Portrait Brahim Saci : Lucidité et clairvoyance d’un grand artiste

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Les grands artistes ont la possibilité d’exprimer, non seulement leurs sentiments profonds mais ils peuvent aussi partager et sentir la douleur et la joie des autres, en gardant l’œil clairvoyant sur le présent et l’avenir. Brahim Saci, en fait partie.

Saci est un artiste sincère qui s’exprime en toute liberté. Il n’est pas du tout de cette catégorie des pseudo-intellectuels, lesquels font tout pour chanter l’ordre établi et faire l’éloge des puissants du moment. Saci ne fait qu’écouter son cœur si sensible et sa raison sereine est ingénieuse. Il chante la vie avec ses couleurs multiples, l’exil, la fraternité l’humanisme et bien d’autres thèmes. « L’injustice et les péchés -Ont bien fini par vous plaire -Où est l’espoir du passé -N’aimez-vous pas la lumière? -Même les oiseaux migrateurs -Reviennent toujours vers leur nids -Que devient le voyageur -Qui reste loin de chez lui? -J’ai vu bien des pays -Mais nul n’égale ta beauté -Ô soleil de l’Algérie! Lèves-toi ô liberté! -Même le soleil dans le ciel -Se couche quand arrive le soir -Même la pluie et la grêle -N’effaceront pas la mémoire -J’ai peur pour ceux qui oublient -Et se croient intouchables -Car le destin de la vie -Pour eux est impardonnable -J’ai peur pour ceux qui oublient -Et veulent changer de visage -Si l’argent change leurs vies -C’est avec qu’ils font naufrage», chante le fils de la Kabylie. Saci partage les émotions de ses compatriotes en France et partout dans le monde, il fait de l’humanisme une raison de vivre. Sans omettre de s’accrocher à ses racines, à cette terre généreuse qui l’a vu naître. Comme Slimane Azem, Brahim parle du substantiel des choses et ne se contente pas du superflu car il n’a pas froid aux yeux. «C’est dans les rues de la vie -De l’Algérie à Paris -Qu’il a semé l’espoir -C’est au son d’une mélodie -Bercée dans la Kabylie -Qu’il a gravé la mémoire -Même s’il fut trahi -Sans rancune et sans mépris -Il nous a tant fait rêver -Ce fut l’espoir de sa vie -C’est l’espoir d’un pays -L’espoir d’une liberté -Vagabond sur les chemins -Seul, sa guitare à la main -Dans les ruelles de Paris -Il chantait quelques refrains -Pour l’espoir d’un lendemain -Ô folklore de Kabylie -Même si l’exil l’a banni -Pour l’amour de sa Patrie -Il a gardé l’espoir -Il disait soyez unis -Vous réussirez vos vies -Vous garderez la mémoire -C’est sur les chemins de l’art -Qu’il a semé l’espoir -Avec les couleurs des saisons -Comme cet oiseau rare -Qu’on a trahi sans savoir -Qu’on a trahi sans raison -O montagnes de Kabylie! -C’est pour vous que j’écris -Avec une note d’espérance -Si je meurs demeurent mes cris -Sous le vent ou la pluie -Ils effaceront vos souffrances », peut-on écouter d’une chanson d’une rare beauté où Brahim nous rappelle d’amères souvenirs…

Brahim Saci est né en Algérie, dans un village de Kabylie, Tifrit Naït Oumalek, village célèbre sous la protection du très vénéré Saint Sidi M’Hamed Oumalek. La tradition rapporte que ce dernier s’y est établi dans cette belle région, probablement vers la fin du XIVe siècle. Brahim Saci est l’un de ses descendants. Jusqu’à l’âge de 10 ans, il passa une enfance heureuse au village. Puis il partit rejoindre son père à Paris. Il suit sa scolarité à l’école primaire Eugène Varlin, au collège Gustave Courbet à Pierrefitte, puis au lycée Paul Eluard à Saint-Denis. Déjà poète-adolescent, s’inspirant de Baudelaire, de Rimbaud et de Nerval, il remporta des prix aux concours de poésie organisés par le lycée Paul Eluard. Une chose qui le motive énormément. Très tôt, il a baigné dans les Arts, bercé par les chants berbères que fredonnaient sa grand-mère et sa mère. Déjà enfant, il était fort doué en dessin, il devint des années plus tard, dessinateur, caricaturiste (un métier qu’il pratiqua durant ses voyages en Allemagne, en Suisse, en Autriche, qu’il continue à pratiquer à Paris). Après un Baccalauréat littéraire, philosophie, langues, il entame des études universitaires à l’Université Paris VIII, à Saint-Denis. Après une licence de langues étrangères appliquées, affaires et commerce et une maîtrise en anglais, traduction scientifique et technique, il se passionne pour la musique et approfondit l’écriture. Il devient alors auteur, compositeur, interprète d’expression franco-berbère. Animateur à Radio Beur en 1992, à Radio France Maghreb en 1995, de 1993 à 1997 il présente des rubriques littéraires dans le domaine berbère à Bellovaque FM. A Beur FM de 1996 à 1997, à France Maghreb FM de 1998 à 2000, il présente des rubriques sur l’Histoire antique des berbères. En plus de ses multiples quêtes intellectuelles, l’auteur de Leghdar n watmatien (la trahison des frères) continue de chanter ses belles et originales compositions. Un grand artiste comme Brahim Saci mérite un grand hommage et une reconnaissance singulière. Dans le monde d’aujourd’hui, les vraies valeurs sont supplantées par un matérialisme farouche, lequel a marginalisé les créateurs. L’Algérie d’aujourd’hui et celle de demain seront toujours fières d’avoir un artiste aussi modeste.

Ali Remzi

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