies par une conception de l’honneur que ré-sumait le mot :  » Ennif « , qui constitue en un code de vie d’une extrême exigence, transcendait les faits essen-tiels de l’existence. Il recouvrait toute la pratique sociale qu’un homme valide pouvait, par exemple, refuser d’aller à la guerre. L’infamie frappait le refus de participer aux travaux communau-taires, l’inobservance de certaines pratiques religieuses (Ramadhan), la dérobade aux devoirs de la solidarité familiale, le manquement de la parole donnée, et en général tout acte délibéré heurtant le consensus moral sur lequel tenait la société. Le manquement à une femme, les débordements de la sexualité se résolvaient dans le sang. Les habitants de la région, hommes faméliques et ombrageux à qui une nature marâtre donnait tout juste de quoi survivre, ne connaissaient, malgré la misère, qua-siment point d’autres drames que ceux d’honneur. L’honneur… ! Comme si, pour réfuter l’humiliation coloniale et préserver de la dégradation l’âme de la com-munauté il fallait avant tout porter haut l’estime de soi-même et des autres. Sans doute en allait-il de même à travers tout le pays : l’idée nationale n’étant pas alors, tout à fait sortie des limbes, c’était l’honneur et l’amour de la liberté confortée par la foi religieuse qui servaient contre l’en-nemi, à la f ois d’armure et de sabre. Ces quelques récits, faits et gestes d’hommes aux prises avec une dure époque, et qui avaient, dans la souf-france, forgé les grandeurs de leurs temps, feront peut-être entendre à notre  » société malade  » de s’adapter a un monde ou trônent les et les vertus ancestrales. L’écrivain Boukhalfa Bitam est natif de Beni Yenni (Tizi-Ouzou). Il est auteur de plusieurs ouvrages, entres autres : Taddart Oufela, Rue de la liberté et Meryem.

A. R.

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